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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 23  JUIN 2006

SUR LA FAILLITE DES ÉLITES ÉTATIQUES EN FRANCE

Les Dirigeants d'EADSVillepinForgeard

L'étatisme français tente de résoudre la crise d'EADS. Ne ferait-il pas mieux de s'interroger sur propre et intrinsèque nuisance ?

Il y a évidemment quelque chose de dérisoire et d'amer à lire, –  citons ici l'AFP du 22 juin, – que « le gouvernement français s'efforce de résoudre la crise qui secoue EADS, en réunissant les principaux actionnaires français et allemands et les dirigeants du groupe, ministres et parlementaires évoquant une réorganisation du groupe et de sa direction. »

Ainsi, apprend-on que : « le ministre de l'Économie Thierry Breton a reçu jeudi après-midi à Bercy le coprésident allemand du conseil d'administration d'EADS, Manfred Bischoff, qui représente l'actionnaire allemand Daimler-Chrysler, après avoir vu mercredi le coprésident exécutif Noël Forgeard et mardi l'homologue français de M. Bischoff, Arnaud Lagardère. »

Le premier commentaire pourrait faire référence au président Reagan, le second à Albert Einstein.

Reagan disait : « Ne croyez pas que l'État soit la solution : il est le problème ».

Et Einstein rappelait plus généralement que « vous ne résoudrez aucun problème avec ceux qui les ont provoqués ».

Mais attention : cette pensée n'est pas si nouvelle, et pas tellement exotique, en France.

Déjà Félix Faure, dont la « mémoire » a fait un satrape, s'était rendu compte durant sa présidence (1895-1899) des effets déjà ravageurs de l'intervention étatique, notamment du fait des conséquences durables du redoutable plan Freycinet. Celui-ci avait été lancé à partir de 1877-1879 et son aboutissement fut de subventionner la construction et le déficit de 10 000 km de grandes voies ferrés sur 10 ans et 20 000 km de voies locales sur 20 ans. (1)

Encore en 1940, le message fondateur du Maréchal Pétain, tendant à expliquer aux Français les causes de la défaite, texte en date du 25 juin 1940 et dont l'inspiration est généralement attribuée à Emmanuel Berl (2) contient cet aphorisme révélateur, au sortir du Front populaire dont la chambre réunie à Bordeaux allait lui conférer les pleins pouvoirs le 10 juillet suivant : « N'espérez pas trop de l'État. Il ne peut donner que ce qu'il reçoit. Comptez pour le présent sur vous-mêmes et pour l'avenir sur les enfants que vous avez élevés dans le sentiment du devoir. »

D'autres hommes d'État, moins chargés de controverses mémorielles, comme Antoine Pinay (président du conseil en 1952, ministre des Finances de juin 1958 à janvier 1960) ont incarné, généralement avec succès le rejet de l'étatisme.

Incidemment on apprend aussi que la Caisse des dépôts et consignations rechigne. Elle s'était engagée à acquérir 2,25 % d'EADS, sur la participation de Lagardère mise en vente début avril. Or nous fait-on savoir elle « pourrait saisir la justice » si cette opération n'avait pas été réalisée « dans de bonnes conditions de transparence ». Au cours actuel, en effet la Caisse devrait enregistrer une « moins-value virtuelle » de plus de 200 millions d'euros par rapport au prix d'achat (32,60 euros par action). De même la Caisse nationale des Caisses d'Épargne a également souscrit à cette opération au même prix. Sa moins-value serait mathématiquement de près de 48 millions. Tout ceci est évalué à la date du 22 juin.

Mais au fait, on pourrait, on devrait, se demander sur quelles bases légales ladite Caisse des dépôts, créée pour recevoir les fonds des notaires est habilitée à intervenir de la sorte, comme elle intervient, par ailleurs depuis des décennies, pour la beauté, la prospérité et la salubrité de nos banlieues dans le financement des offices publics de HLM. On lit souvent que la Caisse des dépôts est le bras financier de l'État : est-ce pertinent ? Est-ce légal ?

