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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 1er MARS 2005

PRÉCAUTIONS SANS PRINCIPES

La Charte franco-française de l'environnement l'emporte en stupidité sur la Charte réputée européenne des Droits fondamentaux.

On doit le reconnaître. Pour une fois, M. Chirac a eu une bonne, une excellente idée. Réunissant à Versailles les 907 parlementaires, députés et sénateurs, constituant un Congrès ce 28 février, il a tenu à faire des économies sur les frais de fonctionnement de cette assemblée exceptionnelle. Il lui a donc fait voter deux révisions constitutionnelles pour le prix d'une seule, le tout en 4 heures. Si cet acte de gestion, car c'en est un, ne crée pas d'emploi, il préserve des ressources, et la chose est assez rare dans la vie de nos gouvernants pour se voir remarquée du contribuable.

Sur la première révision, nécessitant d'ailleurs plusieurs petits textes alambiqués, jetables et circonstanciés, il y a trop à dire. Il s'agit d'ouvrir la voie à la ratification référendaire du Traité constitutionnel européen. Nous en entendrons parler tous les jours pendant quelque trois mois, deux fois le temps du ramadan.

Donc, sur ce terrain, pas la peine de vous rappeler ma perplexité, aussi bien à l'endroit des prétentions d'un texte verbeux et de ses annexes, formant un ensemble de 400 pages, et surtout face à la Charte des Droits fondamentaux. Ce document de 22 pages a été adopté en marge du traité de Nice, comme simple déclaration du Conseil des chefs d'États, en décembre 2000. Dégoulinant de répugnantes bonnes intentions sociales-démocrates, il laisse y faire trempette un zeste de virtualité alternative démocrate-sociale. Les campagnes souverainistes en faveur du "non", je m'empresse de le dire, ne m'emballent pas plus. Elles me semblent essentiellement destinées, si j'en ai bien retenu la substance et l'argumentaire, à sauver la sécurité sociale monopoliste, comme si le plan Douste-Blazy n'y suffisait pas.

Donc, la campagne européenne de M. Chirac est mal engagée.

Il lui faut donc lancer un signal de détresse. L'idée apparente serait de démontrer par l'absurde combien la Constitution française peut, souverainement, battre en stupidité la future Constitution européenne. Il fallait, en France, surclasser dans sa bêtise la des Droits, réputée européenne.

Par ailleurs, à deux ans de la sortie (enfin ! dira-t-on, car l'ombre de ce personnage pollue la droite française depuis bientôt 40 ans), il devient impératif d'inventer quelque chose, de laisser un nom dans l'Histoire, en dehors de la recette de la balle dans le pied (1). La priorité des priorités de son "septennat de 5 ans", — le premier dans l'Histoire du régime républicain en France, — c'était paraît-il, initialement, la lutte contre le cancer. Cela aurait pu constituer, au départ un choix habile : depuis le forfait inattendu de l'honnête M. Crozemarie, une place était à prendre, sinon en prison du moins sur les écrans de télévision. Hélas, la recherche médicale française n'est plus ce qu'elle était…

Restait donc à recycler une énorme imbécillité, tellement grossière qu'on pourrait la revendre, à l'usage des sots, pour une pensée profonde. Ce serait "la grande idée du règne" — comme on qualifiait, sous Napoléon III, l'expédition du Mexique.

Et voici comment la Charte de l'Environnement est entrée dans la constitution française. Au début des années 1990 les dirigeants (légèrement mafieux) du Monténégro avaient inventé de faire de leur petite république le premier État écologique du monde. On n'y a pas porté l'attention méritée. La France éternelle allait relever le défi.

Ah ! il faut un courage inouï, à défaut du sens du ridicule, pour faire de l'environnement un objet constitutionnel ! Ah ! il a fallu "se battre" (2) !

