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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 7 JANVIER 2005

DANGER : POLITIQUE INDUSTRIELLE EN VUE

Chirac et Beffa annoncent le grand retour de l'intervention étatique…

Jusqu'à l'émission de M. Sylvestre (1) "commentant favorablement", ce 6 janvier, le rapport Beffa, je l'avoue, j'hésitais encore à stigmatiser, comme elle le mérite intrinsèquement, la nouvelle logique planificatrice, affirmée par le p. de la r. lors de ses vœux du 4, adressés aux prétendues forces vives de la nation.
Était-ce bien la peine, pensais-je, d'évoquer ces propos jetables ?

On aurait pu cependant considérer de manière immédiate que si le chef de l'État s'est mis soudain à communiquer sur autre chose que le tsunami (2) c'est qu'à défaut d'avoir vraiment quelque chose à dire, il en éprouvait le désir.

En effet, on pouvait déjà le suspecter à la lecture matutinale du Figaro et des Échos en date du 5 janvier, tous deux louangeurs, comme il se doit.

Cependant, la nouvelle orientation, certes funeste, se dégageant de ce discours, pouvait être simplement suspectée de charrier un nouvel élan politicien, aussi dérisoire et peu crédible que celui de la "fracture sociale", thème de sa campagne présidentielle de 1994-1995.

Or, il faut reconnaître l'évidence, nous sommes bel et bien présence, désormais, d'un véritable nouveau planisme "à la française"; et ses mots d'ordre vont prendre le relais de la bonne vieille planification héritée de 1946, tendant asymptotiquement vers zéro depuis 10 ou 15 ans. Celle-ci existe encore sur le papier, mais, ces derniers temps, elle ne faisait plus guère de mal, sauf à entretenir les braises d'une petite bureaucratie de demi-soldes aigris, toujours susceptibles de ranimer la flamme du socialisme. Occupant encore l'hôtel de Martignac, le commissariat a pour titulaire depuis avril 2003 M. Alain Etchegoyen (3), et tout le monde s'en moque.

Le rapport Beffa change complètement la donne en ce sens qu'il complète dangereusement le propos chiraquien du 4 janvier. Il le confirme, il le crédibilise, il lui donne un corps de doctrine.

Le chef de l'État lui-même paraît, d'après tous ceux qui l'approchent, plus vieux que son âge réel — il n'a guère que 72 ans. Peut-être est-il usé par sa vie trépidante et ses amours fugaces ; hantant depuis 38 ans les palais nationaux, parlant comme s'il devait nous infliger une nouvelle candidature et même un 3e mandat en 2007, il semble désormais plus menacé par le Dr Alzheimer que par le Dr Marx. Comme à l'époque de la soviétologie, il n'est peut-être plus qu'un "concept", éventuellement un zombie. Tout se passe désormais comme s'il était le jouet d'influences, certainement délétères, qui s'exerceraient sur lui par la crainte que lui inspirent d'éventuelles poursuites judiciaires dont l'affaire Juppé lui donne probablement l'avant-goût. Le bail emphytéotique dont il bénéficie depuis bientôt quatre décennies à la tête de la droite arrive en fin de parcours. C'est, en tout cas, la rumeur que font courir bien des mauvaises langues (et nous n'en croyons rien, pour sûr). Dans un tel climat empoisonné, ses propos n'ont de sens que par le contexte de ceux de son entourage.

Avec le rapport Beffa nous avons, au contraire, la confirmation que le clan chiraquien, cet assemblage d'intérêts et de marottes, cherche une doctrine pour relancer à son profit l'idée de l'intervention étatique dans l'économie française, au nom de "l'innovation" et à coup de "grands programmes", évidemment subventionnés.

Appelant à la rescousse un industriel de haut niveau, X-Mines de 63 ans, vieux routier de l'économie dirigée (4), le pouvoir imagine de la sorte recevoir une approbation droitière. Inutile de souligner trop lourdement qu'il en sera du rapport Beffa comme de tous les rapports : son destinataire théorique, le gouvernement des politiques, y puisera ce qui lui convient et en rejettera parfois même des dispositions essentielles. Très probablement, par exemple, tout ce qui donnerait un vrai rôle à l'initiative privée sera marginalisé dans l'application concrète. Le prétendu partenariat public/privé sera un pâté d'alouette "un cheval une alouette". L'Agence de l'innovation sera, au total, une bureaucratie supplémentaire et l'on y verra comme d'habitude des gens n'ayant aucune expérience de l'entreprise y conseiller des entrepreneurs, etc.

Mais il faudrait aussi revenir, si possible une fois pour toutes, sur une confusion très grave, très dommageable pour les idées de liberté, dans notre pays : la confusion du "patronal" et du "libéral".

