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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
VENDREDI 2 DÉCEMBRE 2005
DU DÉBAT BRITANNIQUE SUR LES RETRAITES …
... et de l'imposture étatique française.
On se préoccupe, en Grande-Bretagne, de la situation assez difficile dans laquelle se trouve en ce moment le système de retraites publiques. Et un rapport officiel remis le 30 novembre au gouvernement de Londres préconise un certain nombre de « réformes » qui consisteraient :
- à ne pas verser de pension avant un âge de 68 ou 69 ans (1)
- et à proposer un système cotisationnel sur salaires
- avec des taux de 4 % pour les salariés eux-mêmes, 3 % versés par les entreprises et 1 % par le gouvernement.On notera que de tels montants, éventuels, demeureraient encore, du moins au départ, très inférieurs aux prélèvements français.
Dans l'état actuel de l'Europe, il est bien évident qu'un tel débat regarde les Britanniques et personne d'autres.
Mais — sans prendre parti non plus dans le léger discord qui semble opposer M. Tony Blair au chancelier de l'Échiquier M. Gordon Brown — je suis tenté de penser que nos amis d'Outre-Manche auraient tort d'entrer de la sorte dans le système cotisationnel, qui étrangle les finances françaises, et auquel ils ont échappé depuis 60 ans.
De ce côté-ci de la Manche, on regarde en effet trop souvent avec un mélange d'ironie et d'envie, stupidement réciproques d'ailleurs, tout ce qui se fait en Angleterre.
Curieusement cependant : cette critique ne porte guère sur la véritable plaie purulente du système social britannique, héritée du travaillisme pur et dur en 1945 : nous voulons parler du National Health Service.
Il est vrai que nos hôpitaux et notre assurance-maladie, après avoir été longtemps plus souples, plus ouverts au secteur privé, plus performants, et même plus propres, sont en train d'évoluer vers la même situation d'étatisme en voie de putréfaction. On s'inquiète à juste titre des dysfonctionnements de la Justice, qui emprisonne (parfois) des innocents. On semble moins s'inquiéter des maladies nosocomiales, qui tuent, par milliers des gens pratiquement bien portants entrées en confiance dans nos hôpitaux.
S'agissant de « la retraite », on doit bien comprendre en revanche que les Anglais ont fait le choix de privilégier l'épargne privée, les retraites publiques n'intervenant que comme un secours, et qu'ils ont eu raison.
La situation des marchés financiers depuis 2001, où le krach consécutif au 11 septembre s'est largement aggravé du fait de « l'affaire Enron » et de la suspicion quant aux comptes des banques et des grosses sociétés ont, bien évidemment, chahuté toutes les épargnes et tous les patrimoines. On remarque par ailleurs que ce qui marche le moins bien ce sont les fonds « partenariaux », solution moyenne affectionnée par les pseudo-réformateurs français.
Mais contrairement, par exemple, aux dévaluations spoliatrices imposées par l'État français pendant 60 ans entre 1920 et 1980, les marchés financiers se redresseront et se sont déjà redressés en 2005 malgré le pétrole à 70 dollars.
De plus, l'épargne privée s'oriente par définition vers des choix plus ou moins pertinents. Libre aux particuliers d'acheter de l'or, des biens immobiliers ou des outils de travail, sans parler des œuvres d'art. Puisque les syndicalistes et les gens de gauche sont si intelligents voilà l'occasion rêvée pour M. Le Duigou de la CGT de créer un service syndical, une organisation de consommateurs qui conseillera ses adhérents. On verra le résultat.
La question qui se pose en effet n'est pas de savoir combien un pensionné anglais reçoit aujourd'hui de sa caisse publique mais de faire le rapport entre ce que lui, ou son employeur, a versé pendant des années, et ce qu'il encaisse.
En France, on a fait le calcul de cette rentabilité à l'époque du rapport Briet, demandé par le gouvernement Juppé en 1995.
Précisons qu'à l'époque la commission qui a travaillé sur le sujet était exclusivement composée de fonctionnaires et que ses perspectives étaient orientées vers l'optimisme et la sauvegarde de la répartition. À l'époque on estimait le « placement retraite » comme devant désormais rapporter 2 % pour les hommes et 2,5 % pour les femmes. Des calculs de ce genre ont été faits dans les pays scandinaves où les retraites existent depuis très longtemps. Ils donnent des résultats analogues, liés à la démographie.
Rappelons, par ailleurs, que la démographie ne peut plus être envisagée sous le même angle : les « jeunes » payeront-ils en effet la retraite des « vieux » ? Bonne question, merci de l'avoir posée.
Or, survient au même moment une évaluation de la dette publique de la France : 1 100 milliards d'euros s'agissant de l'État. Mais, dit très officiellement M. Thierry Breton, ministre français des Finances, à ces 1 100 milliards il faudrait ajouter, considère-t-on désormais, 900 milliards d'engagements en faveur des salariés des diverses fonctions publiques, dont quelque 450 milliards d'euros au titre de la « retraite des fonctionnaires » ou plutôt de ces droits à pension. Cela compose une dette totale évaluée ainsi à 2000 milliards d'euros, 120 % du PIB.
Toutes ces additions peuvent être légitimement tenues pour discutables ajoutent certains. Car on peut se demander si de tels droits, modifiables unilatéralement par ce que nous appelons des « lois » (3) sont à analyser comme autant de « dettes de l'État ».
Le débat lui-même fait apparaître, cependant, une intéressante omission. Car personne ne considère comme un engagement public, les retraites du système de sécurité sociale (4). M. Chirac s'en est pourtant dit en septembre 1995, le « garant personnel ». En 2007, on aura oublié tout cela, on sera débarrassé de sa personne, mais on ne sera pas renforcé dans la garantie.
Qui est alors le plus à plaindre : le salarié anglais qui touche une très petite retraite publique pour laquelle il n'a pratiquement pas cotisé ou son homologue français entièrement ratiboisé par un système qui ne lui offre aucune garantie d'avenir ?
Maudits Zainglais, ils s'en tireront, une fois de plus, mieux que nous. C'est pas juste.
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) L'Allemagne, dans un autre contexte, s'achemine vers 67 ans
(2) Le chiffre est supérieur à 10 000 morts par an dans l'Hexagone, plus que celui des victimes des accidents de la route. Que fait la gendarmerie ?
(3) Je veux dire une fois de plus, par cette tournure de phrase, et par ces guillemets, que je m'insurge ici contre la docilité avec laquelle, en France aujourd'hui, nous persistons à appeler de la sorte, sous la Ve république, des textes fabriqués par des bureaux technocratiques dès lors qu'ils ont été formellement entérinés par la représentation nationale.
(4) Lors de la publication de mon Livre Noir des Retraites on m'avait objecté qu'il s'agissait d'une dette implicite. Je ne sais toujours pas ce que vaut une telle créance ni sur quelles sûretés elle demeure garantie. Je constate au contraire la dérision et le danger du Fond de garanties des retraites.
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