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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
Mardi 14 JUIN 2005
LE GEL DES BAISSES d'IMPÔTS
Retour sur une annonce de M. de Villepin. (Sur l'air de "On est les champions")
Au fond, je me demande si le Figaro (1) a bien fait de titrer toute une grande page de son supplément économique orange : « La France championne de la déprime toutes catégories ».
On y retrouve, certes, de bons échos de cette impression de malaise (2) en constant développement depuis l’élection funeste de 1995 où nous avons fait de M. Chirac un improbable chef de l’État. Oui, les Français sont moroses. Oui, les Français sont mécontents.
Mais tout d’abord, malgré les références constantes, et grotesques au « modèle social français », il est exagéré de mettre en opposition, par exemple, un pessimisme français à un sentiment d’optimisme qui serait général au reste de l’Europe. Si 46 % des Français pensent aujourd’hui que le Progrès « apporte plus de choses négatives que positives », la moyenne européenne de gens exprimant cette opinion, — inquiétante peut-être, inquiète plus sûrement encore — est de 42 %. En Allemagne, le ministre de l’Économie Herr Wolfgang Clément déclarait il y a quelques mois : « Se lamenter est une caractéristique de notre peuple ». On en finirait presque par se demander si se plaindre du pessimisme des populations n’est pas une ritournelle des gouvernants. En Afrique du nord il était courant d’entendre parler, avant les indépendances, de « l’ingratitude des Arabes ».
Or, justement, c’est cette impression de subjectivité objective que nous voudrions remettre en cause.
Comme chaque année le magazine américain Forbes vient de publier son indice comparatif de ruine fiscale. Cet indice additionne tous les taux de prélèvements qui appauvrissent les gens. Le détail n’est pas de l’ordre de la déprime subjective mais de l’arithmétique objective. La France vient en tête toutes catégories avec 178 points de prélèvements.
Ceci ne veut pas dire qu’un Français ayant gagé 100 euros se voit prélever 178 % : la formule mathématique est plus complexe, évidemment (3). Le petit prélèvement de 1,8 % appelé ISF marginal (4) s’additionnant aux nombreuses taxes supportées par le patrimoine, au plan national comme au plan des impôts locaux, est devenu l’un des plus pénalisants. Très peu de Français osent demander la suppression de cette taxe malfaisante, mais encore moins nombreux sont ceux qui oseraient demander la suppression des droits de succession alors que ces derniers sont plus expropriateurs encore, atteignant un taux marginal de 60 %…
Autrement dit, face à la situation incroyable de la ruine fiscale française, peu nombreux, divisés et finalement subjectifs sont les Français décidés à dénoncer le caractère insupportable des prélèvements de l’État. Cela vient de beaucoup de raisons, lamentables mais réelles qui marginalisent en France l’opinion « anti-fisc ».
1° Les Français se disent civiquement courageux (« Que l’on touche à la liberté/ Et Paris se met en colère », chantait l’inaudible Mireille Mathieu, citoyenne… d’Avignon) mais ils ne le sont pas. Plus encore que la prison, ils redoutent les contrôles fiscaux.
2° Le discours politiquement correct français de gauche fait de « la fraude fiscale un crime très grave ». Nous avons entendu lors d’un débat télévisé Me Henri Langlois, avocat des gauchistes, professer cette opinion surprenante sans qu’il soit repris par quiconque. Être soupçonné de fraude est disqualifiant, alors qu’étrangement les fraudeurs effectifs s’en tirent plutôt bien.
3° Le poujadisme des années 1950 a laissé un très mauvais souvenir. Plus jamais çà !
4° Enfin tous les petits écoliers ont appris que les Français, sous l’Ancien Régime, étaient « accablés d’impôts » alors que grosso modo la pression fiscale était de l’ordre de 2 ou 3 « vingtièmes » (donc 10 à 15 % du revenu) sous Louis XV + la « dîme » (10 %) versée au clergé responsable du social et de l’école. Cette affreuse réminiscence rend l'imposition actuelle, cette « contribution » consentie par un vote annuel parlement (5), légère au cœur des citoyens de la république.
