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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 16 SEPTEMBRE 2005

PRÉCISIONS SUR « LA » FRANC-MAÇONNERIE

En quoi et pourquoi nous osons critiquer ici certains aspects de ceux que François Mitterrand appelait joliment « les frères la gratouille »...

Assez surprenant ce texte, récemment publié par M. Alain Bauer sous le titre « Le Crépuscule des frères » (1). Certes, le lecteur le trouvera un peu confus et décousu, et finalement décevant. Et il faut parvenir pratiquement à la fin pour découvrir un aveu, selon moi décisif. Cela figure au bas de la page 140. Et je ne suis pas certain que les acheteurs du livre, dont certains se seront transformés en lecteurs effectifs, en arrivent à ce point du parcours symbolique. C’est pourquoi je leur livre cette part du secret révélé par l’épreuve initiatique de cette lecture elle-même :

« La littérature maçonnique, écrit sans rougir l’ancien grand maître aujourd’hui démissionnaire de sa loge Alain Bauer, ou ce qu’on appelle ainsi, en dehors de très rares cas, est le plus souvent d’une médiocrité et d’une pauvreté affligeantes » (page 140)

Et il ajoute :

« Voisinant dans les grandes librairies avec les ouvrages qui parlent du tarot, des Ovni ou de la parapsychologie, elle ne mérite au fond pas d’autre sort. Mais, conclut-il son effrayant paragraphe, doit-on s’en satisfaire ? » (page 141)

On se doute bien de la réponse négative donnée par le camarade Bauer à l’adresse de ses frères, ou de ses faux-frères, du Grand Orient de France, et de ce qui s’est récemment intitulé, de manière désormais institutionnelle, « la Maçonnerie française » (2).

En fait si une douzaine sur environ 14 ou 15 grandes et petites obédiences maçonniques françaises se sont proclamées « la » maçonnerie de notre pays, c’est évidemment pour en exclure les autres.

Les autres, c’est-à-dire,

- d’une part, la GLNF (3), maçonnerie dite traditionnelle. Celle-ci est tout à fait différente. Elle seule, est reconnue pour « régulière » par la Grande Loge historique de Londres,

- et d’autre part quelques groupes paramaçonniques plus ou moins tenus à l’écart parce que fantaisistes ou de probité éventuellement douteuse, etc..

Ceci nous amène à une précision qui n’est pas sans importance. Quand nous critiquons ici ceux que François Mitterrand appelait joliment « les frères la gratouille », il s’agit très précisément de ce que M. Bauer appelle « la maçonnerie française », c’est-à-dire la grande majorité des quelques 140 000 Français se considérant eux-mêmes comme francs-maçons.

Ni du point de vue libéral ni du point de vue chrétien, il n’y a lieu de les confondre avec les quelque 30 000 ou 35 000 adeptes actuels (4) de la maçonnerie traditionnelle. Celle-ci est certes en désaccord avec l’Église romaine, dont elle ne partage pas la théologie et la philosophie. « Déiste », elle me semble, par définition (5), spirituellement incompatible avec la plupart des confessions chrétiennes. Mais, du point de vue civique et social, elle est probablement beaucoup moins infestée par la « théologie de la libération », c’est-à-dire par le marxisme, que ne l’est, par exemple, au moins globalement, la hiérarchie catholique en France.

Ce que nous dénonçons, ce n'est pas autre chose que le Socialisme maçonnique, qui est d'ailleurs un faux socialisme, comme il est un faux humanisme. Le Socialisme maçonnique est, et il a pratiquement toujours été, dominant au sein du Grand Orient de France, au moins depuis la date symbolique de 1877. Les autres obédiences satellisées s’associent régulièrement avec le GO ; elles le font notamment pour des raisons matérielles; ainsi, 90% au moins du parc immobilier des loges, les lieux de réunions des petites loges de provinces en particulier, sont gérés par des sociétés immobilières du Grand Orient [d’ailleurs mal gérées…]. Ceci amène assez régulièrement à des prises de positions, rédigées en termes alambiqués mais dont les conclusions politisées sont assez claires.

