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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 17 FÉVRIER 2005

NÉO-MARXISTES ET NÉO-GAULLISTES

Dans le déclin et dans la chute, la France chiraquienne, continuatrice de la France mitterrandienne, est bel et bien en avance sur l'Europe.

Pour le libre chroniqueur, comme sans doute pour ses lecteurs, les petites phases d'interruption du travail rédactionnel, présentent quelques avantages.

En particulier cesser de scruter l'actualité permet de s'en détacher pour mieux apercevoir certaines tendances constantes et pour considérer une scène plus globale. Et je ne peux pas cacher ici ce terrible sentiment d'effondrement de la France, mesurable d'années en années, comme irrésistible depuis 30 ans.

On peut diverger, on doit débattre, sur les causes et les remèdes de la décadence française. On n'a pas le droit d'en esquiver, encore moins d'en occulter la réalité.

Or, précisément le discours médiatique et politique affirme chaque année le contraire.

À ce discours se voulant strictement matérialiste, commençons par répondre sur le terrain quantitatif dont il se targue toujours.

Sur le strict terrain économique on présente à l'opinion pour brillant le taux de croissance à 2 % dans les pays de la zone euro, quelques semaines après avoir déploré une croissance américaine "inférieure à 4 %". En réalité depuis quelque 15 ans l'écart de croissance entre les États-Unis d'une part, l'Allemagne et la France, d'autre part, est régulièrement de 2 points en faveur des Américains. En cumulé, le résultat équivaut à notre tiers-mondisation relative. Par ailleurs, la France n'a pas, contrairement à l'Allemagne, à payer le prix historique de sa réunification sans guerre (1).

Sur le terrain démographique, certains voudraient nous présenter pour positives les statistiques de la natalité française. Leurs cocoricos font peine à entendre. On voudrait nous présenter la France d'aujourd'hui pour celle de 1960 : la plus dynamique population d'Europe, après l'Irlande. C'est évacuer le problème de la substance sociale, et par conséquent, du coût induit de cette démographie.

La grande erreur de toutes les politiques natalistes purement quantitatives a toujours été, en effet, avant même de considérer le problème de l'immigration, d'envisager de façon technocratique les chiffres de la population en les coupant des réalités familiales. Quand on constate simplement aujourd'hui une natalité hors mariage représentative de plus de 47 % des naissances (2) on détient un indice bien repérable de l'explosion sociale observable. La France des années 1920 déplorait une situation massive de familles privées d'enfants : ce fut sans doute une des causes majeures du désastre de 1940. La France de l'an 2000 est passée à la situation symétrique, celle d'enfants sans familles. Le désastre sera d'une autre nature, et rien ne permet de dire qu'il attendra encore 20 ans. L'ordinateur, le téléphone portable et les jeux vidéos ne changeront rien à la loi de la vie. On peut simplement en attendre une aggravation technologique des conséquences.

Oui, dans le déclin et dans la chute, économiquement démographiquement, la France chiraquienne, continuatrice de la France mitterrandienne, est bel et bien en avance sur l'Europe.

Bien entendu on doit se refuser à en considérer seulement les paramètres matérialistes.

Bien entendu ils reflètent des effondrements d'un autre ordre.

On parlera de culture, de crise de civilisation, de perte des repères, d'affadissement des valeurs, ou de causes politiques. On dira "manque de volonté politique". Strictement ce genre de formules ne veulent, hélas, rien dire de précis et d'opérationnel. Certains s'accrocheront au fait bien visible du changement de population, de l'absence d'assimilation des flux migratoires. Ne confondons cependant jamais les causes et les conséquences. La Rome républicaine n'eût jamais été submergée par les Barbares. La veulerie de sa plèbe urbaine subventionnée par l'Empire appelait à la destruction de celui-ci ; plus précisément, elle imposa sa translation du IVe siècle, bien avant la chute du Ve siècle.

Le débat demeurera nécessairement ouvert. On ne le tranchera sûrement pas en quelques lignes, en quelques bons mots, en quelques aphorismes.

Il est parfois tentant de penser en termes de malédiction, surtout en observant les séries, toujours régressives : Giscard, Mitterrand, Chirac ; et en contrepoint, à Matignon, la petite litanie Barre, Rocard, Juppé, Jospin ; ou bien, au perchoir de l'Assemblée, Chaban-Delmas, Fabius, Séguin, Jean-Louis Debré. chaque titulaire fait regretter son prédécesseur. Regretter le sénateur Poher ! Regretter Chaban ! La nostalgie n'est vraiment plus ce qu'elle était !

Ce 16 février l'affaire du loyer scandaleux de M. Gaymard, (3) a permis aux gens du Canard enchaîné de marquer un point, et d'exonérer les gens socialistes. Les voila blancs comme neige, irréprochables tel un Strauss-Kahn. On citera évidemment ce personnage au hasard, car il est au-dessus de tout soupçon : personne ne doute qu'il occupe un modeste F4 dans sa bonne ville de Sarcelles.