Tout d'abord un grand chef d'entreprise, y compris le président de Saint-Gobain, ce n'est pas exactement un entrepreneur.

Avoir avec soi les gestionnaires des grosses boîtes de culture monopoliste, c'est mieux que de les avoir contre soi, mais ce n'est pas la certitude quant au soutien et au suffrage des travailleurs indépendants. (5)

À force de prendre les Français pour des imbéciles on s'expose à prendre n'importe quel sot pour représentatif des Français.

Et à force de cracher sur les opinions de liberté, on confond n'importe quelle approbation intéressée des intérêts monopolistes privés pour une expression du libéralisme.

Il est sans doute vrai qu'une partie du monde patronal souhaite, ou fait semblant d'approuver, le retour de l'État hexagonal à son vieux démon de politique industrielle qui a pourtant toujours échoué, toujours coûté extrêmement cher, toujours entravé le développement des initiatives pertinentes.

Le paradoxe est d'ailleurs de citer en exemple, pour une telle politique d'État, Airbus et Ariane, qui sont certes des réussites techniques, mais qui sont aussi des opérations européennes. Il est vrai que les exemples franco-français sont moins convaincants, Alstom, la SNCF et tutti quanti.

L'approbation donnée par certains à la "théorie de l'innovation" introduite par le rapport Beffa prouve une seule chose : c'est que cette frange du monde des affaires se préoccupe, légitimement c'est vrai, de gagner de l'argent, légalement c'est encore possible, mais qu'elle ne s'intéresse sûrement pas à la libre entreprise.

Il est arrivé certes, et il arrivera encore que M. Seillière ou M. Kessler disent courageusement des choses intéressantes, et dans chacunes de ces occasions nous ne ménageons pas notre approbation.

Mais on ne saurait accepter, sous prétexte de "grande politique industrielle" de faire financer par les petits les subventions des gros.
Veut-on relancer l'activité économique en France ?

La vraie recette est simple : moins d'impôts, moins de charges, moins de subventions, moins d'interventions, moins de contraintes, moins de réglementations, moins de politique industrielle, moins de démagogie, moins d'opacité comptable, moins de Bercy.

Cela pourrait presque tenir en un mot : moins de Chirac.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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Apostilles

(1) à 7 h 22 sur France Inter "L'économie aujourd'hui". Chronique du 6 janvier : "Jacques Chirac annonçait mardi le projet d’une politique industrielle innovante et ambitieuse pour la France. Mercredi, Jean-Louis Beffa, PDG de Saint-Gobain, plaidait pour un cofinancement public-privé des grands programmes industriels par l’intermédiaire d’une agence pour l’innovation."

(2)... et sur cette formidable générosité mondialisée… gérée par l'ONU s'il vous plaît… générosité mondialisée dont l'effet additionné, réparera au moins 1 % des dégâts estimés (3 milliards de dollars sur 300 milliards)… tout en représentant environ la moitié de ce que les compagnies d'assurances privées françaises ont pu verser aux forestiers pour la tempête de 1999.

(3) Celui-ci est philosophe de formation donc quelqu'un d'a priori moins nuisible, mais il pourrait aussi se révéler intellectuellement plus dangereux, que les énarquo-socialistes qui l'ont précédé depuis que le XIe Plan est tombé en déshérence, successivement MM. Jean-Baptiste de Foucauld (1992-1995) Henri Guiano (1995-1998) Jean-Michel Charpin (1998-2003).

(4) Beau de Loménie employait l'expression, très pertinente, "d'économie accaparée".

(5) Il est déjà assez pitoyable de voir les ministres successifs de la sécurité sociale maquignonner les barèmes et les règlements monopolistes de l'assurance-maladie avec 3 ou 4 bureaucraties syndicales, gestionnaires de fichiers de cotisants théoriques comprenant 3 000 à 5 000 praticiens désabusés, comme si elles représentaient les 500 000 professionnels de Santé et les 50 millions d'assujettis des monopoles sociaux. De même est-il dérisoire d'entendre parler si souvent les cadres salariés des caisses sociales corporatives, des chambres consulaires et des fédérations professionnelles comme s'ils étaient eux-mêmes les entrepreneurs. Je voudrais donc, une fois pour toutes, dire à ceux qui ne le sauraient pas, que non seulement les artisans, les commerçants et tous les entrepreneurs individuels ne se sentent aucunement représentés par ceux dont la classe politique fait ses interlocuteurs institutionnels, mais qu'en général ils les détestent et dans le meilleur des cas ils les ignorent. C'est une erreur totale que de croire qu'en recueillant pieusement l'approbation due bureaucraties patronales, vivant elles-mêmes de prélèvements obligatoires on obtiendra les voix des travailleurs indépendants.

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