Cela étant, nous ne devons nous faire aucune illusion : les inspecteurs des Finances qui géreront ce dossier auront probablement autant de capacité à se remettre en cause, que n'en a fait preuve ces derniers temps le Premier ministre actuel, redoutable bon élève de l'élitisme étatique.

Mon libre journal du 2 juin sur Radio Courtoisie cherchait précisément à aborder, sur un angle peut-être maladroit de ma part, la question de la faillite de nos élites étatiques.

Je voudrais quand même y revenir, sachant aussi le caractère subjectif et personnel d'une interrogation portant, depuis fort longtemps, sur le déclin de notre malheureux pays.

Parlant ainsi à la première personne, je me permets simplement de constater combien, désormais, sont nombreux les Français à ouvrir les yeux sur cette réalité.

Rappelons qu'il y a 10 ans encore on crut habile d'interdire jusqu'à l'évocation d'un quelconque déclin national : c'était un tabou. Cela ne l'est plus.

Les cheminements par lesquels une génération a pu mesurer, avant les autres, les progrès de la décadence peuvent donc trouver un écho plus large, moins subjectif, moins marginal.

La faillite des dirigeants de la France était déjà sensible à une époque dont les nostalgiques osent parler des Trente « glorieuses. »

On pardonnera peut-être alors, à ceux qui sont demeurés insensibles à cette apparence de « gloire », de faire état de leurs réflexions et interrogations.

1° Pour un jeune Français, pendant les années 1960, pendant la guerre d’Algérie puis pendant cette période immédiatement suivante, conduisant aux événements de 1968, il pouvait être tentant de se tourner vers l’école d’Action française, parfois dans sa descendance directe, plus généralement en ses diverses ramifications.

Certes indiscutablement, pour nous, la grande rupture, la cause lointaine du déclin de la France, c’était la blessure de 1789.

Cependant, l'école maurrassienne dont je me reconnais globalement tributaire au plan politique, échoue à rendre compte de certaines réalités.

D'une part, on ne se dissimulera pas que l’Ancien Régime ne renaîtra pas. Le pouvoir capétien est tombé au terme d’un cycle millénaire. Sa chute n'a seulement à tenu à des causes accidentelles. C'est à tort par exemple qu'on invoque la personnalité de Louis XVI. À vrai dire, même, s'agissant de ce dernier roi tous les travaux honnêtes des dernières décennies le montrent, au contraire de la légende, et au rebours de la « mémoire », un grand roi ami des réformes, qui se révéla maladroit dans un contexte probalement ingérable. Et ce contexte était aussi le fait des élites de l'époque, les unes étant gagnées aux idées révolutionnaires, les autres demeurant fermées à toute Réforme.

D’autre part, la théorie maurrassienne des Quatre États confédérés n’est, de nos jours, ni recevable ni même audible.

Par ailleurs, la vision radicalement antieuropéenne des maurrassiens se révèle datée, enfermée dans la problématique de la Revanche, telle que les Français, — tous les Français, et d'abord les républicains, — se la représentaient entre 1871 et 1914. Dès la ratification du traité de Versailles en 1919, et probablement même dès les propositions de paix séparée de 1917, cette problématique avait perdu de sa pertinence.

Enfin, l’antiparlementarisme, dont l'école nationaliste a toujours développé le réflexe, a montré, et il montre de plus en plus dans la décadence institutionnelle actuelle — on pourrait même parler d'avilissement de la représentation nationale, — les ravages de ses ultimes conséquences logiques.

2° Également, la coupure de la Seconde guerre mondiale se révèle dramatiquement essentielle. IL convient à cet égard, de comprendre les conséquences pratiques, politiques et idéologiques de la prétendue « épuration ». Elle fut physiquement conduite par les bandes communistes en 1944-1945. Mais elle fut aussi avalisée, plus ou moins lâchement et hypocritement, par une partie de la classe dirigeante d'alors, la démocratie chrétienne s'y acharnant même avec beaucoup d'opiniâtreté imbécile.

