Revenir à la page d'accueil… Accéder au Courrier précédent … Utiliser le Moteur de recherche… Accéder à nos archives…
...Pour commander le livre Sociologie du Communisme ...Pour accéder au catalogue des Éditions du Trident
BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JEUDI 23 JUIN 2005
À LAÏQUE, LAÏQUE ET DEMI
Quand donc la république bananière hexagonale cessera-t-elle de violer sa propre législation et d'attenter aux libertés ?
Au moment où ces lignes sont écrites, je ne puis hélas me disposer à aller écouter M. Jean Sevillia sur un sujet voisin de ma préoccupation, évoquant la machine de guerre du laïcisme (1) après avoir écrit un livre sur l’époque où « les catholiques français étaient hors la loi ». Connaissant simplement son excellent « Historiquement correct » on peut en attendre évidemment le meilleur.
Nous sommes en effet dans une situation paradoxale, pour ne pas dire scandaleuse, s'agissant de la laïcité française.
En théorie le préambule de la constitution de 1946, réaffirmé par le texte bâtard de 1958, proclame la France république laïque.
Dans la pratique le tribunal correctionnel de Lyon peut se permettre de relaxer ce 21 juin l'ancien imam de Vénissieux le sieur Abdelkader Bouziane, poursuivi pour ses propos favorables au châtiment corporel des épouses infidèles sur la base du raisonnement suivant, développé par le président M. Fernand Schir, après un délibéré de 4 semaines : « Il n'appartient pas au tribunal, en dépit du caractère choquant et non conforme aux valeurs de la laïcité républicaine, de porter une appréciation sur un texte ou un commentaire du Coran que les auteurs les plus savants s'accordent à reconnaître polysémique et parfois ambigu ». Âgé de 53 ans, ce brave iman, salafiste, polygame et père de 16 enfants, dont 10 mineurs, va donc pouvoir bientôt revenir en République bananière hexagonale et rejoindre sa famille éplorée, mais probablement toujours allocationnée, dès que ce jugement permettra de faire annuler son arrêté d'expulsion.
En revanche, la plupart de mes lecteurs, correspondants et amis, savaient ce 19 juin qu’il s’agissait de la Fête des Pères pour les marchands de cravates. Mais ils ont probablement ignoré que ce même jour était également la Pentecôte du calendrier orthodoxe : l’événement est négligeable puisqu’il ne concerne guère en Europe que 250 ou 300 millions de chrétiens, en général à faible pouvoir d’achat.
Mais personne n’a pu ignorer en France, la mise en place d’un Conseil du culte musulman, organisé par la république. Il existe désormais, nous dit-on, 1 300 mosquées. Celles-ci sont visitées au maximum par 500 000 musulmans pratiquants. Parmi ces derniers, certains sont citoyens français. Et même, quelque 60 000 d’entre eux se sont convertis librement, ou maritalement, à l’islam. Les gens bien informés ont ouï dire, de la bouche de Villepin alors ministre de l’Intérieur, que les finances publiques allaient abonder une prétendue « Fondation » (2) destinée à faire vivre cet « islam de France ».
Les hommes de l’État ont ainsi franchi, ces dernières années, une ligne jaune, que l’on croyait continue et interdite, car elle protégeait, au moins en principe et en théorie, la notion d’une imaginaire « neutralité » religieuse de l’État.
Lorsqu’en 1801, Napoléon Bonaparte imposa à l’Église romaine le Concordat, sur lequel la France a vécu jusqu’en 1905, et qui s’applique encore en Alsace et en Moselle, son propos prenait acte du fait que la religion catholique était celle du peuple français dans sa grande majorité. « Mon système, disait-il, est de n'avoir point de religion dominante, mais de tolérer tous les cultes. »
Depuis cette date, la tradition de l’État français n’était certainement pas de favoriser une religion. La meilleure preuve en fut alors administrée à la même époque puisque les deux autres religions, minoritaires, le protestantisme et le judaïsme, furent organisées de la même manière.
