Je dédie ces lignes au souvenir d'un ingénieur, créateur et entrepreneur, français d'Indochine, André Truong, mort le 4 avril 2005, victime de la bureaucratie médicale. Il avait été en 1973, 10 ans avant Apple l'inventeur et le réalisateur du premier micro-ordinateur du monde, le Micral. Cela n'ôte rien au mérite du génial Wozniak, inventeur du Macintosh en collaboration avec Steve Jobs. Ce Polonais des États-Unis avait dédié à son compatriote Jean-Paul II le premier « mac ». Il s'agissait en effet à l'époque de lancer cet outil de libération individuelle afin que « 1984 ne soit pas 1984 ». Le micral de Truong et le macintosh de Wozniak, c'était le contraire du télécran orwellien.
Le micral, premier micro-ordinateur personnel, fonctionnant sur un micro-processeur Intel, le premier « compatible » fut fabriqué très rapidement à des milliers d'exemplaires. Et il figure aujourd'hui en bonne place au Museum Computer de Boston. Son concepteur cependant n'a pas reçu en France l'écho correspondant. Il continua, malgré le sabordage du micral, à concourir à l'innovation informatique, se tournant vers l'industrie du logiciel, au sein de sa société APCT, créée en 1995. Il reçut (quand même) la Légion d'Honneur.
André Truong vit en effet sa société R2E (Réalisations Études Électroniques) étouffée par Bull après un rachat, et ceci en dépit des milliards de Francs d'argent public engloutis dans cet éléphant blanc du « plan calcul ». Les bureaucrates gestionnaires de cet immense océan de pertes financières, et ce « roi du plantage », qu'est Bull, n'avaient pas compris, du haut de leur suffisance, ce que signifiait, et signifiera de plus en plus, la révolution micro-informatique.
L'Histoire dira-t-elle un jour le mal que firent les bureaucrates français dans tout ce déclin de l'économie et de l'industrie de ce pays ? Qui osera évoquer le mal qu'ils persistent à vouloir faire dans la Recherche étatisée, en demandant, avec le soutien de centaines de perroquets et la mauvaise conscience des gouvernants, le maintien de ses subventions ?
Cela n'a, « bien sûr », rien à voir avec le poids des fonctionnaires dans notre société et dans les syndicats officiels, supposés représentatifs des salariés, en vertu de la fameuse « présomption irréfragable » introduite dans le droit français en 1966.
Qu'alliez-vous croire ?
À qui allez-vous faire croire, par exemple, que M. Dutreil, ministre de la Fonction publique aurait cédé devant les corporations fonctionnariales, qu'il a seulement en vue la campagne référendaire destinée à ratifier le 29 mai le Traité constitutionnel ? Non, « bien sûr », il n’y associe ni l’agitation autour de la directive Bolkestein, ni le débat sur la candidature d’Ankara, ni l’impopularité profonde de la classe politique, ni les manipulations des « syndicats » lycéens par la FSU. Pure malhonnêteté intellectuelle, de la part des commentateurs, de voir l’interférence là où elle n’est pas.
À en croire M. Dutreil en effet, le ministère Raffarin viserait ni plus ni moins à bouleverser le statut de la fonction publique de 1946. Ah ! Ça décoiffe : balayé l’héritage de Maurice Thorez et du tripartisme ! Oui vous avez bien lu : cette velléité viendrait, Chiraco regnante, du gouvernement vaguement actuel, dirigé par le gentil mollusque libéral arraché à ses amours poitevines, et à ses charentaises, en 2002.
Heureusement, c’est un secret. M. Dutreil ne le dit à personne, sauf (confidentiellement) aux libéraux.
Dans la liturgie de saint Jean Chrysostome les fidèles promettent chaque dimanche : « Je ne dirai pas le secret à tes ennemis ». Eh bien, petit Dutreil, sans opérer une confusion un peu excessive, ici non plus nous ne révélerons pas ton secret. Confessons, en cette occurrence, la raison de notre discrétion : nous n’y croyons pas.
Grosso modo en effet, le gouvernement a lâché en deux fois (en décembre et en mars) une augmentation des traitements de la fonction publique à hauteur de 1,8 % pour l’année 2005.
Mais, comme il est annoncé que ceci porte sur 5,2 millions d’agents, on est obligé d’en déduire que rien n’est vraiment fait pour diminuer le nombre des fonctionnaires en France.