Prenons la « Déclaration commune des obédiences maçonniques françaises » de l’année 2002 signée de 9 « puissances maçonniques », Grand Orient en tête, que M. Bauer met en première annexe de son livre (pages 161 et 162).

On remarque évidemment parmi les 9 signataires l’absence de la GLNF, mais on retrouve la Grande Loge, le Droit Humain, la Grande Loge dite symbolique et traditionnelle (ex-"Opéra"), la « Loge nationale » (ne pas confondre) etc.

J’espère d’ailleurs ne pas offenser ceux des « frangins » qui me lisent (ils sont plus nombreux qu’on pourrait l’imaginer et je les salue cordialement malgré nos désaccords philosophiques) en taxant cette déclaration commune, excluant la GLNF de sa démarche, de jésuitisme.

Qu’y découvre-t-on en effet ?

Que les francs-maçons des obédiences signataires pratiquent  :

1° le « rejet de tout dogmatisme et de toute ségrégation ».

2° le « refus de tous les intégrismes et de tous les extrémismes ».

On est tenté de dire : quelle audace ! Mais, à la vérité en France, à part la LCR de Krivine et LO de Laguiller-Hardy personne ne revendique en sa faveur l’étiquette « extrémiste ». Or, jamais le Grand Orient et ses satellites n’ont émis publiquement la moindre réprobation de l’usage, — assez courant chez les trozkistes — du terme « d’extrême gauche ». Et, au contraire, tout le monde sait bien qu’il s’agit de stigmatiser une (in)-certaine « extrême droite » qui, pourtant, elle-même, récuse cette étiquette…

D’autre part, c’est très joli de prétendre rejeter toute forme de ségrégation. Qui, grands dieux, défend la ségrégation ?

Mais alors il faut aller jusqu’au bout de la laïcité républicaine et de l’assimilation.

Il faut condamner clairement la discrimination « positive ».

Il faut appliquer la Loi de 1905 et intenter des poursuites en forfaiture contre tout agent public ou tout représentant du pouvoir exécutif qui viole ouvertement la loi précitée en prétendant subventionner des mosquées, en faisant intervenir l’administration dans l’organisation du « culte » musulman, en permettant à l’Arabie Saoudite, à l’Algérie ou au Maroc de faire en France ce que l’on interdit de faire à l'État du Vatican…

Quand nous verrons clairement les frères de M. Bauer adopter cette ligne de conduite nous accepterons, bien volontiers, de voir en eux des adeptes de René Descartes, de la Logique de Port-Royal, et de ce qu’il y a de meilleur dans l’esprit français.

Pour l’instant, nous sommes loin du compte. Car ils font surtout figure de « vaseux communicants », de diseuses de bonne aventure, tout à fait indignes de leur chère « Déesse Raison ».

On ne doit pas se dissimuler en effet que la véritable logique sous-jacente à l’action du Grand Orient, c'est une logique politique, faite de complaisance à sens unique pour la gauche et pour l'extrême gauche, cela rejoint tout simplement l'imposture scientifique et philosophique de la Dialectique telle qu’elle a été analysée par Jules Monnerot dans Sociologie du Communisme.

Dans leur jeunesse MM. Valls, Fuchs et Bauer ont constitué, dit-on, une « troïka » dans la plus pure tradition léniniste : celle-ci s’est-elle démentie depuis que M. Fuchs est devenu conseil en communication financière, se réclamant ouvertement de l’appui du Grand Orient de France, dont il instrumentalise en quelque sorte à son profit la réputation (6) d'influence sociale, et que M. Bauer est devenu une sorte de grand manitou de la lutte contre l’insécurité ?

S’il s’agissait seulement d’amitié, on ne pourrait que saluer cette émouvante et fidèle camaraderie de « plus de 30 ans ».

Si, même, on demeurait dans le simple registre d’un « copinage » - à quoi certains croient pouvoir limiter la réalité maçonnique, — il n’est pas sûr que celui-ci soit plus néfaste ou plus impur que TOUS les autres réseaux de pouvoir. Contrairement à une réputation bien établie, les francs-maçons sont loin d’être plus corrompus, plus complaisants et plus puissants. En tout cas Bauer s’est maintes fois prononcé en faveur de la « karchérisation » des loges afin d’en expulser les escrocs et les arrivistes.