La rupture de 1901-1905 introduisait un certain nombre de novations.
Les unes remontaient à des héritages plus anciens. Elles tendaient à remettre en cause la constitution même de l’Église romaine. La Loi de 1901 cherchait même à fabriquer dans le sein du catholicisme des associations départementales formées de laïcs, « associations cultuelles ». Ceci correspondait peu ou prou à l'héritage de la fameuse Constitution civile du clergé de 1790, elle-même directement inspirée de ce qu’on appelle le « troisième jansénisme » et le « richérisme ».
D’autres préoccupations de la période 1901-1905 tendaient aussi à démanteler les congrégations religieuses caractéristiques du catholicisme, à interdire les vœux perpétuels, à nationaliser leurs biens, à les écarter de l’enseignement, à soumettre leur fonctionnement à l’autorisation préalable des préfets et, plus radicalement encore à les expulser de France – cependant qu’avec le plus parfait cynisme on utilisait leur rayonnement mondial et leur œuvre missionnaire…
Bref l’événement constitué par le vote de la Loi de séparation de 1905 était évidemment dirigé contre la liberté religieuse des chrétiens de France. À l’époque, une minorité de protestants ont pu s’en accommoder. Mais aujourd'hui, le point de vue de l’Église réformée semble avoir évolué, tenant compte de l’expérience et de la déchristianisation dont, au moins autant que l’Église romaine, les protestants n’ont pas à se féliciter.La crise laïque avait commencé bien avant 1905. Elle remonte au programme républicain radical dit de Belleville (1870), qui réclamait la séparation de l’Église et de l’État. Elle atteignit son point culminant avec la structuration du parti radical en 1901. Son aboutissement a constitué un vrai traumatisme, à peine atténué par l’union sacrée de 1914-1918.
Il faut donc aujourd'hui une certaine dose de gentillesse de la part des catholiques français, à moins de vouloir attribuer leur bonté à leur faiblesse ou à leur naïveté, s'en féliciter ans nuances ou même pour dire désormais que « dès 1921 » le Conseil d’État aurait établi une véritable paix religieuse. Certes à cette époque la Papauté suggère un certain nombre de dispositions pratiques rendant les conséquences de la Loi de séparation, « vivables » ou « habitables » par les chrétiens. En très gros, il aurait suffi, nous dit-on, de considérer les Associations diocésaines présidées par l’évêque comme jouant le rôle prévu pour les cultuelles.
La vérité se révèle un peu plus complexe. Tout d’abord on doit remarquer que pendant près de 20 ans l’Église catholique en France a fonctionné, sinon de manière totalement illégale, du moins en marge de la législation.
Dès 1905, le Pape avait adopté une attitude de combat, notamment par la nomination directe d’évêques, qui constituèrent alors une phalange particulièrement active.
Mais en 1924, un accord intervient entre le dernier gouvernement issu du « poincarisme » et du « bloc national » et le Vatican. Cet accord mettait en place, pour la nomination des nouveaux évêques, une consultation supposée « informelle » de l’État français. Dans la pratique cet accord abouti à ce que, en France, aucun évêque catholique ne soit plus jamais nommé par Rome sans l'agrément du ministre de l'Intérieur, généralement franc-maçon. Il s’en est suivi un assez déclin de la qualité de l’épiscopat.
Cette situation mérite d'être dénoncée et on comprendrait que le nouveau pontificat de Benoît XVI s'emploie à remettre en cause cette « exception française ».
On doit quand même souligner que cet accord lui-même n'établissait qu'une trêve. Dès les élections du 11 mai 1924, un cartel des gauches allait porter au pouvoir le Ministère Herriot qui entreprit de remettre en cause la fragile réconciliation (3).
Le véritable moment où les conséquences de la crise laïciste vont commencer à s’effacer dans les esprits, commence probablement avec le tournant de 1938, quand Daladier comprend aussi, mais un peu tard, la nécessité de relancer, notamment une politique de la famille.
