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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 16 DÉCEMBRE 2004

À PLAT VENTRE DEVANT ERDOGAN

La Turquie "menace" de retirer sa candidature: la république chiraquienne s'aplatit la première

Certains commentateurs agréés sont allés, au lendemain de la prestation télévisée de M. Chirac le 15 décembre à parler de "courage". Ils ne manquent pas d'audace.

Depuis plusieurs semaines en effet, on agitait l'hypothèse d'une proposition dite d'alternative que la savante diplomatie française préparait pour éviter d'entrer les 16 et 17 décembre directement dans les négociations d'adhésion pleine et entière avec la Turquie. On parlait de différer les négociations. On parlait aussi de prévoir un statut de partenariat privilégié.

Honnêtement les deux hypothèses pouvaient, d'emblée, être considérées comme floues et hypocrites.

D'ores et déjà, en effet, la Turquie est un "partenaire privilégié" de l'Union européenne. Elle est membre de l'OTAN. Elle se trouve associée dans une Union douanière, imposée en 1993, effective depuis le 1er janvier 1996. Quant au délai supplémentaire supposé rassurant, supposé de nature à dissocier dans l'esprit des Français la question de l'adhésion turque (que 2 citoyens français sur 3 refusent) de celle de la constitution, reconnaissons son absurdité.

Ni le partenariat privilégié, ni l'atermoiement quant aux négociations ne sont acceptés par Ankara. Tout le monde le sait. Pourquoi avoir donc fait semblant de formuler des hypothèses sans fondements, sinon pour administrer à nos concitoyens un de ces médicaments dont ils sont les plus gros consommateurs du monde, un tranquillisant.

Ou bien, en effet, on prend les Français pour des imbéciles. Et dans ce cas pourquoi envisager de soumettre à referendum la ratification d'un traité de plus de 300 pages, de plus de 400 articles, de plus de 80 pages de déclarations annexes en demandant aux citoyens de répondre par un oui global ou un non global. Ou bien au contraire, on considère nos compatriotes comme des adultes et on leur laisse découvrir que le Traité constitutionnel donne, finalement, plus de garanties contre l'adhésion non-voulue d'un pays extra-européen que n'en apportaient les traités précédents.

Pour être synthétiques disons qu'une Europe confédérale forte serait beaucoup mieux prémunie à l'encontre d'une telle adhésion que ne le sont nos États-Nations qui se prétendent souverains, mais qui, en réalité, ne disposent ni des moyens, ni (surtout) de la volonté, de l'indépendance, et qui sont dirigés par des lâches. Et heureux les peuples dont les gouvernements n'ajoutent pas à la couardise, la bêtise, la méchanceté et le mensonge.

On a une fois de plus menti aux Français en faisant semblant de tenir compte de leurs réticences, largement majoritaires, vis-à-vis de ce pays de 70 millions d'habitants dont on découvre que 15 millions de personnes y seraient candidates à l'émigration vers l'Europe occidentale dès lors que l'Union européenne leur ouvrirait les portes. Signe évident de prospérité de ce partenaire, pour sûr ! Heureux apport, nous dit-on, pour "sauver les retraites par répartition" (sans égorger les retraités ?) de pays vieillissants comme la France et l'Allemagne !

"Courage" dites-vous ?

Lorsque depuis plusieurs semaines l'arrogant premier ministre turc multiplie les ultimatums et les menaces, quand il annonce que si l'on n'accepte pas ses conditions il serait susceptible de retirer sa candidature, quand depuis deux mois au moins la presse turque fait pression sur les quelques pays tentés de ne pas céder, en définitive la France, la première en Europe, s'aligne sur les desiderata d'Ankara.

Un peu de pudeur MM. les laudateurs du privilégié judiciaire de l'Élysée. Ne situez pas le débat sur le terrain du "courage", cela vaudra mieux pour celui dont vous vous employez à cirer les dérisoires bottines, alors que, courbé devant le Grand Turc il en lèche humblement les babouches.

Il serait affreusement tentant, hélas, de comparer les mensonges de procédures dans cette affaire aux arnaques pour lesquelles le gouvernement a finalement fait voter les représentants domestiqués du peuple souverain une loi sur l'homophobie que l'éditorialiste du Nouvel Observateur (1) qualifie de "liberticide". Les Français n'en voulaient pas, Chirac l'a fait. Voilà en quelques jours, deux belles occasions pour Pierre Loti de se réjouir au fond de son purgatoire.

Tout est mensonge dans la démarche officielle française, à commencer par l'invocation d'une promesse qui aurait été faite par De Gaulle à une époque où l'Union européenne n'existait pas…

Alors on doit se mobiliser sur toutes les garanties que prétendent apporter les textes européens, en particulier sur les conditions posées à la Turquie et qui, si elles étaient observées, changeraient entièrement la donne.

Par exemple la question des libertés civiles et notamment des libertés religieuses ne doit pas être traitée à la légère, comme une sorte de cerise sur le gâteau : les droits de l'homme, et de la femme, tels que nous les concevons sont bafoués en Turquie où reçue non par la laïcité, au sens français, mais l'islamisme d'État allant depuis 1982 jusqu'au catéchisme musulman obligatoire.

Nous avons le devoir de harceler les négociateurs européens, les parlementaires européens, les dirigeants européens sur ces questions afin qu'ils clarifient leur position, afin qu'ils appliquent les recommandations, à commencer par les 22 pages de la commission adoptée en octobre.

Hélas, il sera inutile, trompeur et malfaisant de s'adresser aux bureaucrates de Paris. Ils ne sont plus rien et l'air important qu'ils se donnent encore, fantômes coûteux hantant les palais nationaux, encombrants squatteurs de plateaux de télévision ne servent plus qu'à tenter de justifier leurs prébendes et, s'agissant de Chirac, à préserver les privilèges judiciaires sans lesquels comme le roquet Juppé, il verserait des larmes à défaut de reverser l'argent détourné.

Un jour, certes, ces nuisances seront balayées.

En attendant, l'urgence est à la mobilisation pour sauver l'Europe du syndicat des lecteurs de Pierre Loti, du gang des postiches de la laïcité, du réseau d'appui à la revanche, que les Ottomans fourbissent depuis plus de 300 ans qu'ils ont été vaincus devant Vienne.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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(1) Laurent Joffrin dans un éditorial publié par le Nouvel Observateur daté du 16 décembre.

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