Allons donc jusqu’au bout et disons clairement ce qu’il y a VRAIMENT lieu de reprocher aux francs-macs du Grand Orient, et à leurs satellites de « la » maçonnerie française.

1° Ils sont au cœur de l’idéologie de « l’exception française » étatique et monopoliste dont les conséquences sont à la fois destructrices pour la société et l’économie et curieusement, peut-être involontairement, aboutissent au plus pervers et au plus niais des chauvinismes : le « modèle français », nos hôpitaux « les meilleurs du monde » (cf. encore Chirac à sa sortie du Val de Grâce), notre merveilleuse « école républicaine », nos « services publics à la française », etc…

2° Ils sont constamment, aujourd’hui encore, les alliés permanents de ce qui demeure du communisme, stalinien et trotskiste, les agents de la manipulation des socialistes par l’appareil du PCF et de la CGT, manipulation qui fonctionne toujours très bien.

Tout cela constitue le Socialisme maçonnique.

Nous nous éloignons ici, c’est vrai, de toute référence aux nombreuses « condamnations de la franc-maçonnerie par les Papes depuis le XVIIIe siècle ».

Il nous reste cependant à reconnaître, au-delà de la rhétorique surannée de ces textes pontificaux, égrénés et renouvelés depuis 1738, et d'un fâcheux petit zeste d'intolérance, qu’en mettant alors en garde leurs ouailles contre les loges maçonniques, les dirigeants du catholicisme d’autrefois n’avaient, peut-être, de leur point de vue, pas tout à fait tort…

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Éditions de la Table Ronde, 14 rue Séguier 75006 Paris, sous titre : « La fin de la franc-maçonnerie ? » 2005, 170 pages

(2) De la même manière, la corporation statutairement constituée comme « Fédération Nationale de la Mutualité Française » (FNMF) s’est autoproclamée, sous la présidence de M. Davant, (ayant succédé en 1992 à M. Teulade devenu alors ministre du si remarquable Bérégovoy), « la Mutualité Française ». Le parallélisme des deux monopolismes rhétorique n’est pas, on s’en doute, le fruit du hasard : « la » mutualité française assure une partie non négligeable de la matérielle de « la » maçonnerie française.

(3) Grande Loge Nationale Française autrefois appelée « Bineau », en raison de son ancien siège, au temple du Bd Bineau à Neuilly. Cette obédience revendique « plus de trente mille maçons traditionnels » et qui proclame clairement: « Nous croyons fermement en la réalité d'un Grand Architecte de l'Univers qui est Dieu. Nous nous interdisons tout débat touchant la politique ou la religion. Nous rejetons tout dogme, toute idéologie, tout prêt-à-penser, tout maître-à-penser : nous cherchons la lucidité ». Aujourd'hui son siège se situe rue Christine de Pisan à Paris (17e).

(4) Les chiffres communément avancés sont loin d'être sans importance : dans les années 1960 on parlait couramment de 40 000 francs-maçons du Grand Orient, chiffres demeurés à peu près constants, contre seulement 2000 ou 3000 membres de la GLNF.

(5) Définition du déiste par Littré : « Celui qui, reconnaissant un Dieu, rejette toute religion révélée ». C'est très exactement la définition que la GLNF donne de sa doctrine commune (cf. ci-dessus note 3, tirée de la page d'accueil de son site internet); L'année de publication du Littré (1877) est d'ailleurs celle que le Grand Orient de France choisit pour rejetter cette simple adhésion à la « religion naturelle en laquelle croient tous les hommes» (cf. Constitutions dites d'Anderson) pour ouvrir la porte aux « stupides athées» eux-mêmes dénoncés par ce même manifeste du XVIIIe siècle, fondateur de la maçonnerie spéculative universelle.

(6) Celle-ci est en grande partie usurpée : l'influence du Grand Orient est incontestable dans les médiats, dans certains secteurs précis de l'administration et dans les verrouillages idéologiques. Elle est beaucoup moins sensible dans la société.

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