À partir de 1940, le contexte de la « Révolution nationale » de Vichy va permettre au Conseiller d’État Lagarde de nettoyer les dernières traces de la persécution combiste (4). À partir de 1944, la position très forte des démocrates chrétiens du MRP et des catholiques dans la résistance va confirmer l'acquit des années précédentes.
Pourtant, à partir de 1959, les gouvernements de la Ve république vont commencer à revenir à attitude plus dure. Sur le terrain scolaire, avec la loi Debré, apparaît le concept (piégé) d’un enseignement privé « sous contrat », qui fait de l’école religieuse catholique une simple sous-traitante du « grand service public unifié de l’Éducation nationale ». Le slogan maladroit du projet socialiste introduit par l'éphémère Loi Savary fut rejeté officiellement il y a 20 ans. Mais, dans la pratique et dans les mentalités gouvernementales, il est réapparu subrepticement depuis.
Si l’on ajoute à celui-ci diverses nouvelles réglementations sociétales bouleversant la conception traditionnelle de la Famille, lois et réformes sur lesquelles il semble inutile de « s’étendre », l’attitude de l’État français laïciste, depuis 1901-1905, n’est donc pas seulement apparue comme « neutre ».
L’attitude de l’État républicain français s'est révélée au bout du compte comme systématiquement hostile non seulement au cléricalisme mais au catholicisme, non seulement à l’Église romaine mais au christianisme en général, non seulement au christianisme à proprement parler mais en définitive à l’ensemble du fondement judéo-chrétien de l’héritage occidental en général et français en particulier.
Point n’est besoin d’épiloguer sur le déracinement culturel absolument invraisemblable qui en est résulté dans les jeunes générations. Faut-il évoquer par exemple l’illettrisme de celles-ci face à quelque chose comme 60 % du patrimoine artistique français ? Cela ne doit probablement déranger, ni Mme Claude Chirac, ni M. Johnny Halliday, mais, à soi seul, cet illettrisme disqualifie le système et ses inspirateurs.
Or, depuis 2003 on est explicitement passé d’une laïcité dirigée, en fait, contre tous les cultes implantés immémorialement dans notre pays à une discrimination positive, annoncée, théorisée – et, en définitive mise en pratique en faveur d’une religion dont la présence (éphémère) sur le sol français avait été interrompue au VIIIe siècle par la bataille de Poitiers. On chercherait vainement, par exemple, l’équivalent dans l’art et la culture française d’une référence « mahométane » antérieure au XXe siècle et, observons-le aussi, sous statut colonial. (5)
Cette discrimination positive en faveur de la religion islamique s’est traduite par plusieurs orientations politiques clairement affirmées :
Il y a d'abord la volonté d’organiser, et le choix de fusionner en une seule structure, l’ensemble des activités considérées comme islamiques sur le sol français, sans tenir compte des différences, de « rites » juridiques, de provenances, d’aspirations.
Des plus rigoureux wahhabites aux communautés soufies, des Marocains aux Turcs et aux Maliens, tous sont comptabilisés et agglomérés artificiellement dans un islam « de France ». Ceci s’est traduit par l’élection du Conseil du culte musulman. Préparé de longue date à l’époque où M. Chevènement était ministre de l’Intérieur, il a été mis en place par Sarkozy.
Les élections du 19 juin ont permis de comprendre que les musulmans habitant la France et se considérant comme impliqués par le processus sont de l'ordre de 350 000. Ceci permet au très actif président des Associations Familiales Protestantes, M. Pierre Patrick Kaltenbach de rappeler que les chrétiens « évangéliques » constituent en France, la 2e communauté religieuse de notre pays (ils sont environ 800 000) viennent ensuite les quelque 500 000 à 700 000 juifs français pratiquant effectivement le culte mosaïque. Ajoutons aussi 200 000 à 300 000 orthodoxes pratiquants. Il serait donc légitime de demander une véritable « certification des cultes ». Mais au contraire, l’État et les médiats font semblant de confondre pratiquants musulmans effectifs et « originaires de pays réputés islamiques » comme la Turquie, le Maroc, l’Algérie, le Mali, etc.
