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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

Mardi 22 MARS 2005

Les Erreurs de la campagne en faveur du Oui

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Les Français ne disent pas "non" à l'Europe : ils disent non à Chirac et à la classe politique !

Deux grands quotidiens nationaux, Le Parisien du 18 mars, Le Figaro du 21 mars ont publié, pour la première fois, des sondages montrant une majorité de 51 % ou de 52 % en faveur du Non au référendum du 29 mai. De jour en jour, la perspective de la victoire du Non, jusqu'ici inimaginable, devient crédible.

Au départ plus de 65 % des Français étaient favorables à l'avancée de l'idée européenne représentée par le Traité.

Si le rapport s'est inversé cela est dû, très clairement, d'après les sondages, non au génie des "souverainistes" de droite mais à l'évolution de l'électorat de gauche. Cette évolution, n'en accusons pas seulement le complot communiste. Les vieux réseaux du Parti sont clairement à l'œuvre, CGT et FSU en tête : cela est indiscutable. Nous sommes les premiers à le souligner. Mais, précisément, si de tels dinosaures sont en train de faire évoluer l'opinion, on est en droit de s'interroger, d'abord, sur les erreurs commises dans la (non-)campagne en faveur du Oui.

Une première erreur a sans doute été commise en laissant le texte du projet constitutionnel excéder les quelque 60 articles nécessaires à la mise en ordre effective des Traités existants. Organisation plurinationale, malgré son objectif confédéral à terme, l’Union européenne éprouve le besoin de dire en détail, s'exprimant en plusieurs langues, ce qu’une langue précise affirme brièvement (1).

Une seconde erreur tient aux moyens d’information de la technocratie française. Elle a consisté à ne pas clairement indiquer les avancées du texte et à ne pas en souligner la nécessité. Par exemple, le concept d’un Ministre des Affaires étrangères de l’Union est en parfaite cohérence par rapport aux pratiques progressivement mises en place depuis plus de 20 ans maintenant. Cela n’a pas été expliqué aux Français.

Ce point illustre d’ailleurs assez bien la contradiction de notre classe politique hexagonale. Elle se sait impuissante à agir seule sur la scène internationale. Mais elle n’ose pas l’avouer aux Français. Or, notre peuple n'est pas si dupe. Seuls ses stupides dirigeants perroquets demeurent encagés en leur propre discours « républicain, un et indivisible ».

Nos technocrates confondent perpétuellement les peuples et les États.

Ils se révèlent aussi de très mauvais cavaliers. Les chevaux le sentent et s’apprêtent à n’en faire qu’à leur tête.

La troisième erreur est, de la sorte, fondamentale. Elle a été de mettre en place une campagne référendaire, occasion pour les électeurs de sanctionner le 29 mai, la somme de leurs mécontentements, tout en ayant le sentiment d’un geste finalement sans importance, sans conséquence, un avertissement sans frais.

La réalité d'un rejet juridique du Traité par l'État français serait hélas bien différente.

Certes, l’idée de dire « oui » à Chirac est devenue, en elle-même, repoussante pour un nombre considérable de Français. Au fil des années, l'actuel président de la république a réussi à faire paraître « Gargamel au pays des Schtroumpfs », un personnage, ma foi, sympathique, estimable et loyal, en comparaison du personnage incarné par le chef de l'État.

L’Europe n’aurait jamais dû laisser cet individu faire figure d'être son concessionnaire agréé dans l’Hexagone et dévaluer son projet .

Il est temps d’en tirer les leçons.

Les conséquences de la victoire du Non seraient, en effet, éventuellement comparables à celles du rejet de la CED en 1954.

Il est à remarquer d’ailleurs combien les courants partisans ayant voté non le 30 août 1954 sont exactement ceux qui font aujourd’hui campagne pour le non au référendum du 29 mai, un demi-siècle plus tard  : ils n’ont pas changé d’arguments. La France et l’Allemagne sont réconciliées depuis plus de 40 ans : ils en sont encore à la germanophobie. Nos étudiants vivent à l’heure du programme Erasmus : ils veulent encore une École jacobine. L’ouverture des frontières a fait faire un progrès considérable au niveau de vie : ils en sont encore au protectionnisme. Le communisme s’est effondré dans la boue et le sang : ils en sont encore aux schémas dialectiques de Karl Marx.

Tout cela sera peut-être murmuré dans la coulisse des 60 jours nous séparant du vote : ce n’est pas prévu pour servir d’architecture à une campagne en faveur du Oui.

Car les défenseurs agréés et officiels du Oui, sont, en fait, eux aussi, de vieux ragotons résiduels de l’idéologie et de l'alliance gaullo-communiste de 1954. Jamais dans sa carrière, par exemple, M. Chirac n’a fait une seule allusion désobligeante aux crimes du communisme. Va-t-il commencer maintenant ?

Cela est d’autant moins probable qu’au fond la victoire du Non ne l’inquiète guère.

Comment s’engager dans une bataille où, une fois de plus, il y a connivence entre ceux qui nous combattent et ceux qui nous dirigent ?

Qu’on me permette de risquer ici quelques arguments.

Ce sont les arguments militant en faveur de la construction d'une Europe des libertés.

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Pour la première fois, il nous est proposé de réduire sensiblement l’influence de la classe politique spoliatrice de l’hexagone. Cela mérite quelque réflexion : les hommes de l’État recevraient en France la sanction d’un ordre les empêchant de faire n’importe quoi. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Pour la première fois on se propose de réaliser pacifiquement ce que tragiquement dans l’histoire européenne les princes ont essayé de faire l’un contre l’autre : Plantagenêt contre Valois, François Ier contre Charles Quint, Louis XIV ou Napoléon, sans parler des guerres civiles européennes massivement criminelles du XX siècle. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Pour la première fois aussi, depuis plusieurs siècles, les Européens se trouvent globalement confrontés à la suprématie de forces extérieures à l’Europe. Il en a certes été ainsi dans le passé : jusqu’au siège de Vienne. La force ottomane semblait irrésistible, idem celle des Mongols, idem celle de l’islam des premiers califes et des Omeyyades etc. Mais jamais l’Europe n’avait été à ce point affaiblie face aux autres continents, face à l’ascension économique de la Chine, de l’Inde, etc. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Rétablir la rivalité jalouse d’États souverains juridiquement mais incapables d’être effectivement indépendants serait un cauchemar pour les peuples. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Certes, tels les petits potentats locaux issus de la Fédération yougoslave, après la mort de Tito, nos hommes de l’État trouveraient encore demain assez de ressources dans la matière fiscale des États issus de la décomposition européenne pour prélever à leur profit la part du butin nécessaire à leur train de vie. Les roitelets du Tiers-monde agissent de la sorte. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « Il n’est guère douteux que le modèle multipolaire vers lequel inclinent les chiraquiens ressemble plus au Tiers-monde qu’aux systèmes occidentaux des États-Unis, de la Grande Bretagne ou de l’Europe de l’Ouest depuis 1945. La réunion de la francophonie à Haïti en souligne la tragique dérision. »

Si l'on cherchait vraiment et sincèrement à convaincre les Français de voter Oui, on nous dirait : « La construction européenne redonnerait demain une chance à la France, sous réserve de vouloir vraiment la saisir. »

C’est là tout le drame. Ni Chirac, ni l'ensemble de la classe politique hexagonale ne semblent en puissance de répondre au défi dont ils se trouvent momentanément les porteurs.

Il faudra donc vouloir l’Europe des libertés, contre eux, malgré eux.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Le Traité de Rome signé en 1957 était plus court, plus clair. Il était rédigé exclusivement en français. O tempora o mores.

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