Au contraire, la manière même de poser les négociations prouve un refus d’aborder ce problème.
Les années à venir sont en effet cruciales pour la démographie fonctionnariale en France. La période 2005-2010 voit un pic de départs à la retraite : ou bien on remplace à 100 % les effectifs et on remet à 25 ou 30 ans leur diminution ; ou bien on programme un taux de remplacement de 50 ou 60 % et l’on entame le dégraissage indispensable du nombre des agents publics, en améliorant au besoin leurs conditions de travail, dans l'intérêt général.
Ce choix était déjà clair en 2002 et certaines déclarations du candidat Chirac et des dirigeants de la future UMP n’écartaient pas la seconde hypothèse. Hélas, quand on ne tient pas ses promesses électorales, on tient encore moins sur les terrains où l’on ne s’est pas engagé. De telle sorte que les budgets 2003, 2004 et 2005 n’ont pas vu l’amorce de la décrue quantitative souhaitable.
Nos dirigeants en effet, dans l’ignorance économique profonde où leur formation, la lecture du Monde, comme les complaisances pour l’idéologie marxiste, les ont maintenus depuis leur jeunesse, n’ont manifestement aucune notion de la nuisance sociale du fonctionnariat et du handicap industriel profond résultat de son surpoids dans l’économie française.
Dans les trois dernières années par exemple ils ont pris garde de toucher vraiment aux effectifs des administrations par crainte des statistiques du taux de chômage. Celui-ci a atteint la côte officielle de 10,1 % de la population active en février. C’est proprement calamiteux, comparé aux niveaux conjoncturels actuels des pays anglo-saxons (autour de 5 %) ou de l’Europe continentale. Le seul pays à manifester une tendance analogue est l’Allemagne, elle-même alourdie des Länder de l’Est.
Pendant le même temps, M. Raffarin multiplie les affirmations laissant à deviner un refus de changer de cap. Il a encore ainsi déclaré, dans Le Progrès de Lyon (30 mars), que la baisse des impôts allait reprendre « en veillant à ce qu'elle soit juste et avec l'objectif de soutenir la consommation pour qu'elle demeure un moteur de la croissance ». La consommation « moteur de croissance » est une des idées fausses caractéristiques du socialisme mou à la sauce pseudo-keynésienne.
Or, en France, un mur de Berlin invisible pénalise l’activité. On doit l’appeler « mur de Montreuil ». Montreuil : c'est le siège de la plus grosse des Urssaf de l’hexagone, c'est le siège de la CGT, c'est la municipalité du député-maire le plus liberticide de France, M. Brard (1). Le mur est alimenté par le taux exceptionnel de l’emploi public français, de l’ordre de 28 % des actifs. En comparaison les pays comparables tendent vers le taux, déjà lourd, de 15 %.
Diminuer le taux de l’emploi public c’est un peu comme diminuer celui du cholestérol. C’est toucher à la fois au signe de l’usure général d’un organisme et aux menaces effectives d’accidents.
Observons en effet le rôle des syndicats de la fonction publique dans notre société. On les voit toujours au premier rang de la contestation et de l’idéologie misérabiliste. Avec beaucoup d’emphase ils ont affirmé, le 10 mars, avoir rallié à leur panache rouge des représentants du privé. En réalité, ils sont parfaitement conscients de la faiblesse de leurs implantations dans l’industrie et les services. Les quelques appoints reçus viennent notamment d’entreprises en difficultés ou de situations de conflits où les bureaucraties syndicales, CGT en tête, font miroiter des objectifs pécuniaires d’indemnisations mirobolantes à arracher aux institutions, aux caisses et aux préfets, aux frais des contribuables.
Or, l’État est disposé, dans les semaines proches, précédant le 29 mai, à lâcher le plus grand nombre de concessions « sociales » afin d’obtenir sa majorité référendaire. Cela est parfaitement clair dans le dossier des augmentations consenties par Dutreil, de manière unilatérale, et annoncées, quelques heures avant lui, par M. Copé.
Tout indique, de la part du gouvernement une volonté malsaine, parfaitement intériorisée par l’opinion, de vouloir « rassurer » les électeurs, et singulièrement les gros bataillons traditionnels de la gauche en vue du référendum.
Si cette démarche était subreptice et subtile, on pourrait peut-être la comprendre, sans nécessairemnt l'approuver.
