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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

Vendredi 6 janvier 2006

AU-DELÀ D'UNE IMMORALE TONTONMANIA

Mitterrand et Thatcher en 1984

Un bon président est-il un président mort ?
(Ci-dessus : Mitterrand est en compagnie de Margaret Thatcher : la seule femme qu'il n'ait pas trompée).

10 ans après la mort de François Mitterrand, diverses opérations du culte mitterrandolâtre vont se dérouler : une exposition au siège du PS 10 rue de Solférino (1) sera organisée du 6 ou 15 janvier, une cérémonie officielle se déroulera le 8 janvier à l'occasion de ce que les orthodoxes pieux appellent la 10e année de sa « naissance au ciel », etc.

De nombreuses publications apparaissent qui parlent de cet anniversaire fangeux

Le quotidien Libération qui cherche, vaille que vaille, à survivre malgré sa médiocrité a lancé le signal de cette nouvelle adoration en faisant réaliser par l'organisme de sondage CSA, en décembre, auprès d'un échantillon de 952 personnes une enquête sur le thème « quel a été selon vous le meilleur président de la Cinquième république ».

La réponse ? « Voyons, mais c'est, bien sûr ! » François Mitterrand, plébiscité par 35 % du petit panel.

On dirait que peu nombreux sont les Français à avoir senti que Mitterrand n'a pas seulement déshonoré, et pillé, ce qui restait de l'État, affaiblissant la France sur la scène internationale, mais également ruiné le pays. Peu nombreux seraient ceux qui perçoivent alors combien, après 14 ans de Mitterrand, — les 10 années suivantes ayant été non pas réparatrices mais aggravantes, (encore presque 2 à tenir) — cela fait en tout un quart de siècle de décadence.

Une lecture un peu attentive de l'étude montre qu'en fait l'opinion française a, surtout, oublié les 3 premiers présidents, y compris Charles De Gaulle, cité seulement par les gens âgés de plus de 50 ans. Cela semble assez compréhensible, toute personne ayant moins de 15 ans en 1970 n'ayant qu'un souvenir très imprécis, et souvent outrageusement falsifié de ce que furent les 10 premières années de la Ve république.

La vraie leçon du sondage n'est pas dans cette forme d'évocation, de mobilisation de la « Mémoire collective » qu'on tient à tout prix à rendre équivalente à l'histoire proprement dite – la mémoire repose sur une perception approximative des faits, souvent floue et parfois fausse. L'histoire est une quête, éventuellement impossible, de l'exactitude. Dans tout cela, l'écartèlement, pour ne pas dire la crucifixion (2) de la vérité semble inéluctable.

L'opinion sondagière française, par définition, c'est quelque chose de très différent de « la vérité », c'est le sens aigu du cheval qui sait parfaitement, au premier contact, si son cavalier est expérimenté, assuré, etc.

Les mêmes Français donc, aujourd'hui « comparent » ce vieux cavalier Mitterrand au lieutenant sorti de Saumur qui lui a succédé. Le rapport est écrasant : 35 contre 12. C'est un rapport qui, en tout état de cause n'a rien à voir avec la répartition gauche/droite.

Et c'est à cela que l'on doit réfléchir. À l'époque de Pompidou (1969-1974) on regrettait De Gaulle, que pourtant les Français venaient de débarquer deux fois :
- en mai 1968 (avant de se reporter aux élections de juin sur une coalition électorale de droite qui s'empressa de voter des réformes de gauche)
- et en avril 1969 (sur la seule réforme audacieuse jamais proposée par référendum, celle de la régionalisation).

Après la disparition de Pompidou on regretta, sous Giscard, ce président pourtant peu apprécié. Puis après 1981, ne l'oublions pas, dès 1983 il devint clair que la grande majorité des Français rejetaient Mitterrand. Quand, en 1995, Chirac fut finalement élu, au finish, après 30 ans de buts marqués contre son camp, il fit de Juppé son Premier ministre : très vite, on regrettera Balladur, etc. Car la loi du regret marche aussi pour les premiers ministres : Messmer faisait regretter Chaban, Fabius/Mauroy (aux gens de gauche), Cresson/Rocard, Bérégovoy/Cresson, etc.

Depuis 1958, il existe donc une sorte de pente de la Ve république, aggravée depuis 1981, qui a fait que chaque président, comme chaque chef de gouvernement, crée une prime nostalgique en faveur de son prédécesseur.

Ceci explique sans doute la popularité de Mitterrand qui, pourtant, n'a jamais gagné que sur le rejet, en 1981, du gouvernement Barre et de la présidence Giscard, par la défection du RPR, puis, en 1988 du fait d'avoir en face de lui son propre Premier ministre, rendu impopulaire par 2 ans de cohabitation. En 1995, le même personnage n'a gagné que contre Balladur, chef de gouvernement sortant et, en 2002, — outre un challenger imprévu voué à l'insuccès au second tour, — son rival de premier tour Jospin était lui-même usé par une présence de 5 ans à l'hôtel Matignon.

On a donc observé une extraordinaire propension des Français à « zapper » systématiquement, constamment, contre le pouvoir élu lors des scrutins précédents.

Cette tendance n'est absolument pas anodine.

Elle a bien sûr entraîné, comme conséquence, une très grande réticence des dirigeants de l'État à entreprendre les réformes indispensables à l'économie.

Elle s'est traduite par de surprenants cafouillages dans les questions européennes où la France se trouve de plus en plus marginalisée.

Elle a également réduit l'influence internationale d'un pays de plus en plus déroutant pour ses partenaires, même les plus bienveillants. (3)

C'est donc sur les causes de ce rejet systématique que l'on doit d'abord s'interroger.

On doit d'abord considérer, sans trop d'exagération, que les Français ont pris leur classe politique en grippe et qu'ils renvoient dos à dos les partis de droite et de gauche : en gros les courants protestataires ont désormais autant d'électeurs effectifs, et probablement plus de sympathisants, que les partis de gouvernement alors même qu'ils n'ont « aucune chance » d'accéder au pouvoir. C'est dire que la crise de la représentativité est très grave.

Une réflexion demeure cependant tabou, et elle nous semble nécessaire : c'est celle qui porte sur les institutions mêmes de la Ve république, sur l'élection du président au suffrage universel, autour de laquelle tout s'articule, sur la « nomination aux emplois civils et militaires » par un chef d'État dont la signature détermine la carrière de 70 000 hauts fonctionnaires, sur le recrutement de la classe politique parmis les énarques, sur le contrôle étatique de l'information, etc.

Toutes ces données sont très peu évoquées, notamment parce que le pouvoir médiatique et culturel est lui-même verrouillé.

À la limite, il est devenu en France plus « politiquement correct » d'ironiser sur la démocratie, que de suggérer un retour à de véritables institutions parlementaires.

On a pris l'habitude, dans notre pays, des lois rédigées dans des bureaux, des décisions prises par des courtisans, des jugements rendus par des ronds-de-cuir, des articles de journaux paraphrasant ou recopiant servilement les dépêches d‘une agence monopoliste d'État et d'un nombrilisme hexagonal proprement stupéfiant.

Combien de temps durera ce régime ?

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Immeuble racheté par le parti socialiste à la Mutuelle Retraite des Instituteurs et Fonctionnaires de l'Éducation Nationale dirigée par Teulade, dont Mitterrand fit un ministre de la sécurité sociale.
(2) Nietzsche estimait que la question « scandaleuse » de Ponce-Pilate Quid est veritas ? était philosophiquement la phrase « la plus digne » de l'Évangile. Pour un chrétien ce point de vue est évidemment provocateur : mais il n'est pas entièrement irrecevable. Si Jésus dit lui-même de sa mission « je suis venu pour témoigner de la vérité » c'est peut-être aussi que ce concept avait besoin d'un « témoin » hors-norme… témoin qui, sur le moment, n'a pas reçu des autorités l'accueil qu'Il méritait.
(3) Ainsi Helmut Kohl disait-il en 1997 : j'ai vu M. Chirac ministre de Mitterrand, maintenant Jospin est le Premier ministre de Chirac, on en apprend tous les jours

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