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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JeuDI 29 SEPTEMBRE 2005
LES PANNES DE L'EUROPE LIBRE
Selon toute vraisemblance, le 3 octobre les diplomates micronationaux de l’Union européenne décideront d’entamer des négociations avec la Turquie « en vue d’une adhésion »...
Notre petit courrier a subi une panne, légère, de quelques jours.
La panne de l'Europe libre est hélas beaucoup plus grave, plus profonde, et plus durable.
Il faut savoir, en effet, constater l’évidence : selon toute vraisemblance, le 3 octobre les grands diplomates micronationaux associés de l’Union européenne, à commencer par une Allemagne encore décapitée et une France désormais bicéphale, décideront d’entamer des négociations avec la Turquie « en vue d’une adhésion » .
Comme nous sommes à J-5, concédons certes que tout peut encore arriver. J’apprends ainsi par un courrier électronique que le même jour à 17 h 30 un rassemblement se fera au métro Passy pour qu’une délégation protestataire, nationale et, comme il se doit, « républicaine » demande à être reçue par l’ambassade de Turquie. Qui sait ? Peut-être que le fonctionnaire de service ira télégraphier à la Sublime Porte un message dûment codé pour faire comprendre qu’un certain mouvement crédité en France de moins de 1 % des voix menace l’équilibre séculaire entre l’Europe chrétienne et le ci-devant Empire ci-devant ottoman, toujours musulman quoiqu’on dise. Inch’Allah.
Nous agirons sans doute, le moins sottement possible, pour l’honneur, et, sauf imprévu, je chercherai, pour ma part à me rendre, sauf empêchement, à ce petit rassemblement comme j’invite mes lecteurs, du moins ceux qui pourront se libérer, à faire de même.
Mais enfin, il faut reconnaître que les « adhésionistes » ont gagné la première manche.
Ils y ont mis un certain temps et même un temps certain. Ne retenons même pas la date de 1963 : elle constitue en elle-même une imposture et un contresens.
À cette époque, en effet, l’Union européenne n’existait pas. Les fameuses « promesses » de 1963, si souvent invoquées comme ayant été faites à la Turquie, se réclamant même du général De Gaulle, ne comportaient pas, de toute évidence, ce que l'on est en train d'accomplir aujourd'hui.
Le projet d’une Confédération politique n’était pas à l’ordre du jour : il est, aujourd’hui, la conséquence de l’accord signé à Maastricht en 1991 complété par celui d’Amsterdam de 1997 et celui de Nice de l’an 2000.
Depuis plus de 40 ans, on avait effectivement accepté d’associer la Turquie au marché commun. Ce n’est pas pareil. Du moins en principe.
En 1993, malgré l’avis négatif du parlement européen, la présidence française, sous l’impulsion active de M. Juppé, a fait aboutir l’entrée d’Ankara dans l’union douanière. Il s’est donc déroulé en 30 ans.
Personne ne peut dire si la même durée de bail, autant dire une emphytéose, séparera de la décision politique de négocier prise par les 25 gouvernements sous présidence de la Grande-Bretagne d’une « adhésion pleine et entière ».
Ce que l’on peut dire en revanche c’est que l’Union européenne, elle, aura probablement perdu entre-temps, si le processus continue, non seulement toute consistance mais probablement toute utilité.
Cette grosse chose flasque conservera peut-être encore une enseigne invoquant le nom de notre continent.
Celui-ci sera éventuellement associé à autre chose : au temps de l’Empire français, les bons esprits nous exhortaient à le fondre dans l’Eurafrique.
Désormais on parle d’espace euroméditerranéen.
Et bien entendu, on prétendra mettre tout cela à l’heure de l’euro-démocratie.
Elle est quand même étrange cette démocratie.
Quand l’opinion semble renâcler dans les sondages (75 % des gens ont compris que les Turcs ne sont pas européens) on programme une « pédagogie ».
Quand le bourrage des crânes ne marche pas, certes on a compris que le bourrage des urnes faisait désordre.
Dès lors on ne bourre pas les urnes, mais on se détourne entièrement de leur résultat effectif.
Ainsi la défection de 15 à 20 % de l’électorat a empêché parce que les 15 à 20 % ne voulaient pas de la Turquie dans l’UE (1), la ratification référendaire du traité constitutionnel.
Eh bien côté cour on fait mine d’ignorer cette crise pourtant majeure du processus d’élargissement.
Et côté jardin, à l’usage des adhérents de l’UMP, eux-mêmes très hostiles (2) on agite un aspect purement formel du dossier : la « reconnaissance par Ankara de la république de Chypre » (3). Celle-ci a été repoussée, in fine, aux calendes turques. Et on laisse de côté l’essentiel, c’est-à-dire l’incompatibilité avec l’Europe du régime militaro-jacobin, issu du kémalisme (4), fondé sur la négation des minorités et la violation permanente des libertés religieuses (5).
Rappelons quand même que l’Europe existait avant l'Union européenne créée par le traité de Maastricht et qu’elle survivra, quoiqu’affaiblie, à la fin du processus autodestructeur, actuellement en cours au sein de l’Union européenne.
Il faut donc avoir la décence et le minimum de sens des responsabilités civiques de nous recentrer sur les problèmes franco-français. Si ces problèmes ne trouvent pas leur solution à Paris et dans les régions de France, il est totalement inutile d’espérer les résoudre au gré de circulaires émanant de bureaux de Bruxelles, puisque tout est fait, de toute manière, par nos jacobins, pour dénigrer, dénaturer et occulter les réalités européennes.
Tant que notre « démocratie nationale » ne fonctionnera pas, et, ici, aujourd’hui, elle ne fonctionne pas, il n’y aura pas d'Europe libre.…
JG Malliarakis
©L'Insolent
(1) Les campagnes d'affiches de MM. Le Pen, de Villers et Mégret portaient toutes sur le double thème « Non à la Turquie, non à la constitution ». Il nous semblait à l'époque que cette association Turquie/Constitution, parfaitement artificielle, était de pure propagande. Jointe à la déplorable prestation personnelle de M. Chirac, il est un fait objectif que l'argument a cependant porté.
(2) M.Sarkozy dit : « à 98 % » - je pense, quand même, qu’il exagère.
(3) Sans évoquer pratiquement jamais, bien sûr, l'occupation militaire et la colonisation par les Turcs, avec la complaisance de l'OTAN, du nord de l'île envahie en 1974.
(4) Dont, là aussi, on n'a le droit de parler qu'à condition d'en dire du bien. Dictateur brutal, allié des bolcheviks (avec lesquels par exemple, il se partagea la république indépendante d'Arménie créée par le traité de Sèvres) Kémal est toujours présenté en occident sous un jour favorable.
(5) L'État turc actuel viole en effet les libertés du christianisme, dans l'indifférence générale, mais même sa gestion administrative de la religion mahométane est complètement contraire aux libertés élémentaires.
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