Soyons donc sérieux. Il existe, d'une équipe à l'autre, une ressemblance étonnante. Ce n'est pas ni le fruit du hasard, ni celui de la nécessité. Et, si le déclin s'aggrave d'année en année, s'il se manifeste de façon plus sordide de règne en règne, c'est précisément en raison de la constance des causes, de l'absence de vraies réformes et de la fausseté de l'alternance.

Il y a connivence entre néo-gaullistes de la prétendue droite et néo-marxistes de la soi-disant "gauche", en raison d'une identité de vues, d'un tronc commun monopoliste de leur formation et d'une étroite promiscuité philosophique.

"La réforme ne passera pas" : ce slogan nous semble aujourd'hui caractéristique des néo-marxistes. Voila au moins un changement. Et il faut certes dire "néo" car autrefois, au moins, le marxisme n'était pas (ouvertement) conservateur. Il l'est devenu au prix de cette trahison et de cet appauvrissement de la Dialectique, appauvrissement par rapport à Hegel et trahison par rapport à Héraclite, trahison et appauvrissement résumés dans l'idée d'une "fin de l'Histoire", transformant les marxistes d'hier en néo-marxistes conservateurs acharnés d'aujourd'hui, arc-boutés en défenseurs du plan Langevin-Wallon de 1944 et de tout l'attirail réglementaire consolidé par la Ve république.

En cela ne nous trompons pas. Alain Peyreffitte constatait (4) en 1992 : "l'Éducation nationale a été le grand échec de TOUS les gouvernements de la Ve république". Lui-même avait été ministre de ce navire en perdition du 6 avril 1967 au 31 mai 1968, avant d'être remplacé par Ortoli. Il savait de quoi il parlait.

Or, si l'on regarde la liste des ministres employés, usés et usagés à ce poste on découvre des noms bien significatifs de la connivence entre gaullistes et marxistes, aujourd'hui néo-gaullistes et néo-marxistes. Les prétendus conservateurs et les faux réformateurs ont tous fait la même politique aveugle, sottement quantitative, hypocritement égalitaire.

Connivence et ressemblance ? Pratiquement dans tous les domaines !

Cette connivence des néo-gaullistes et des néo-marxistes est la plaie de la France d'aujourd'hui. Elle l'empêche d'entrer sereinement dans l'Europe des libertés.

Abattre cette impure alliance est donc la tâche essentielle des hommes de liberté.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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Apostilles

(1) Sauf à considérer la république hexagonale comme réparant actuellement la déchirure de 1962 et re-construisant une sorte d'Algérie française paradoxale sur un territoire métropolitain de 551 000 km2.

(2) En 2004, les enfants nés hors mariage en France étaient au nombre de 378 000, les enfants nés dans le cadre du mariage (les statistiques officielles parlent encore d'enfants "légitimes" : quelle horreur rétrograde !) étaient au nombre de 419 000. Personne, sauf les statisticiens, ne devrait ignorer la pluralité des situations de ces naissances, et l'on doit considérer ce taux comme un simple signe statistique, parmi d'autres. L'enfant né juridiquement, statistiquement, "hors mariage" peut effectivement grandir dans un contexte familial bénéfique. L'enfant réputé "légitime" n'est d'ailleurs pas lui-même à l'abri de tous les phénomènes de destruction de la famille dans notre société. Simplement on mesurera ceci : le pourcentage des enfants nés "hors mariage" était, en France, d'environ 6 % en 1965. Il a augmenté de 40 points en 40 ans, malgré la loi autorisant l'IVG.

(3) 14 000 euros par mois aux frais de la princesse, c'est-à-dire aux frais du contribuable ! Après avoir ergoté moins de 48 heures, le ministre gaspilleur des fonds publics a capitulé sans conditions, dans la plus pure tradition néo-gaulliste.
Le plus intéressant observateur du ouèbe [je profite des circonstances pour saluer son indispensable travail de veille] parmi nos amis relève certains points essentiels de cette affaire.
- Dès le 15 février, "le cabinet du ministre a procédé à une mise au point par communiqué. Sans démentir ces informations, il a indiqué que M. Gaymard a respecté "scrupuleusement" les dispositions légales concernant le logement des membres du gouvernement [c'est ça qui est important, souligne-t-il : c'est parfaitement légal !].
- "L'appartement occupé par Hervé Gaymard et sa famille est loué aux conditions du marché, après avis du service des Domaines", a-t-il précisé [bien sûr qu'il est loué au prix du marché, ajoute cet ami, puisqu'il est payé par "l'État" ! Si en revanche l'appartement appartenait directement à "l'État" qui le donnait en location à Hervé Gaymard, dans ce cas-là le "prix" serait outrageusement sous-évalué, manipulation qu'on a constatée maintes fois dans le passé. Dans tous les cas, ce sont les contribuables qui paient !].

(4) Dans un entretien accordé dans le cadre de mon Libre Journal sur Radio Courtoisie.

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