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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JEUDI 3 NOVEMBRE 2005
LEURS CHIFFRES ME FERONT TOUJOURS RIRE
Le groupe UDF « considère que la loi de financement de la sécurité sociale est, comme le budget : insincère ».
Ainsi donc, ce 2 novembre à 17 heures, après avoir adopté le 25 octobre la première partie du projet de loi de finances pour 2006, les députés ont voté, positivement cela va sans dire le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Et nous sommes quelques-uns, étrangement, à trouver tout cela « à se tordre ».
Ça commence, en effet, par une blague. Elle m'enchante : je ne résiste pas à la tentation de la raconter. Voilà : « 97 % des personnes résidant dans un pays de l'OCDE (ou de l'Union européenne) sont prêtes à croire n'importe quelle affirmation dès lors qu'elle est assortie d'un pourcentage ». La preuve ? Vous y avez cru.
On peut changer les chiffres, les échantillons : ce peut être « les cadres », « les diplômés de l'enseignement supérieur », « les personnes aux revenus supérieurs à la médiane », etc… Ça marche aussi bien.
Bien entendu il y a, par ailleurs, lieu de s'inquiéter quand on observe les débats budgétaires, y compris ceux de la loi de financement de la sécurité sociale.
Quand on annonce pour l'État central français un déficit prévisionnel de 46 milliards d'euros pour 2006, on peut faire confiance au gouvernement Villepin s'il existe encore en 2006, il fera encore « mieux. » « Toujours plus. »
Quand on parle, d'autre part de ramener à « seulement » 8,9 milliards d'euros le déficit apparent de la sécurité sociale, on se moque encore plus du monde. Toute personne sensée remarquera en effet que la mesure phare, la mesure d'économie la plus controversée, la plus spectaculaire de cette loi de financement consiste à établir un forfait de 18 euros pour les actes médicaux dits « lourds », ce qui n'en traînera, d'après les prévisions officielles que 0,1 milliard d'économie, soit 1,1 % du déficit prévisionnel (0,8 % du déficit actuel) on mesure de quel courage sont capables les politiciens pilotant théoriquement le système et de quel degré d'imagination sont dotés les inspecteurs des Finances le gérant en fait.
À sa manière d'ailleurs, le système politique et technocratique a quelque raison de prétendre associer financement de l'État et financement de la sécurité sociale. Cela permet une opacité considérable. Une très grande pagaille financière règne dans les reversements et les diverses usines à gaz comptables du système.
Rêvons un peu autour de quelques chiffres extraits du rapport de la Cour des comptes de la Sécurité sociale pour 2003.
• 7,8 milliards n'ont pas été reversés à la Sécu sur les taxes sur le tabac.
• 3,5 milliards d'euros n'ont pas été reversés à la Sécu sur les taxes de l'alcool.
• 3,5 milliards d'euros n'ont pas été reversés à la Sécu des assurances auto pour les accidentés de la route.
• 1,2 milliard d'euros n'ont pas été reversés à la Sécu de la taxe sur les industries polluantes.
• 2 milliards d'euros de TVA n'ont pas été reversés à la Sécu.
• 2,1 milliards de retard de paiement à la Sécu pour les contrats aidés.
• 1,9 milliard de retard de paiement par les entreprises ... etc..Or, toutes ces carottes additionnées à ces navets représentent plus de 20 milliards d'euros.
Faut-il les ajouter à la tendance déficitaire du budget de l'État ? Faut-il les retrancher du fameux trou ?
Au fond je suis porté à donner raison au groupe UDF, de n'avoir pas voté ni le budget pour 2006 le 25 octobre, ni le PLFSS 2006 le 2 novembre. M. Jean-Luc Préel, parlant au nom de son parti, « considère que la loi de financement de la sécurité sociale est, comme le budget : insincère ».
Mais, par ailleurs, je comprends mal comment le même parti peut ne pas voter la censure d'un exécutif aussi condescendant et dont on constate que les chiffres sont truqués. Donnerait-on quitus au trésorier d'une association ou à un syndic d'une copropriété qui mentirait de la sorte ?
L'ensemble de ces menteries officielles, ou plutôt les conséquences des obscurités comptables multipliées, empilées, enchevêtrées, d'années en années par notre arrogante technocratie, expliquent peut-être d'ailleurs les récentes affirmations à première vue incompréhensibles, sinon scandaleux, de M. Jean-Louis Borloo, sur l'allégement des charges. Le très ambigu ministre de l'Emploi a déclaré en effet, le 13 octobre, devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale que le système des allégements de cotisations sociales patronales aurait « atteint ses limites ». Ce membre de phrase peut paraître scandaleux si on le sépare de sa conclusion : « il convient de le rendre plus lisible pour les patrons et les salariés ».
