En ce 17 mars 2005, je reçois, parmi tant d'autres un émouvant communiqué de l'association catholique Europae Gentes. Ce jour-là toutes les cloches des églises et monastères serbes du Kossovo ont résonné à midi, en souvenir de ce triste jour de l'année dernière où, sous le regard indifférent de la KFOR et de l'ONU, des milliers d'Albanais musulmans ont détruit 34 églises et monastères orthodoxes et brûlé plus de 800 maisons serbes et tué 9 chrétiens.
Non, véritablement, l'Europe chrétienne ne peut pas, ou plutôt elle ne devrait pas, être indifférente à cette tragédie perpétuée sur cette même terre européenne.
En 1999
on prétendait apporter les droits de l'Homme, la protection
des minorités, en un mot la paix. On voit le résultat.
Mais, au fait, qui donc a pris l'initiative de demander à William Jefferson
Clinton de bombarder Belgrade, de soutenir l'UCK, de diaboliser unilatéralement
les populations serbes.
Qui ? D'abord, et avant tout, M. Chirac.
Depuis 30 ans, ce hanneton aura volé sottement vers toutes les vitres et se sera cogné contre elles. Il aura régulièrement entraînant ses suiveurs dans les catastrophes, provoquées par lui mais dont il n'a jamais, encore, payé lui-même les pots cassés (1).
Aujourd'hui le calamiteux Chirac est en train de mener la France et l'Europe dans une grave impasse.
On le voit avec l'affaire de la ratification référendaire du Traité Constitutionnel européen et de ses annexes.
Ce document
n'est, sans doute, pas remarquablement convaincant. Il comporte de nombreux
points faibles. Il ne mène assurément pas encore
l'Europe vers une solution politique confédérale. Il ne procède
que par une sorte de "fusionnisme", lent, subtil, timoré,
hypocrite, sans se préoccuper de la diversité des peuples. Il
contient, à mon avis, trop de perspectives sociales démocrates
et de concessions conceptuelles floues à l'idéologie poisseuse
actuellement dominante en Europe (2) etc.
Nous devons le tenir, cependant, probablement, pour un moindre mal, et pour
un progrès par rapport à la situation actuelle. Je le dis ainsi
comme je le pense. Si on applique aux textes français la méthode
critique développée contre la construction européenne,
si l'on compare le fiscalisme français (plus de 50 % du PIB) à son
homologue européen (1,8 % du PIB dont 50 % de subventions agricoles),
le "Super-État" n'est évidemment pas à Bruxelles.
La véritable question posée aux citoyens et aux contribuables français le 29 mai ne porte donc pas sur ce texte, ce "pré-texte". Il ne s'agit pas de choisir techniquement entre ce document imparfait et l'absence d'un traité explicitement constitutionnel. Car, même si on s'en tenait à cette alternative, la victoire du "non" en France maintiendrait l'Europe dans son fouillis et son cafouillis juridiques actuels.
On se passionne ainsi depuis quelques jours, dans l'Hexagone, autour de la Directive dite Bolkestein. On omet soigneusement de rappeler les circonstances de son élaboration. Elle est d'abord une conséquence inéluctable, et trop tardive, de l'Acte Unique instaurant le marché intérieur signé en 1985 ; le cadre juridique de son adoption est celui des traités en vigueur dont le dernier a été signé à Nice en février 2001, après les bourdes de la présidence française entre juillet et décembre 2000. La commission où siégeait Frits Bolkestein, libéral hollandais proche de Charles Pasqua, était celle présidée par Romano Prodi. Ses deux collègues français, MM. Lamy et Barnier ont approuvé le projet. Mieux encore, le 14 novembre 2002, le Conseil européen, c'est-à-dire les États, c'est-à-dire notamment MM. Chirac et Schroeder ont demandé à la Commission d'en accélérer les travaux. Il s'agissait d'appliquer en effet le programme dit "agenda de Lisbonne" adopté en 2001 et tendant à relancer l'emploi et la compétitivité en Europe, les services représentant 70 % de la richesse crée dans nos économies.
Tout ceci prouve la mauvaise foi, l'incompétence et le chauvinisme de la classe politique française et des relais médiatiques. Quand même un Philippe de Villiers se permet (3) le calembour "Bolkestein, Frankenstein, un million de chômeurs en plus", quand Le Monde (4) approuve complaisamment cette goujaterie cégétiste, la boucle est bouclée. Absurdité, frivolité, bassesse. La démagogie jacobine peut encore nous écœurer un peu plus, elle ne se lassera jamais d'être elle-même.
La lecture des 85 pages de la Directive Bolkestein est sans doute un peu trop sérieuse pour les rédacteurs du Monde et la plupart des législateurs français. Elle est cependant à la portée des gens de bonne foi. Elle démontre clairement la nécessité de la politique indiquée. Oui, un architecte tchèque, un plombier polonais ou un musicien hongrois doivent pouvoir travailler normalement, sans obstacles administratifs ou corporatifs, en Europe occidentale : c'est l'enjeu du texte et du débat.
Veut-on les faire passer obligatoirement sous la toise mortifère des systèmes français, allemands ou belges de destruction sociale et d'assistanat : voila bien la preuve de la nocivité de nos monopoles, générateurs d'un chômage officiellement recensé en France à 10 % de la population active.
Si les nageurs français sont si volontairement "attachés" aux boulets imposés en 1945 par les ordonnances signés par le général De Gaulle, libre à eux de les conserver. Un certain Chirac, châtelain en Corrèze et locataire à l'Élysée, s'est autoproclamé, depuis 10 ans "personnellement garant" de ces systèmes représentatifs de "l'identité nationale". Bigre.
Si les nageurs français se trouvent inutilement pénalisés par les dispositifs subventionnant la natalité polygame dans l'Hexagone, ils doivent pouvoir s'en libérer, et la directive Bolkestein les y conduira.
La question du 29 mai ne portera d'ailleurs ni sur cette directive, ni sur l'adhésion de la Turquie, elle portera sur un choix de principe : pour ou contre l'Europe.
Et ce serait vraiment un contresens de confondre l'Europe et M. Chirac.
Pitié pour Chirac ? Non ! Pas de pitié ! Lao Tseu l'a dit : "La grande compassion est sans compassion".