Et puis, comme chacun sait, la dépense publique est utile. Je me souviens d’un oncle, par ailleurs charmant, quoique fonctionnaire, qui me reprochait vivement de contester le poids de l’impôt. « Mais, disait-il, il en faut des impôts pour faire des routes et des hôpitaux. » C’était il y a plus de 30 ans. La pression fiscale a augmenté en France de plus de 20 points. Ah ! Comme il serait heureux aujourd'hui le cher homme ! Surtout à l'instant où j’écris ces lignes, 48 heures après la libération de Florence Aubenas, dont l’annonce passe en boucle et pour laquelle M. Serge July n’a payé aucune rançon. Au moins on sait à quoi sert et où va l'impôt.
On comprend donc pourquoi le premier acte du gouvernement Villepin a été l’annonce du « gel de la baisse des impôts ». Il est urgent de ne pas supprimer ou amoindrir la raison objective du malaise subjectif des contribuables et de tous ceux qui travaillent pour entretenir les intermittents du spectacle, sans lesquels nous ne pourrions même pas rêver d’aller au cinéma (et cela serait bien fâcheux pour la vente des chocolats glacés), pour nourrir les feignants et empêcher les chômeurs de travailler au noir.
Oui, on vous le dit, ceux qui trouvent la fiscalité française trop lourde sont des milliardaires ou des poujadistes.
Que penser alors des inspecteurs des Finances s’employant inexplicablement à inventer chaque année des niches de défiscalisation, au besoin en créant le concept d’Étrangers « impatriés » ? Ces derniers bénéficieront au nom de l’Égalité d’un privilège fiscal au détriment des Français. Cela les dissuadera de partir ailleurs – au nom de la Liberté. Les concepteurs de ce système doivent-ils être considérés comme des milliardaires ou comme des poujadistes ?
Cela se chante, il est vrai, sur l'air de « on est les champions » : les champions du fiscalisme.
JG Malliarakis
©L'Insolent
(1) du 13 juin.(2) Il m’arrive pour ma part de penser qu'il s'agit d'une malédiction
(3) Si les taux de prélèvement sont x1, x2, x3, etc. le taux de prélèvement résultant n'est pas, bien sûr, égal à x1+x2+x3 (= 178 en France), il est 1 – (1-x1) (1-x2) (1- x3), etc. Le seul calcul économique sérieux et significatif serait d'ailleurs celui qui prendrait en compte la totalité de la dépense publique. Le financement du déficit de l'État par alourdissement de la dette, qui est obligatoire dans le système de l'euro doit être observé, au bout du compte, comme plus pervers encore (à certains égards) que l'impôt lui-même, puisqu'il assèche l'offre de capitaux sur le marché financier. En donnant à l'épargnant le sentiment d'une rémunération de son prêt, le mécanisme l'associe à cette autodestruction des capacités productives du pays. "Forbes" additionne les taux d'imposition, il ne tient pas compte des déficits. Mais au total on ne peut pas contester la réalité globale du classement. L'expatriation fiscale considérable des Français en atteste l'évidence.
(4) Ce taux s'applique à des patrimoines supérieurs à seulement 15 millions d'euros. En termes capitalistes sérieux c'est un seuil très bas. On doit ajouter qu'à ces 1,8 s'ajoutent notamment les impôts locaux, pour le capital foncier, et la taxation des plus values. Cela veut dire qu'en France, sans même tenir compte des droits de succession (60 % par succession cela veut dire près de 2 ou 3 % l'an) le capital est taxé pour un montant supérieur à son efficacité marginale historique évaluée aux alentours de 2,9 %.
(5) Rappelons que l'ancienne France, à partir du XIVe siècle, réunissait des États Généraux chaque fois qu'il fallait créer un impôt nouveau. Aujourd'hui ce que nous appelons encore « parlement » est supposé voter l'impôt annuellement. Mais les technocrates ont réussi à faire admettre que le taux d'impôt d'hier est acquis pour demain. Tout allégement est présenté comme un « cadeau » aux contribuables, par conséquent aux « riches ». Ainsi le « gel de la baisse » (baisse promise par Chirac en 2002), est vécu comme une concession à la gauche, donc au peuple, une sorte de don de joyeux avènement du gouvernement Villepin..
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