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mercredi 31 mai 2006

BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

EN CE JOUR RITUEL DU FISCALISME

La feuille d'impôt devant l'Élysée...La feuille d'impôt devant l'Élysée...La feuille d'impôt devant l'Élysée...

Comment pourra-t-on tenir encore un an ?

Ah ! Cette grande journée annuelle des déclarations de revenus ! Comme elle est significative ! On doit remplir sous peine d’amende et poster docilement des papiers de plus en plus complexes. Chaque année on y mesure le degré grandissant de fichage des honnêtes gens. Et cela coïncidait cette année avec le premier anniversaire du gouvernement Villepin. Et en ce jour précis on pouvait mesurer en regard l'impuissance et l'imposture de cet État, prétentieux et arrogant, avec la reprise des émeutes en Seine-Saint-Denis.

Des millions de contribuables français avaient jusqu’à minuit, mais ils pourront faire durer le plaisir peut-être quelques jours de plus, jusqu'au 13 juin, s’ils adoptent la déclaration en ligne. Cela permettra donc de réfléchir encore mieux aux réalités de l’étatisme français.

Certes on faisait mine, en cette matinée fugace du 31 mai, de tirer argument des statistiques officielles du chômage : ce fléau, jamais résorbé depuis maintenant 30 ans dans notre pays, ne toucherait plus « que » 9,3 % de la population active et ce serait, nous dit-on, le meilleur résultat depuis 4 ans.

Est-ce à dire que jamais la popularité présidentielle n’a été aussi forte depuis la triomphale réélection de Chirac en mai 2002 ?

Poser une telle question c’est évidemment y répondre.

Ceux qui ont voté pour un candidat qualifié d’escroc, par ses propres partisans du second tour, en ont, depuis 2002, pour leur argent : c’est certain.

Mais aujourd'hui Super Menteur lui-même ne trompe plus personne. Chacun sait que les chiffres de l’emploi, non seulement sont au-dessous de la croissance mondiale – très au-dessous – mais, surtout, qu’ils résultent des départs en retraite et du traitement statistique, certainement pas des maigres flux d’embauches dans les activités productives (1).

Pour l’image de nos dirigeants actuels, rien ne vient plus corriger le sentiment mélangé de dérision, de déclin, de déchéance. Ne parlons même pas d’offenses, faites au reste d’honnêteté subsistant dans les esprits, telles que la grâce provocante accordée à M. Drut.

Le courtisan Villepin a cru pouvoir en faire une apologie : il a seulement démontré que sa cote personnelle pouvait encore baisser.

Écartons donc, pour l’instant, la question que l’on entend poser partout : comment pourra-t-on tenir encore un an avec ce président fantoche ?

Le miracle du calendrier républicain c’est précisément que toutes les forces politiques, de droite, de gauche comme du centre, concentrent leurs efforts et leurs grenouillages internes en vue du kriegspiel de 2007. Elles ne seraient sûrement pas prêtes si demain un malheur arrivait au chef de l’État.

La vraie question que vont commencer à se poser les Français semble d’un genre nouveau. Peut-être même est-ce inédit depuis la Fronde du XVIIe siècle.

1° On parvient de mieux en mieux à se passer de l’État
2° Or, cet État est très coûteux (voir nos feuilles d’impôt)
3° Il se manifeste surtout comme nuisance protectrice de l’invasion communautariste (voir les agitations du 93).
4° Enfin il n'est même plus capable de remplir vraiment ses fonctions élémentaires de maintien de l'ordre public, d'application de la loi, de respect des contrats et des propriétés sans même parler de la sûreté des personnes (un droit de l'Homme bien oublié) ou de la défense des frontières.

Cet étrange assemblage logique conduira demain les Français lucides à remettre en cause
- non plus simplement le fisc,
- non plus les politiciens en place en tant que personnes,
- mais tout simplement la dépense publique, prétexte et ciment de leurs interventions.

M. Borloo pourra donc présenter ses « plans », peaufiner ses astuces, ce sera dans l'indifférence générale.

Les représentants du « crétinisme municipal » [l’expression n’est pas de moi, elle est de Lénine] pourront venir avec tous leurs beaux discours, on ne les écoutera plus car on saura de mieux en mieux que leurs promesses sont alimentées par l'argent des contribuables.

Le sentiment populaire ne sera plus de demander à ce personnel surfait des solutions. Celles-ci sont toujours fausses, coûteuses et démagogiques.

La vraie revendication ne sera plus : « Faites quelque chose pour nous ». Car les Français apprendront en effet, de plus en plus,à penser en d’autres termes que ceux des interventions politiciennes. Et les Français demanderont aux hommes de l'État : « cessez de nous importuner » (peut-être même certains le diront-ils plus grossièrement).

Les Français penseront et ils diront de plus en plus : « laissez faire les gens ».

Cette remarquable découverte intellectuelle française a été expérimentée, depuis sa formulation au XVIIIe siècle (2) dans de nombreux pays – mais pratiquement jamais en France.

Bien entendu, docilement, nous allons tous encore remplir nos déclarations et envoyer vite, vite, nos chèques au Trésor public en lui écrivant « mon Trésor ».

Mais le spectacle associé de
- Villepin osant chercher à faire croire que « l’État peut beaucoup » (cf. sa ridicule intervention dans la gestion d'EADS où les 1 000 emplois de la Sogerma ont généré 300 millions d'euros de pertes soit 300 000 euros par salarié)
- quand nous contemplons par ailleurs l'impuissance de son gouvernement,
- son verbiage ministériel (où sont les « kärcher », M. Sarkozy ? Combien en avez-vous acheté ?)
- sa nuisance
– cette scène désordonnée mais parlante, prolongée sur un an, empoisonnée par les ridicules querelles du microcosme politicien
– tout cela formera les esprits à une approche plus claire des véritables enjeux de la lutte pour les libertés françaises.

Pour l’instant le discours de liberté n’est tenu par aucun politicien.

Certains déplorent cette carence.

Je crois au contraire que c’est paradoxalement une grande chance, peut-être même la planche de salut de la libération des Français. Car ainsi la cause des libertés n'est entachée d'aucune image politicienne ou partisane.

Nous devons le savoir : la liberté ne viendra d’aucun « homme providentiel », d’aucun représentant de la classe politique. Elle viendra de la société civile. Celle-ci est le lieu des gens qui, depuis longtemps, sont résolus à se débrouiller par eux-mêmes. La société civile mesure la dérision et la nuisance des hommes de l'État — Frédéric Bastiat les appelait : les « hommes de la spoliation », — et elle le sent tout particulièrement, en ce jour rituel du fiscalisme.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Il ne me semble pas inutile d'insister lourdement ici sur ce qu'il faut entendre par production. Une certaine culture "capitalo-marxiste", celle de l'économie quantitative, celle de la conception dite "classique" (Ricardo et Marx, ce dernier étant le disciple de ce qu'il appelle "l'économie anglaise") privilégie l'approche de la production de marchandise. Cette erreur a été corrigée par Frédéric Bastiat qui souligne combien l'économie est la production et l'échanges de services. Cette distinction théorique a les plus importantes conséquences pratiques de nos jours.

(2) On entend parfois attribuer à Turgot la célèbre formule « laissez faire laissez passer ». Or, si remarquable que fût en son temps l'intendant du Limousin promu ministre du roi, la formulation théorique est du plus solide des économistes français du XVIIIe siècle, Vincent de Gournay. On trouvera d'intéressantes précisions à ce sujet dans le livre de Jean-Christian Petitfils « Louis XVI » (Perrin).

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