On peut l’articuler en deux considérations :

D’une part, les deux grands procès de l’épuration, celui du Maréchal Pétain, et celui de Charles Maurras, fondamentalement iniques et revanchards, en donnant une apparence de légitimité à l'anéantissement physique de l'essentiel de la droite française et en tétanisant jusqu'à nos jours les sympathisants, continuent aujourd’hui encore d’entraîner leurs conséquences mesurables. Quand « la droite » et « l’armée » sont associées dans l’inconscient mémoriel à l’injustice et à la trahison, il ne faut pas s’étonner d’assister au règne sans partage des soixante-huitards, de la gauche caviar et des bureaucraties syndicales.

D’autre part, si injuste qu’ait été l’épuration, il est tout à fait clair que la « révolution nationale » s’était trompée d’ennemis (3). De ce point de vue, un apport essentiel nous est venu des thèses d’Emmanuel Beau de Loménie. Elle n’a pas su et pas pu faire le vrai procès de ce que Marc Bloch appelle « l’étrange défaite ».

Dans sa singulière étude des « Responsabilités des dynasties bourgeoises », entreprise en réponse à la situation de 1940, publiée dès 1943, Beau de Loménie réfute les thèses à la mode ; on relève avec lui combien la droite conservatrice a toujours aimé à développer la critique excessive du régime parlementaire et de certaines nuisances qui lui sont traditionnellement associées.

Beau de Loménie met en lumière, et disons-le : met en accusation, au contraire, un certain nombre de gros intérêts et de « grands habiles » dont il repère l’origine historique au moment de la confiscation des biens nationaux entre 1789 et 1795, puis de la consolidation de ces acquisitions frauduleuses sous Thermidor, le Directoire, le Consulat, l’Empire.

Les travaux les plus récents, notamment ceux du professeur Xavier Martin confirment aussi l’imbrication étroite de cette préoccupation des accaparements des biens nationaux dans l’élaboration du Code Civil de 1804.

Observons toutefois que ce péché originel des dynasties bourgeoises françaises, lui non plus, n’explique pas tout.

3° Or, quand on s'est effectivement impliqué, comme j'ai été amené à le faire, dans la lutte des travailleurs indépendants et autres petits entrepreneurs et agriculteurs dans les années 1980 et 1990, on a pu ouvrir les yeux sur une autre dimension : la nuisance franco-française du fiscalisme, des charges, de l'assistanat.

On parlait autrefois (dans les années 1960) des errements de la technocratie comme on avait évoqué auparavant (dans les années 1940) des méfaits de la synarchie.

Globalement les économistes auraient tendance à y voir le poids des monopoles et de l’étatisme.

Faut-il y voir la défaillance globale des élites françaises ?

Mes invités du 2 juin, tant Charles Gave, économiste de grand renom dans la finance mondiale, ainsi que Vincent Gorgues et Laurent Jacques, deux jeunes et brillants polytechniciens du corps des Mines, ne vont certainement pas dans ce sens. Encore que précisément leurs propos, leurs écrits, soient à certains égards plus radicaux que les miens, on ne saurait les accuser ni de dénigrement systématique ni d’aigreur extrémiste.

Sans doute, pour ma part, ai-je beaucoup de mal à accepter de la part de tels esprits brillants, le maintien d'un préjugé antimaurrassien (4).

Ce préjugé confond étrangement l'héritage de Charles Maurras et celui de Charles De Gaulle. Or, une telle rhétorique, comme celle consistant à enrichir, chaque jour un peu plus au-delà de celles pourtant fort sévères du procureur Mornet, les réquisitions du Procès du Maréchal Pétain, me semble enchaîné à une logique épuratrice et de guerre civile froide, logique dont la France devra consentir à sortir un jour ou l'autre, tout simplement parce qu'elle découle de la dialectique du communisme dont elle assure l'impunité.

En revanche, dans la lumière de Bastiat, leur regard me semble parfaitement lucide, parfaitement ironique et certainement pertinent quant aux méfaits de l’illusion étatique.

