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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 12 JANVIER 2005

PROMESSES MIROBOLANTES

Bayrou a raison d'employer le mot. Les baisses d'impôts, cependant, sont faisables mais ceux qui les promettent ne sont plus crédibles. La seule promesse que Chirac n'ait jamais faite c'est celle de tenir ses promesses.

Bon, je pensais n'avoir désormais plus rien à rajouter quant aux délires du p.-de-la-r. Et puis voici ce Bayrou qui ose ironiser ce 11 janvier sur le thème "il n'y a aucune chance de réaliser les promesses de baisse d'impôts qui ont été faites". (1)

Faut-il vraiment peser mot à mot l'échange polémique ?

Le 10 janvier, le Premier ministre M. Jean-Pierre Raffarin, effectivement plus discret que le président de la République quant à ces baisses de l'impôt sur le revenu, promises en 2002, avait jugé, mais en aparté, qu'elles étaient "évidemment faisables", le chef de l'UDF a rétorqué, au contraire : "ce n'est ni évident, ni faisable". De la sorte, "cela ne sera pas fait et une nouvelle fois, les Français découvriront que les responsables politiques leur mentent".

Quelle découverte en effet !

Au total M. Bayrou parle donc de "promesses mirobolantes."

Il a doublement raison.

D'une part, il dit la vérité, ces promesses sont littéralement peu croyables, venant d'un homme comme Chirac.

D'autre part, les propos de nos politiciens sont en général si ennuyeux que dès que l'un d'entre eux "ose" sortir des registres conventionnels et les lexiques de la langue de bois, ils passent pour des hommes d'esprit. Après 4 années de stagnation personnelle, de 1993 à 1995 sous Balladur, puis de 1995 à 1997 dans le gouvernement Juppé, comme ministre de l'Éducation nationale, où il ne fit rien sauf s'entretenir futilement avec la FSU, M. Bayrou est devenu, aux yeux du public, lors de la campagne de 2002, une sorte d'homme d'action virtuel par l'effet d'une simple claque donné à une petite gouape.

Quelle audace, pense le bon peuple : on voit bien que M. Bayrou n'est pas un énarque.

Le voici donc aujourd'hui qui "ose" un mot non-conventionnel : "mirobolant". Cela veut dire d'après le Petit Robert (familièrement) "Merveilleux, trop beau pour être réalisable, fantastique." C'était aussi le surnom que Léon Daudet donnait à André Tardieu. Un peu flatteur pour Chirac...

Commençons par le commencement.

Dans l'esprit et dans le discours de M. Chirac la baisse de l'impôt sur le revenu serait destinée à relancer la consommation. Après deux petites baisses des taux en 2003 et 2004, inférieures au rythme annoncé lors de la campagne de 2002 (en tout 6 % contre un rythme annoncé de 30 % sur 5 ans) le mouvement de diminution du taux d'imposition des revenus a été gelé pour 2005. On nous annonce qu'il serait repris, mais, dans le budget 2006. Dans le même mouvement, M. Chirac promet des allégements fiscaux aux épargnants qui conserveront plus longtemps leurs actions, ce qui est proprement risible, et même inquiétant. Les ménages les plus modestes n'étant pas concernés par ces mesures, on annonce, "des microcrédits, pour permettre à chacun d'assumer ses besoins immédiats".

Cette dernière proposition, totalement absurde dans un pays où le surendettement des ménages se développe si dangereusement, est insultante pour les défavorisés. Elle est surtout proprement contraire aux notions élémentaires du micro-crédit. Car le concept même de ces crédits les destine à financer des initiatives, des micro-entreprises et non des "besoins" de consommation. Mais qu'on se rassure : le consommateur sera encore mieux défendu par l'État contre les pratiques abusives : la loi serait encore modifiée pour permettre aux associations de consommateurs, elles-mêmes artificielles, subventionnaires et sous-traitantes de l'État, de saisir la justice.

La seule justification théorique et pratique d'une baisse de l'impôt sur le revenu échappe elle aussi à l'information très courte de M. Chirac.

Car baisser cet impôt plutôt qu'un autre a pour fonction de relancer l'activité des entrepreneurs, certainement pas de développer la "consommation".

C'est une conséquence pratique de la théorie "de l'offre". C'est le pari que font depuis 20 ans les gouvernements américains et que, sur ce terrain, ils ont gagné. La croissance des États-Unis est ainsi régulièrement de 2 points au-dessus de celle de la France et de l'Allemagne, et la productivité américaine progresse depuis 10 ans de 4 % quand celle de la France progresse de 1 %.

Le problème de la France aujourd'hui n'est d'ailleurs que marginalement celui de l'impôt sur le revenu.

Il ne sert pas à grand-chose de le baisser, comme il ne sert strictement à rien, non plus, de prétendre "réformer" la taxe professionnelle, si c'est exclusivement pour remplacer une taxation par une autre, des impôts par des charges, des règlements par d'autres règlements, des dépenses nationales par des dépenses imposées aux collectivités locales, etc.

Le premier problème de la France est celui de la globalité de ses prélèvements obligatoires.

Or, les chiffres définitifs confirmeront bientôt le fait qu'en 2002, 2003, 2004, sous Chirac, Sarkozy et consorts, ils ont augmenté globalement, et qu'ils vont encore augmenter en 2005.

Ces prélèvements ne sont pas autre chose que le reflet de la dépense publique.

Certes par conséquent le gouvernement ferait bien de diminuer radicalement le taux marginal de l'impôt sur le revenu, CSG comprise (2), par exemple de ramener le taux marginal au niveau de l'impôt sur les sociétés. Il pourrait commencer par là, s'il veut donner un signal fort aux entrepreneurs mais il devrait plus sérieusement encore étudier et proposer les moyens de réduire de 4 ou 5 points par an, pendant plusieurs années le taux global des prélèvements, émissions d'emprunts comprises, en réduisant au-dessous de 1% ce qu'on appelait autrefois l'impasse budgétaire, c'est-à-dire le pari fait sur la croissance.

Tout cela serait possible, arithmétiquement, à condition de renoncer, politiquement et culturellement, à la démagogie, à la redistribution, aux subventions, aux déficits nationaux etc.

Oui c'est faisable, mais il y a gros à parier que cela ne sera pas fait par cette machine à promettre qui n'a jamais tenu ses promesses.

D'ailleurs, la seule promesse que Chirac n'ait jamais faite c'est celle de tenir ses promesses.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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Apostilles

(1) sur France Inter.

(2) Car la CSG fonctionne comme un deuxième impôt sur le revenu.

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