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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 19 SEPTEMBRE 2005
SÉCURITÉ SOCIALE : ON A DÉJÀ DONNÉ
La faillite du système est déjà lisible dans les comptes approximatifs dont nous avons toujours disposé. Et, depuis la réélection de Chirac en 2002, on a multiplié le découvert par 8...
Il en est des magistrats financiers comme des gendarmes. J’éprouve pour leur sérieux, leur probité, leur discipline un respect vraiment sincère. En revanche, je me méfie par principe de l’instrumentalisation de leur démarche par les politiciens et par les médiats.
Ainsi la grande révélation faisant la première page du Monde (1) et selon laquelle : « Déficit de la Sécurité sociale : la Cour des Comptes accuse » mérite évidemment les réserves les plus expresses.
Tout d’abord qu’on me permette une petite remarque d’ordre tout à fait personnel : pendant plus de 10 ans, à partir de 1991 en tout cas et pratiquement jusqu’en 2003 mon travail prioritaire a été investi dans l’examen, à la fois technique, économique et polémique de cette économie des monopoles sociaux qui ruinent, je n’hésite pas à le redire, et qui rongent la société française.
J’ai rencontré dans ce combat un certain nombre de gens intéressants, dont certains sont même demeurés des amis. En revanche, sans réviser en quoi que ce soit, au fond, les conclusions logiques de tout travail honnête sur le dossier (2), je ne crois pas les Français capables de s’intéresser globalement à ce dossier.
« J'ai déjà donné » moi-même dans ce combat et je ne donnerai plus. D'autres, plus patients, plus habiles ou plus convaincants reprendront le relais.
Je crois d'ailleurs fermement que les mécanismes mentaux sur lesquels ont prospéré les institutions de l’assistanat doivent être combattus en tant que tels, sans chercher prioritairement à pouvoir « réformer la sécurité sociale », de manière ponctuelle, en ne changeant « que » cela..
Dans une société de liberté et de responsabilité, les caisses sociales se réformeront toutes seules par le biais de la concurrence.
Et, au contraire, tant que les Français croiront au « coup de balai autoritaire », à la « mise en ordre de l’État », eh bien la sécurité sociale leur coûtera de plus en plus cher pour des prestations de moins en moins satisfaisantes.
Comment, par exemple, imaginer qu’une comptabilité passée au crible d’un Philippe Séguin puisse conduire à une réforme de liberté ?
M. Séguin lui-même, qui est un ami du pouvoir, est-il capable de comptabiliser les désastres auquel il a présidé ?
On nous dit ainsi qu’en 2004 le solde annuel du régime général de la sécurité sociale a été déficitaire de 13,2 milliards d’euros.
C’est déjà un chiffre colossal, nous en sommes d’accord. En 1994 et 1995, date de la décision de mettre en place le fameux « plan Juppé » le même déficit courant était évalué à 8 et 10 milliards d’euros. Mais précisément, à l’époque, on s’est servi de l’annonce de ces pertes abyssales pour mettre en place, par voie d’ordonnances qui furent signées par M. Barrot tout au long de l’année 1996 et au commencement de 1997, un soi disant programme de redressement étatique – 10 ans plus tard on se retrouve pratiquement au même point avec en prime une nationalisation des caisses plus déresponsabilisante encore.
Contrairement à la Loi Veil de 1994, le plan Juppé-Barrot de 1995-1996 écarte toute « autonomie des branches » et toute « responsabilisation des caisses ». Même celles qui reposent en théorie sur une véritable élection (3) sont contrôlées en pratique par le ministère des Finances, et elles sont représentées en justice par leur Directeur général.
Chiffrer à 13 milliards pour le régime général, et même à 14,2 milliards pour l’ensemble du système, le déficit 2004 de la sécurité sociale, c'est d'autre part, en se cantonnant à ce seul chiffre pourtant c’est commettre un mensonge de plus, un mensonge par omission : le découvert de Trésorerie de l’ACOSS vis-à-vis de la Caisse des Dépôts, qui était légalement fixé à 4,2 milliards d’euros en 2002 a été désormais autorisé « légalement » à concurrence de 33 milliards d’euros, c’est-à-dire au double du déficit cumulé qui menaçait en septembre 1995 quand M. Juppé, a cru sauver la France dans son discours du 15 novembre à l’Assemblée nationale. Depuis la réélection de Chirac en 2002, les passages de MM. Mattei et Douste-Blazy ont multiplié ce découvert par 8.