J'aurais en effet tendance à conclure en effet qu'un nécessaire patriotisme politique gagnera à être redressé, enfin, par un Bastiat économiste. Il serait de nature à nous permettre de voir plus clair dans les exigences du salut de la France, une fois qu'elle sera débarrassée des élites étatiques faisandées, décadentes et incapables de la république technocratique bananière du Chirakistan.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) À l'époque l'essentiel du réseau ferré était privé. Il n'en fut pas moins systématiquement subventionné. Beau de Loménie montre (cf. Responsabilités Tome V) que la nationalisation opérée en 1938 par le gouvernement Chautemps tendait à renforcer en fait le mécanisme fondamental de cette subvention, l'économie française du rail fonctionnant traditionnellement au profit des fournisseurs des compagnies de chemin de fer, notamment les fabricants de locomotives.

(2) Voir l'édition critique de ses « Discours aux Français » publiée chez Laffont en 1989 page 69.

(3) Soyons explicite : et le statut des juifs, et la persécution des adeptes des différentes obédiences maçonniques (les « sociétés secrètes ») nous paraissent à l'évidence les aspects les plus indéfendables de la politique conduite au nom du Maréchal Pétain par les gouvernements qui se sont succédés entre juin 1940 et août 1944. Certains s'emploieront, certes, à ergoter sur le fait que les juifs français ont probablement, au final été moins massacrés (par l'occupant faut-il le rappeler) que ceux des autres pays occupés. La tache demeure et elle ne saurait être effacée par la statistique. De même la publication mi-dérisoire, mi-odieuse, des listes sordides d'affiliés aux loges maçonniques était plus déshonorante pour les équipes ministérielles et administratives l'ayant conçue (dans le contexte d'alors) que pour le grand orient si largement démonétisé à l'époque (notamment par le nombre de ses affiliés impliqués dans la collaboration avec l'Allemagne, réalité dont il demeure, aujourd'hui encore, très curieusement le seul et discret dépositaire). Tout cela n'empêche pas que l'on puisse conclure que le procès du Maréchal Pétain en 1945 consacra une immense injustice, et que la condamnation du 14 août 1945 permet, aujourd'hui encore de flétrir, non moins injustement, la France dans son ensemble, sans jamais, et même de moins en moins, tenir compte de la globalité des circonstances. Un jugement récent pris en première instance à l'encontre de la SNCF semble tenir pour négligeable, plus de 60 ans après les faits, le fait par exemple que cette entreprise nationale fonctionna, de 1940 à 1944, sous le régime de la réquisition.

(4) Exprimé notamment par Charles Gave dans le chapitre VIII de son excellent livre « C'est une révolte, non, Sire c'est une révolution ! » (Éditions Bourin). Je précise que la logique générale du texte ne me paraît pas fausse, mais Charles Gave se trompe simplement de cible sur ce point précis. Quand, notamment il attribue, au cours de l'émission, les errements actuels du prétendu « patriotisme économique » à la Villepin, à l'héritage de « ce bon Pétain » (« bon » est ici ironique : Charles Gave porte un prénom beaucoup moins répandu dans la tranche d'âge à laquelle il appartient que celui de Philippe) il oublie que les ministres économiques et techniques de Vichy, — qui étaient loin d'être des imbéciles par ailleurs, et encore moins des traîtres, et fort éloignés, d'autre part, des équipes maurrassiennes, — étaient tous tributaires de la situation précise d'une économie de guerre, de pénurie et de réquisition, mais ils se situaient également dans la mouvance des idées généralement en vogue dans les années 1930, les idées du Front populaire qui se retrouveront dans les programmes économiques de la Résistance et de la Libération. On se souviendra par exemple que le mot d'ordre des « statistiques industrielles obligatoires » fut lancé en 1938 par Alfred Sauvy, et mis en application en 1941 par « Vichy ». Or, un examen historique honnête amène à découvrir que lorsqu'on substitua en 1946 l'actuel Insee au groupe des statistiques du Ministère de l'Industrie on opéra un très large recul conceptuel dont les conceptions actuelles en matière de « croissance » sont demeurées tributaires (On consultera à ce sujet La Revue d'Histoire de la Deuxième guerre mondiale, Livraison N° 116 octobre 1979, « Questions économiques des années 1940-1950 », pages 1 à 25).

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