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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JEUDI 5 OCTOBRE 2006
ABAISSEMENT DE LA FONCTION PRÉSIDENTIELLE
Chirac, surtout, a abaissé la France.
Parmi les innombrables priorités énoncées depuis 11 ans, M. Chirac a beaucoup insisté sur l'essentielle réforme du statut pénal du chef de l'État. Très franchement, à vrai dire, jusqu'à ce cinquième président de notre cinquième république cette question n'avait semblé fondamentale, ni aux yeux des citoyens, ni au regard des historiens.
Dans l'Histoire mouvementée de la nation française, deux chefs d'État et deux seulement, ont fait l'objet d'un procès : le roi Louis XVI et le maréchal Pétain. Ces deux procès ont été révolutionnaires dans leurs principes et ils ont abouti à des condamnations non seulement iniques et révisables devant l'Histoire, mais également contraires à la réalité des débats (1), et surtout contraires aux lois antérieures.
On peut donc certes souhaiter, si un 3e procès de ce genre avait lieu, y compris pour de sordides affaires de petites cuillers et de gros sous, qu'il se fonde sur une base légale, qu'il donne à l'accusé les moyens de se défendre et qu'il soit présidé par des juges impartiaux, indépendants et compétents. De tels vœux pieux étant par définition contraires à la notion même d'un procès intenté à un chef d'État, on ne les formulera que par principe.
Mais au fait pourquoi donc M. Chirac tient-il tellement à prévoir et à recadrer ce statut pénal ? Pourquoi éprouve-t-il le besoin de prévoir ainsi l'imprévisible, de savoir ce que serait le procès d'un ex président deux mois après la fin de son mandat ? Est-ce à dire qu'il pourrait se sentir particulièrement visé ? Plus encore que Mitterrand lui-même ? Ce serait à ne pas croire ! Et deux mois sont-ils suffisants pour vendre une vilaine et prétentieuse demeure corrézienne encombrée de statuettes, amulettes et gris-gris qualifiés d'arts premiers, avant de se réfugier à l'étranger, si possible en l'absence de convention d'extradition ?
Qu'on se rassure : la réforme en cours des articles 67 et 68 de la Constitution de 1958, quoique priorité chiraquienne affirmée, se hâte lentement. Et pour tout dire on se demande si elle pourra se mettre en place avant les échéances électorales de 2007, et les déchéances présidentielles constatables. Certes son principe a été adopté en 2003 par le Conseil des Ministres, mais le calendrier parlementaire aura du mal à lui faire une place. Le président du groupe UMP majoritaire à l'Assemblée nationale M. Bernard Accoyer, impeccable majordome toujours incomparablement bien mis de sa personne, bien coiffé et propre sur lui en est encore à constater que "l'ordre du jour apparaît très chargé, mais nous ferons le maximum". Ouf : le futur statut pénal s'appliquera au futur président.
Le vrai procès que mérite M. Chirac ne relève pas des tribunaux.
Il est de l'ordre du mépris.
Les historiens retiendront de lui l'image, — enfin : la toute petite vignette, – d'un homme qui a certes abaissé la fonction présidentielle, plus que Mitterrand, plus que Giscard. Mais surtout, Chirac a abaissé la France au rang d'une république bananière, crachant sur sa propre identité.
Chirac tombera dans l'oubli, comme le plus obscur des Mérovingiens, en espérant qu'un nouveau Charles Martel vienne délivrer la France du chaos intérieur, de la menace extérieure et de la dynastie décadente.
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) Et c'est en cela que le texte officiel du Procès du Maréchal Pétain est d'une lecture passionnante : il fait revivre des faits, met en scène 71 témoignages de grands acteurs du drame, et permet de démontrer la contradiction même du jugement avec les faits.
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