Commençons donc par le rendre compréhensible pour les citoyens.
Nous empruntons ci-dessous les chiffres de la Nouvelle Lettre (1) du 26 octobre.
En 2006, les prélèvements obligatoires atteindront 775,1 milliards d'euros, soit une hausse de 30,4 milliards d'euros (soit 4 % d'augmentation en euros courants).
Rapportés au PIB, ils passeront donc de 43,9 % cette année à 44 % en 2006. On était encore à 43,4 % en 2004. moyenne de l'OCDE (36,3 %) et à celle de l'ensemble de l'Europe (38,9 %) : nous sommes bien au dessus. Et la comparaison pays par pays montre que nous sommes presque champions du monde des prélèvements. Seuls quelques petits pays nordiques nous dépassent. Mais l'Allemagne est à 36,7 %, la Grande-Bretagne à 35,3 %, l'Irlande à 30 %, le Japon à 25,8 %, les États-Unis à 25,4 %
Ceci permet à nos amis de Contribuables associés de calculer que les ménages travaillent pour l'État ou la sécu jusqu'au 16 juillet, jour de la libération fiscale. On va donc passer au 17 juillet.
Mais à la vérité, au-delà même de ces chiffres accablants, il est un fait que l'État central français, tout en faisant semblant de raisonner comme si la France qu'il administre était celle de Louis XIV, ou même celle de Clemenceau, se trouve aujourd'hui dans l'humiliante réalité d'un pays hier considéré « charmant mais faible » (2), aujourd'hui comme préoccupant et peu fiable pour ses partenaires.
Non, il ne suffit pas de donner des chiffres pour être durablement convaincant. C'est bien dommage mais on doit d'abord se préoccuper de la logique sur laquelle ils reposent.
Le concept de statistique remonte lui-même à la naissance de l'étatisme moderne, en Suède au XVII siècle. C'est sans doute un de ces Progrès de l'esprit humain auxquels s'attachait Condorcet. Il s'inscrit dans un besoin très ancien. De tout temps il y eut des recensements et on peut même considérer la naissance de l'écriture comme le reflet d'un besoin des sociétés d'inventorier les objets, les productions, les propriétés. Mais l'idée que tout ceci devienne par nature la chose d'un État se proclamant, en quelque sorte, « propriétaire suprême » des biens de la nation, de ses activités, et de la nation elle-même est déjà spoliatrice, réductrice et monopoliste.
On devrait donc se demander sérieusement pourquoi la Bible est très réticente vis-à-vis de ces recensements globalement tenus pour immoraux par la pensée prophétique.
Car, plus les sociétés, plus l'action humaine, plus les économies évoluent et plus imbécile devient le Monopole : chaque jour il se révélera incapable de lutter contre l'intelligence inhérente à la concurrence. Et après avoir sérieusement appauvri la société nationale, il en affaiblira de plus en plus les capacités compétitives.
C'est très exactement ce que l'on observe dramatiquement en France depuis 1945, du fait de l'immense monstre appelé sécurité sociale. Celle-ci a été conçue, à partir de 1938 (politique de la famille de Daladier), 1941 (charte du travail promulguée par le gouvernement Darlan) et 1943 (programme du Conseil national de la résistance) comme devant associer en un triple monopole et sous une seule gestion les branches dites famille, maladie et vieillesse des anciennes assurances sociales mises en place à partir de 1928 (gouvernement Tardieu).
L'étonnant du phénomène n'est même pas qu'il se soit conservé, presque intact et intouchable dans son principe, mais qu'il se soit dogmatiquement renforcé, crispé sur lui-même depuis 1995, alors que le monde entier entreprenait une remise en cause de l'État-Providence (3).
Certes, les réformes des autres pays ne sont pas toujours brillantes. Ainsi le thatchérisme anglais n'est-il pas venu entièrement à bout du National Health Service, système encore plus destructeur au départ. Certes aux États-Unis les assurances « corporate » installées dans l'après-guerre et les programmes misérabilistes « Medicare » et « Medicaid » sont frappés par la même loi de la pesanteur que notre Sécu, mais au total c'est la Sécu française qui se révèle la plus aberrante, la plus coûteuse, la plus nuisible parce qu'elle repose sur la dogmatique de son monopole.