Cette très grave confusion s’est récemment retrouvée dans une jurisprudence du 5 juin de la Cour d’appel de Paris ayant à trancher entre une demande d’incinération faite par la famille installée en France d’un réfugié algérien et les « proches » demeurés en Afrique du nord de ce musulman manifestement incroyant. Au nom de la « tradition musulmane » à laquelle serait supposé appartenir le défunt, habitant Lille, le tribunal français a donc donné raison aux islamistes algériens !
Enfin le passage éclair de M. de Villepin à l’Intérieur a été pour lui l’occasion de lancer cette fameuse « fondation » permettant d’injecter de l’argent public dans les « activités religieuses islamiques ». Dans un livre récent signé de M. Sarkozy, il est précisé que sur ce point la loi de 1905 devrait être révisée pour pouvoir aider les musulmans, ce qui part (certainement) d'un excellent sentiment compassionnel, mais demeure encore actuellement illégal.
Il serait donc urgent que les chrétiens de France et plus généralement tous les citoyens et contribuables adoptent une attitude très claire : vous avez voulu trancher le lien entre la France et son identité chrétienne, alors appliquez votre propre législation.
Plus un seul centime d’argent public ne doit aller au financement d'un culte et encore moins à l’encadrement administratif des religions ; l’État doit entretenir ce qu’il a volé à l’Église en 1905 au titre des bâtiments historiques sans l’affecter à un autre culte ; enfin, il doit aller au-delà du compromis de 1924, cesser d’intervenir de quelque manière que ce soit dans la nomination des évêques et des prêtres et restituer intégralement sa liberté à l’Église.
Toute action contraire est illégale, illégitime, inconstitutionnelle et attentatoire aux libertés.
JG Malliarakis
(1) Ce jeudi 23 juin à 20 h 30 précises, au siège du Club de l’Horloge : 4 rue de Stockholm, Paris 8e [Digicode : B1207]. "Attention ! Le nombre de places est limité. Renseignements et inscriptions : Club de l'Horloge - 4 rue de Stockholm - 75008 Paris Tél. : 01 42 94 14 14 - Fax : 01 42 94 09 14 Métro : Saint-Lazare, Europe ou Saint-Augustin".
(2) Une telle appellation est évidemment impropre puisque dans le monde libre on désigne sous ce nom une institution de droit privé financée librement par les dons et legs des particuliers.
(3) Voir à ce sujet le Tome IV des Responsabiltés des Dynasties bourgeoises de Beau de Loménie "Du Cartel à Hitler"...
(4) Pour couper court à des polémiques imbéciles et déplacées, précisions ceci : il est légitime de ne pas associer cette disparition d'une persécution à l'apparition d'autres mesures injustifiables. Ces lois, dites « raciales », furent en effet condamnées et combattues, quoiqu'on en dise, par les Églises aussi bien par la grande voix du cardinal Salièges que par les pasteurs de l'Église réformée ou par des curés de campagne établissant de faux certificats de baptême pour la plus grande gloire de Dieu et de sa justice. En revanche nous serions preneurs d'une étude, sérieuse et sincère, sur le nombre respectif, des affiliés aux Loges maçonniques plus ou moins épurés en 1944 pour faits de collaboration et de ceux des franc-maçons français qui participèrent effectivement à l'action héroïque de leur frère Jean Moulin ou de Pierre Brossolette.
(5) Il est à ce sujet certainement très émouvant qu’un écrivain algérien entre à l’Académie française mais outre le fait que cette femme est née en 1932, outre que nous ignorons son rapport personnel à la religion de Mahomet, nous aimerions savoir comment l’on peut à la fois se féliciter de son usage de la langue française et rejeter entièrement l’héritage de la colonisation.
©L'Insolent
Revenir à la page d'accueil… Utiliser le Moteur de recherche… Accéder à nos archives…
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant