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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JeUDI 9 FÉVRIER 2006
Échecs sur Échecs
Si le chef de la CGT est un nul, la droite aurait tort de s'en satisfaire à courte vue …
Au moment où ces lignes sont écrites, on vient d'apprendre la capitulation parlementaire en rase campagne de la gauche. Unis à l'UDF de M. Bayrou, les députés socialistes, verts, communistes et radicaux de gauche ont laissé le gouvernement faire voter en première lecture par l'Assemblée nationale l'adoption du CPE par 51 voix contre 23. Cette fausse manœuvre augure assez mal de la bataille que les ténors de l'opposition présentaient le 31 janvier pour devoir être acharnée, s'agissant de retarder et de clouer une réforme, sans doute positive à nos yeux, mais que les bons esprits dénoncent comme attentatoire au Code du Travail et au sacro-saint modèle social français.
Cette désertion parlementaire de gauche dans la nuit du 8 au 9 février constitue un aveu de l'échec enregistré par le grand mouvement de protestation orchestré par la CGT dans la journée du 7 février.
Certes, nous avons la possibilité de mesurer que ces mobilisations sont en déclin : ainsi les transports en commun ont-ils pris l'habitude d'être de moins en moins bloqués par les grèves politiques, ainsi les fonctionnaires ont-ils redécouvert un principe légal selon lequel les journées de grèves sont par nature des journées sans salaire, ainsi l'opinion a-t-elle appris à distinguer entre les statuts plus ou moins protégés. Celui du secteur public ne lui apparaît plus comme un modèle mais comme un privilège.
Mais d'autre part, si les deux journées du 2 et du 7 février ont été échec sur échec, rien ne permet non plus de garantir qu'il en sera toujours ainsi, tant que, psychologiquement, les bureaucraties syndicales sont présentées comme représentatives des "bons" et la droite comme le lieu géométrique du rassemblement des "méchants." La CGT est constamment soutenue par les syndicats gauchisants de l'université et de l'enseignement. Rien ne dit qu'elle n'obtiendra jamais de redressement de sa tendance au déclin : elle peut toujours se réveiller ponctuellement, elle peut retrouver des points d'ancrage, elle peut faire de nouvelles dupes, à commencer par les nouvelles générations.
Elle le pourrait d'autant plus que les nouvelles mesures, lorsqu'elles sont positives, les réformes libérales, les tentatives de desserrer l'emprise terrible de la réglementation qui enserre l'activité économique française comme dans une gaine, sont toujours présentées sous un angle négatif.
Les mesures de libéralisation sont présentées comme des concessions techniques que l'État tout-puissant veut bien octroyer, par réalisme et par bonté, aux grosses entreprises. Celles-ci demeurent, dans l'imagerie des moyens de communication dominants, notamment ceux du service public subventionnaire, comme dans les propos du chef de l'État, les méchantes exploiteuses et les ennemies du peuple.
La droite complexée sait qu'elle n'a pas d'autre voie possible que celle tracée en 1994 par M. Madelin lorsqu'il lança Idées Action. Mais elle les suit à retardement, après s'être soulagée du gêneur Madelin (qui s'est d'ailleurs fusillé lui-même). Elle continue à faire comme si les vrais prophètes de l'avenir français s'appelaient José Bové ou Laguillier.
La mobilisation des appareils syndicaux du 2 février avait déjà été un échec.
Assorti d’une grève des fonctionnaires, suivie à 18 % selon le ministère de la Fonction publique, l’ensemble des 60 défilés organisés par les 7 principales centrales syndicales n’a réuni sur toute la France métropolitaine que 64 000 piétons derrière des porte-voix, banderoles et drapeaux rouges dont 9 000 à Paris, pour toute l’Île de France. Si l’on rapporte tout cela à la masse des personnes et des familles concernées, assaisonnée des discours monopolistes, on doit bien reconnaître que le désaveu est retentissant.
Restait donc la « grande journée » de ce 7 février. On en appelait à la jeune génération, celle qui ne dispose pas des moyens d‘apprécier l’écart monstrueux entre les discours utopiques et les réalités grisâtres et tiédasses du socialisme et du syndicalisme. On peut donc toujours l'imaginer reprenant le flambeau. Restait ainsi la (jeune) « garde, l’espoir suprême et suprême pensée » : et ce fut comme la morne plaine de Waterloo.
Au moins, au soir du 2 février, M. Chérèque au nom de la CFDT avait eu le bon sens de reconnaître le marasme.
Thibault de la CGT croyait, lui, pouvoir menacer :
"Si [le ministre Christian] Jacob ne reprend pas les négociations, on continuera à mobiliser".
Après le 7 février le camarade Thibault se révélait toujours aussi incapable de comptabiliser son échec, qui est aussi un échec personnel.
Dans notre bulletin du 25 janvier, nous soulignions déjà cette tendance actuelle un peu fâcheuse à propos des fautes du juge Burgaud dans l’affaire d’Outreau. Les discours dominants et récurrents tendaient à évacuer d'avance une responsabilité personnelle, alors que les auditions du 8 février ont démontré combien elles étaient lamentablement évidentes. On veut toujours ne présenter les fautifs que comme les rouages toujours innocents d'un système toujours coupable. On tend à systématiquement exonérer de toute responsabilité personnelle les individus. Il est toujours de bon ton, pour les disculper, de mettre en cause tout le "système". S'il existe un "système" c'est bien ce mode de pensée.
Or, ce 7 février, où la CGT de Thibault avait cru pouvoir mettre dans son moteur les « tigres » étudiants de la vieille UNEF et lycéens de la FIDL, avec l'appui des enseignants de la FSU, on comptait finalement un nombre dérisoire de « concernés».
On avait dramatisé le projet. On avait dénoncé le spectre d’un CPE supposé accroître la précarité. On avait oublié systématiquement de dire, et même de comprendre, qu’un emploi fragile ou précaire est quand même préférable à un chômage solide et stable.
En additionnant tout, on arrivait tout juste pourtant à 218 000 piétons dans 187 défilés.
La faute aux "vacances", nous assure-t-on maintenant : comme si 2 millions d’étudiants et 2 millions de lycées étaient en train d'exorciser leurs souffrances, celles de futures victimes de l'exploitation capitaliste, sur les pistes de ski.
Les renseignements généraux, dont j’admire ici le travail de précision, affirment pouvoir évaluer à 103 000 le nombre des « étudiants » et « lycéens » dans les manifestants. C’est évidemment une éternelle question : « à quoi reconnaissez-vous les jeunes ? ».Ne détaillons pas inutilement : l’échec est indiscutable. Il est remarquable de voir l’omertà autour de Thibault, « espoir » du syndicalisme renouvelé depuis 1995, élu à l’unanimité, réélu sans hésitation ni murmure et dont tout le monde fait semblant de croire qu’il incarne la jeunesse sous prétexte qu’il cultive le cheveu demi-long et demi-gras.
Voila donc les nouvelles déclarations du faux-jeune chef de la CGT, au soir de la deuxième manif ratée :
"Nous voulons que le gouvernement revienne à plus de raison et ne cherche pas à imposer une mesure qui n'est pas soutenue par la population. Nous sommes contre le CPE, comme la majorité des Français. En quinze jours, on a vu une inversion de l'opinion publique, qui perçoit aujourd'hui majoritairement que le CPE va accroître la précarité, contrairement à ce que dit le Premier ministre qui persiste à parler de progrès social. Le CPE déroge aux normes internationales et au droit du travail tel que nous le concevons dans l'Europe entière. Tout l'enjeu est de mettre le gouvernement à la table des négociations plutôt que le voir s'enfermer dans sa logique. Si le Premier ministre accélère la cadence, nous accélérerons la mobilisation".
Cette incapacité à remettre en cause les « idoles » n’est pas seulement le signe du conformisme. C’est également la marque d’une incontestable décadence.
Je sais ce que pensent un certain nombre de lecteurs : si le chef de la CGT est nul, où est le mal ?
Le mal tient d’abord à ce qu’aucun parmi les petits chefs des petits syndicats associés à la démarche syndicale ne soit capable d’arracher le drapeau rouge de ces mains débiles et moites de pue-la-bière. Au soi-disant « syndicalisme révolutionnaire » (pardon cher Georges Sorel de vous laisser assimiler à ces usurpateurs), aux bureaucrates toujours staliniens d’une CGT dont les dirigeants sont aussi démocrates que le régime de Saddam Husseïn, la France n’a pas encore été en mesure de substituer un syndicalisme réformiste.
Bientôt 50 ans après le Congrès de Bad Godesberg du socialisme allemand en 1959, bientôt 10 ans après la victoire du New Labour en Grande-Bretagne en 1997, la gauche française en est encore aux avenues Maurice-Thorez et aux boulevards Benoît-Frachon, dont chacun devrait savoir qu'elles conduisent aux impasses Georges-Marchais et aux cimetières Joseph-Staline.
Que certains éléments de ce qui nous tient lieu de droite, de gouvernement ou du patronat y voient des avantages à courte vue, c’est leur affaire.
Reste quand même que si on capitule psychologiquement, idéologiquement, devant ces ringards, c’est que finalement les dirigeants de l’État français sont encore plus nuls que ces nuls.
Les radioteurs médiatiques monopolistes hexagonaux ne s’en rendent pas compte. La rumeur s’en propage en Europe. Ce n’est pas sur cette boue médiocres que l'on jettera les bases d'une société libre.
JG Malliarakis
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