En 1994, on a « failli » mettre en place une amorce de réforme positive en introduisant (4) l'autonomie des branches et la responsabilité des caisses. En fait, la fausse bonne idée du « rapport spécial annuel confié à la Cour des Comptes » amena la catastrophe du plan Juppé. Car, pour redresser la barre d'une dette cumulée, affirmée comme gigantesque à hauteur de 100 milliards de Francs – c'est-à-dire ce que le régime général perd chaque année désormais sur la seule branche maladie – l'État n'a rien trouvé de mieux que de renforcer l'étatisme. On a appelé cela « le plan Juppé » parce que le calamiteux premier ministre de l'époque (5) eut l'idée de s'emparer des idées les plus saugrenues, les plus collectivistes, les plus monopolistes, traînant dans les cartons poussiéreux de l'Inspection des Finances. Et l'on fit voter la droite la plus chiraquienne du monde en faveur d'une réforme de la Constitution de 1958 afin d'y introduire le concept intellectuellement frauduleux d'une « loi de financement de la sécurité sociale ».
Ah, il parait que cette loi annuelle est votée par le Parlement. La belle affaire ! Elle couvre une masse de dépenses et une prévision de recettes supérieures à leurs correspondantes figurant au budget de l'État dans le cadre de la loi de finances. En 1994, M. Barrot estimait dans un rapport officiel que le parlement pouvait (heureuse époque) discuter quelque chose comme 1 % de la loi de finances. Il serait intéressant de savoir comment a évolué ce pourcentage : sûrement pas à la hausse avec un président de l'assemblée de la qualité de Jean-Louis Debré. Mais ce 1 %, probablement devenu 0,5 %, est encore incontestablement supérieur aux degrés de liberté dont disposent les assemblées, en pratique, face aux « projets de loi de financement de la sécurité sociale ».
Et nous en sommes là parce que nous gobons leurs chiffres, leurs prévisions, leurs cadres : toujours faux.
Comment ne pas remarquer combien l'erreur vient d'en haut. N'accablons même plus le président de la république, inventeur de l'idée que la sécurité sociale serait, carrément, « fondatrice de l'identité française ». Cette folie fut proférée en septembre 1995 à la Sorbonne. Le pauvre homme crut même intelligent de se dire « garant » (sur quels biens ?) personnel de cette même Sécu. Lisons, pour une fois le journal de la « bourgeoisie intelligente », le fameux Monde qui imprime sur 4 colonnes à la une de son édition du 26 octobre : « Sécurité sociale : les assurés vont payer ».
Mais si le Monde croit utile de vendre à ses lecteurs un tel « scoop », qui cependant nous semble une lapalissade, c'est qu'il existe probablement une majorité de Français pour ignorer, encore, que de toutes manières ce sont les assurés qui payent.
Tant qu'elle n'aura pas compris cette première leçon, inutile d'essayer faire comprendre à cette population la suivante, qui pourrait s'intituler… « et on paye toujours plus cher un fournisseur monopoliste ». Inutile alors de rêver les leçons ultérieures.
Inutile de discuter chiffres avec des gens qui ne savent pas compter.
Inutile d'écrire pour des gens qui ne savent pas lire…
Leurs chiffres me font rire. Leurs écrits pourraient me faire pleurer. Ce qui me consolerait presque, c'est de considérer que très peu de Français prennent tout ces gens au sérieux.
JG Malliarakis
(1) Rappelons que cette excellente feuille hebdomadaire est dirigée par le professeur Jacques Garello et qu'elle est éditée par l'Aleps, 35 avenue Mac Mahon 75017 Paris.
http://www.libres.org/francais/actualite/prelevements_obligatoires_a1_4305.htm
(2) L'expression est de Staline à Yalta.
(3) L'État-Providence a tué l'Empire romain d'occident. Il a été largement inauguré, dans le monde industriel actuel, par les lois socialistes de Roosevelt de 1935, imitatrices inavouées des systèmes fascistes et corporatistes. Mais une sorte de ligne ininterrompue le rattache à des systèmes du XIXe siècle : bismarckien, scandinaves, sud-américains, etc. La même loi de la pesanteur a toujours fait tomber les pommes des arbres.
(4) Loi Veil de juillet 1994 « Sécurité sociale », la seule tentative de réforme à peu près sérieuse depuis les ordonnances de 1967.©L'Insolent
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