Qu’il s’agisse donc de la réforme Juppé-Barrot de 1995-1996, largement inspirée d’ailleurs de projets socialistes antérieurs, qu’il s’agisse des commentaires de presse, tant ceux de la « droite » que de la « gauche », ou, enfin de l’orientation donnée par M. Séguin aux travaux de la Cour des comptes, toujours à propos de la sécurité sociale, il me semble dramatique de retrouver toujours, cycliquement, le même état d’esprit : mélange d’étatisme naïf, d’imprécations manipulées, d’indignations faussement manipulatrices.
Parmi les clichés récurrents, auquel le Monde du 15 septembre n’échappe pas lui-même, on retrouve la désignation de certaines dépenses, comme celles de la pharmacie, de soins dentaires ou des analyses de radiologie et de biologie. Le thème sous-jacent revient à dire « certaines catégories s’en mettent plein les poches » et les (fausses) solutions tendent à réduire le taux de remboursement.
Ainsi, dernier gadget, 221 médicaments « jugés d’un rendement insuffisant » verraient leur remboursement ramené à 15 %« pour ne pas traumatiser » l’industrie, les patients, etc…
En bonne logique, c’est ridicule. Ou bien ces médicaments ne servent à rien, et il faut cesser de les rembourser. Ou bien ils soignent et ils font partie du risque maladie supposé couvert par l’assurance du même nom. Ce jugement de Salomon est dérisoire, et cependant ça marche ! — comme dans Tintin au Congo. (4).
La question à se poser n’est donc pas dans le fait que l’État intervienne dans tel ou tel sens, mais dans l’acceptation docile par les Français des procédures entièrement arbitraires de ce que nous appelons encore « l’État » mais de ce qui n’est même pas « le Gouvernement », car il s’agit de l’administration. Ce n’est ni le ministre de la Santé qui décide des problèmes de santé publique, ni celui de la Solidarité sociale qui tranche plus globalement des questions de sécurité sociale (5), ni même le ministre de l’Économie et des Finances, malgré son titre ronflant et disproportionné – ce sont les bureaux de Bercy, la direction du Trésor, l’Inspection des Finances. Ce sont des gens que les Français ne connaissent même pas, c’est un corps qui a eu la particularité de se tromper de manière constante depuis les années 1920 (6) et qui, dans les années 1980 s’est trouvé illustré par les Trichet et Haberer. Accessoirement à la tête de la Cour des comptes on a mis un personnage du sérail, proche du Prince, l’irremplaçable Séguin.
Le rôle de l’Insolent, si petit soit-il, ne peut pas être de faire semblant de croire que ces procédures galantes et conformistes sont de nature à redresser notre malheureux pays en voie de sous-développement.
Le poisson pourrit par la tête : c’est à la tête qu’il faut guérir le corps national tout entier, en sachant qu’il ne suffira pas de changer le détenteur du sceptre, personnage fictif que nous appelons pompeusement : « président de la république », mais qu’il faut tout d'abord véritablement guérir cette narco-dépendance qui enchaîne la société civile aux politiciens et aux technocrates…
JG Malliarakis
©L'Insolent
(1) Édition datée du 15 septembre.
(2) savoir : la faillite du système est déjà lisible dans les comptes approximatifs dont nous avons toujours disposé ; l'État ne pourra pas indéfiniment le refinancer ; on ne s'en sortira que par la libre concurrence, le libre choix de l'assurance, la liberté de l’épargne personnelle et, bien entendu, la suppression de toute notion de « redistribution » par des mécanismes de taxation du travail
(3) comme la Caisse retraite des médecins par exemple..
(4) cf. édition Casterman 1947, page 27.
(5) englobant les 4 branches, et pas seulement la maladie.
(6) cf. à ce sujet les Tomes III, IV et V des Responsabilités de Dynasties Bourgeoises.
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