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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
MARDI 3 OCTOBRE 2006
FABIUS ET "LA GAUCHE RASSEMBLÉE"
Le slogan apparemment creux lancé le 1er octobre par Fabius est riche d'une signification précise.
Certaines choses vont sans les dire, mais elles vont toujours mieux en les disant. L'auteur de ces lignes n'éprouve aucune espèce de préférence s'agissant du candidat du parti socialiste à l'élection présidentielle ; il ne sera appelé à voter pour lui en aucune circonstance prévisible actuellement, hormis l'hypothèse de probabilité non nulle, mais encore faible, d'un second tour opposant un, ou une, socialiste au candidat de l'extrême gauche en train de chercher sa propre unification, précisément parce que, pour la première fois depuis 40 ans, la nomination du candidat socialiste échapperait, enfin, à l'ombre mortifère du parti communiste.
Évoquer Fabius et son opération dans un tel contexte, ce n'est pas prendre parti dans une simple rivalité de personnes, où il se trouve confronté à Mme Royal ou à DSK. En lui-même ce dernier peut sembler, au sein de la bande, le plus cohérent avec lui-même. (1)
La carte politique jouée par Fabius n'est pas nouvelle : elle remonte à plus de deux ans et elle s'est particulièrement affirmée lors du referendum de 2005, dont il fut un des grands vainqueurs en tant que chef de file du "non de gauche". Mais il y a quelque dérision à se réclamer de la "gauche de gauche" chez ce grand bourgeois, qui n'a adhéré à un mouvement de gauche, en l'occurrence directement au Parti socialiste, qu'à l'âge de 28 ans, en 1974, et pour être élu député du Grand-Quevilly au scrutin législatif suivant, en 1978.
Ne sourions pas niaisement et inutilement. Le slogan lancé le 1er octobre par Fabius à Fleurance, en présence de MM. Malvy et Martin, présidents respectivement de la Région Midi-Pyrénées et du Département du Gers-Gascogne, est riche d'une signification précise. Après la "gauche plurielle" de Jospin, voici donc maintenant la "gauche rassemblée". Celle-ci n'aura peut-être jamais son programme commun, comme elle l'adopta, dans les années 1970, pour le trahir dans les années 1980. Mais elle a d'ores et déjà ses mots d'ordre communs, ses slogans "antilibéraux", ses références "altermondialistes", etc. ceux qu'on intronise officiellement chaque année à La Courneuve dans le cadre de Fête de l'Huma, et qu'on fait mijoter en cours d'année dans le cadre d'associations comme Attac ou comme Sauvons la Recherche (2) ou dans les ateliers marxisants du Grand Orient de France.
Curieusement, on retrouve en la personne du chantre actuel de la "gauche rassemblée" une donnée partagée, ou copiée, de son mentor François Mitterrand. L'un comme l'autre sont issus de formations n'ayant rien de marxistes. Mitterrand est devenu, après quelque 10 ans d'isolement du parti communiste, entre les événements tragiques de Hongrie réprimés dans le sang en 1956 par les blindés soviétiques et la campagne de 1965, l'homme du retour du parti stalinien dans la famille de gauche. Et son "fils préféré" Laurent Fabius, jeune et rassurant premier ministre inventé par le prince après le désastre du gouvernement Mauroy, est en train de préparer le retour des anciens cocos impunis et impavides, après 15 ans de purgatoire consécutifs à l'effondrement du bloc soviétique. Mitterrand avait réussi son opération personnelle, avec l'appui des réseaux chiraquiens en 1981. Fabius ne réussira peut-être pas personnellement le sien cette année, mais il aura fait sérieusement avancer les pions d'une stratégie qui, en définitive, doit tout au marxisme le plus pur, le marxisme apparemment le plus vieillot celui qui commence avec l'Idéologie allemande, remontant aux années 1840, et qu'un certain Jacques Attali, pour ne citer qu'un seul livre (3), a entrepris de réhabiliter officiellement.
Ah ! Certes, dans les sondages, 3 % seulement des sympathisants du PS souhaiteraient voir un Fabius à la présidence. Mais quelle importance ?
Les propos de l'homme sont devenus singulièrement gauchisants et marxisants. Il croit, ou feint de croire, qu'il serait, si son parti le désigne, le représentant, le candidat des "couches populaires". Dérision. Il se réclame d'une "république parlementaire nouvelle", lui qui n'a accédé à Matignon que par oukase présidentiel. Il défend les "services publics" et s'oppose bien entendu aux privatisations. Banalité, et en même temps, imposture. Il propose "l'augmentation du SMIC, des salaires et des retraites". Démagogie pure et boursouflée. Et tout cela vient en vrac, simultanément, par décret. Le ridicule ne l'effraie aucunement.
Mais c'est précisément là qu'il convient de tirer la sonnette d'alarme : qu'un politicien de 60 ans, de ce niveau, puisse tenir des propos dignes d'un agitateur CGT de base, étant né lui-même avec une cuiller dorée dans la bouche, voila notre sujet d'étonnement et d'inquiétude. Un politicien conservateur ou centriste qui ferait sur sa droite le 1/10e des concessions langagières, dialectiques et idéologiques que Fabius fait aux héritiers du stalinisme, serait hué et conspué par toute la classe politique et par tous les grands moyens de communication.
Voila ce que je me borne à constater ici et aujourd'hui.
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) En réalité le plus raisonnable de tous est encore Jack Lang puisqu'il renonce. La chose était prévisible, elle est devenue officielle ce 2 octobre.
(2) dont les 400 militants et sympathisants s'étaient réunis précisément les 30 septembre et 1er octobre à Fleurance.
(3) l'ancien collaborateur direct de Mitterrand a osé publier en 2005 un "Marx, l’esprit du monde".
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