Mais elle est grosse, elle est énorme, elle se voit comme un nez au milieu de la figure. Elle se révèle par conséquent contre-productive. Au moment où les propagandistes du « non » misent sur la peur des petits rentiers du monopole administratif, sur le désarroi des fonctionnaires modestes auxquels leurs appareils syndicaux (CGT, FSU, FO et même la CFTC) viennent conter des cauchemars de sorcières et de grand méchant loup, des chiraquiens, aux allures de brutes, viennent leur dire avec une grosse voix : « n’aie pas peur petite fille », « je sors de l’asile, mais je me soigne », « j'ai l'air d'être le loup » mais en fait « je suis la grand-mère ».
Et on s’étonne que cela ne marche pas ! On s’étonne que cela accrédite la campagne d’Attac, du parti communiste et des dinosaures à la Emmanuelli, qui puent la gitane papier maïs, mais qui, finalement font partie des meubles, tous ces revenants de l'ère brejnévienne étant presque plus rassurants par leur sénilité coutumière.
Quand on apprend (2) que le Chef de l’État français s’est permis de faire déprogrammer une émission de télévision, où devait s’exprimer le président de la commission européenne, M. Barroso, on comprend bien que pour beaucoup de Français la campagne du « chômage engendré par l’Europe, par le libre-échange et par la mondialisation » preuve de la crédibilité – alors qu’il s’agit d’un contresens absolu.
Le chômage français a certes plusieurs causes. Les rigidités du Code du Travail, les 35 heures, les jurisprudences démentielles des prud’hommes, les interventions étatiques en tout genre, les charges sociales, l’arrogance et l’irresponsabilité des administrations françaises, les pesanteurs de l’État central parisien, tout cela pénalise et dissuade aussi bien les Français désireux de travailler et les entrepreneurs, les entrepreneurs nationaux comme les étrangers, désireux d’investir et d'embaucher.
Or, derrière toutes ces nuisances, on trouve avec leurs tampons en folie, des bureaucrates du fisc, de la douane, de la Sécu, de l’école, de la circulation, des municipalités et des organismes consulaires.
Ces nuisibles sont encouragés dans leurs malfaisances par un État lui-même peuplé de hauts fonctionnaires recyclés par la machine à fabriquer des « élus ».
Laisser de tels personnages grogner et maquignonner, et laisser les journalistes embrayer sur la campagne misérabiliste des « bas salaires de la fonction publique », c’est à la fois s’enfermer dans des schémas marxistes d’un autre âge et c'est enrayer toute possibilité de redressement du pays et d'assainissement de ses finances.
La velléité de François Hollande serait dit-on, de liquider l'héritage du socialo-communisme, les séquelles de Mai 68 et les ornières du congrès d'Épinay de 1971, si le oui l’emporte, de faire un Bad-Godesberg (3) du socialisme français.
Le jeu de M. Chirac n’est même de prévoir la moindre démarche dans ce sens, pour ce qui nous tient lieu de droite.
Lire aussi extraits de nos archives 3.10 Quand donc en finira-t-on avec les subventions de Bull ? Le contentieux Bull fait lobjet dune plainte déposée par le commissaire à la concurrence, M. Mario Monti.
4.12 Bull : c'est reparti pour un tour
3.4 Les Dégraissages conditionnent la Prospérité
28.3 Le Rêve passe... Les perspectives de réserves trépassent...
26.3 Votre Ordinateur est-il en danger ?
16.3 Qui peut combler la Fracture numérique ?
(1) Communiste désormais en réserve du PCF, M. Brard siège désormais seulement en qualité d'apparenté communiste. Ceci lui permet d'être, à titre personnel dans tous les mauvais coups, sous prétexte de lutte contre les « sectes », contre la « fraude fiscale », etc. ces concepts infamants (personne ne se veut une secte, surtout pas la franc-maçonnerie, personne ne se désigne pour fraudeur, etc.) servant à frapper bien d'autres choses.
(2) par France Inter ce 31 mars à 7 heures 30.
(3) Au congrès de Bad-Godesberg, en novembre 1959, il faut parfois le rappeler, le parti social-démocrate allemand a rompu avec le marxisme. Le programme devint la promotion et la protection de la propriété privée des moyens de production, la liberté de concurrence et la liberté d'entreprise.