Il n'y a, cependant, pas lieu de discuter trop sérieusement cette charte, essentiellement tissée de vœux pieux et de pétitions de principes (3). Si ce document fait désormais partie du bloc de constitutionnalité de notre pays, pour sûr, les vilains poteaux électriques et les affreux pylônes télégraphiques, défigurant impunément nos paysages vont illico presto se faufiler sous terre. M. Breton va en donner immédiatement l'ordre à France Telecom, maintenant qu'il en a vendu ses 11 000 actions. Idem pour la FNSEA : ses fonctionnaires subventionnés, gestionnaires de l'environnement, vont se faire un devoir de remplacer toutes les immondices en tôle ondulée faisant office de bâtiments agricoles. De même pour les friches industrielles : elles n'ont qu'à bien se tenir, l'astucieux Devedjian a reçu pleins pouvoirs pour s'en occuper. Enfin l'énergumène Borloo va faire de Sarcelles un joli petit village d'Île de France.

Le rédacteur de l'Insolent rêve tout haut allez-vous penser.

Mais alors, si c'est du rêve, si ce genre de décisions, (assurément très bénéfique pour le patrimoine esthétique de tous les Français, certainement excellentes pour le tourisme donc pour les ressources de nos régions, et dont certaines seraient pratiquement et immédiatement très réalisables) semblent "impensables"— à quoi ça sert, voulez-vous bien me dire, de flanquer la Charte de l'Environnement dans la constitution française ?

N'est-ce pas la Déesse Nature plus de deux siècles après la Déesse Raison ?

N'est-ce pas une de ces idées religieuses dont, depuis 1905, la république s'interdit d'assurer tout ou partie du financement ?

C'est, de toute manière, un nouvel obscurantisme.

L'idée centrale en effet est l'article 5 définissant, contre la recherche scientifique, et au mépris de toute l'Histoire des Sciences, le fameux "principe de précaution".

Or, ce principe n'est absolument pas nouveau. Nos dirigeants ignorent l'Histoire. S'ils avaient croisé Pierre Chaunu, s'ils écoutaient Radio Courtoisie, ils auraient entendu parler du médecin de Louis XIII. Grâce à son journal si précis, on sait exactement le nombre de bains pris par le roi sur une période de 27 ans : le jeune prince devenu le roi en a pris, dans ce laps de temps, exactement 27, et le premier à 7 ans. Il y a donc eu certaines années où le roi de France a pris jusqu'à deux ou trois bains en 365 jours.

Eh bien cette incroyable saleté, très répandue en France au XVIIe et au XVIIIe siècle, non seulement n'est pas héritée du Moyen Âge, époque où les Français étaient beaucoup plus propres, mais elle est issue directement du principe de précaution. On a commencé à ne plus se laver à partir du XVIe siècle, par peur de la peste, celle-ci étant susceptible de pénétrer par les pores de la peau.

Monsieur Chirac et Monsieur Bové devraient y penser. On n'est jamais trop prudent : seules les personnes sales éprouvent le besoin de se laver.

Tous les jours nous entendons exprimer par la classe politique, la crainte d'un rejet de la Constitution européenne par une opinion apeurée du voisinage de tel ou tel mécontentement.

Un nombre important de Français diront alors, très probablement, "non à Chirac", nuisance franco-française strictement inexportable, ou bien ils s'abstiendront en ce beau dimanche de printemps : ce sera une application remarquable (= digne d'être remarquée) du principe de précaution.

La recette de la balle dans le pied continue de produire ses délicieuses réussites.

JG Malliarakis

©L'Insolent

  1. Rendons à César ce qui appartient à César. Il est à peu près établi "historiquement"que la balle dans le pied de la dissolution défaite de 1997 a été mise au point par le (ridicule) marmiton Villepin, suggérée par (l'insupportable) Juppé. Mais elle fut décidée par le (grotesque) cuisinier Chirac.

  2. Saluons ici le bon sens du groupe socialiste : il a préféré ne pas participer à ce vote ridicule.

  3. Pour que la documentation de nos lecteurs soit complète voici le texte intégral de cette "proclamation" dont on retiendra particulièrement l'article 5.

    La "Charte de l’environnement de 2004" (insérée en 2005 dans notre bloc de constitutionnalité) est ainsi rédigée :

    "Le peuple français,

    "Considérant,

    "Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;

    "Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

    "Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

    "Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

    "Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;

    "Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;

    "Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ;

    "Proclame :

    "Article 1er  Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

    "Article 2  Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

    "Article 3  Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

    "Article 4  Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.

    "Article 5  Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

    "Article 6 Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.

    "Article 7 Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

    "Article 8  L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.

    "Article 9  La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.

    "Article 10 La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France."

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