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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 10  NOVEMBRE 2006

ENCORE LA DÉMOCRATIE, ENCORE LA DICTATURE, TOUJOURS LA GUERRE

Aristote

Un ami m'écrit "je te sais plus réservé que moi sur la démocratie"...

[cidessus : buste récemmentdécouvert d'Aristote au pied de l'Acropole. Il répondait, après avoir étudié quelque 173 constitutions à ceux qui lui demandaient laquelle était la meilleure : "dis-moi d'abord pour quel peuple et pour quelle époque"].

J'ai reçu deux correspondances intéressantes relatives à mon article la Démocratie peut-elle gagner la guerre ? Le point d'interrogation n'appelle pas nécessairement une réponse négative. Et je n'ai jamais écrit en l'occurrence que les démocraties ne pouvaient pas vaincre le communisme ou l'islamo-terrorisme.

Voici les deux lettres.

La première est brève. Elle me semble influencée par un raisonnement que Milton Friedmann appelle "le modèle naïf" : "ce qui s'est passé récemment se reproduira constamment."

La voici.

> Jusqu'à preuve du contraire, ce sont toujours les démocraties qui gagnent
> les guerres et les dictatures qui les perdent. Non? En ce sens votre
> question me semble insolite.

Ma réponse :
Cher Monsieur

Ce que vous dites n'est hélas pas toujours vrai.
Ma question est insolite, certes.
L'attentat du World Trade center était plus "qu'insolite".
La démocratie en Chine, depuis la victoire de Mao Tsé-toung en 1949, à Cuba, en Corée du nord, au Vietnam, mais aussi en Arabie Saoudite, dans tous les pays arabes, dans plus de 50 pays musulmans sur 57 membres de l'Organisation de la Conférence islamique, et généralement dans les 3/4 des pays du tiers-monde se fait toujours attendre.
En 1945 en Europe occidentale c'est la démocratie qui l'a emporté sur une abominable dictature.
Entre 1944 et 1948 Europe orientale c'est une abominable dictature qui l'a emporté sur les démocrates tchèques, polonais, hongrois, serbes, etc.
En 1918 les démocraties l'ont emporté sur les Empires centraux. Mais l'Europe qui en est résulté n'était démocratique qu'au nord-ouest. La victoire de Lénine et de Trotski dans la guerre civile russe n'a pas été celle de la démocratie.
En 1949 c'est bien une démocratie qui a gagné la guerre civile grecque et c'est le communisme qui a perdu.
En 1957 c'est bien une démocratie, aussi, qui a gagné la bataille d'Alger sur l'islamo-terrorisme.
Mais j'ai l'impression que dans les esprits, et dans le registre de l'émotionnel, ces deux victoires n'ont jamais été pardonnées à leurs vainqueurs, par les gens qui écrivent l'Histoire.

Meilleurs sentiments
PS Avez-vous lu Monnerot ? Avez-vous lu les tomes III et IV de Beau de Loménie ?

La seconde, quoique très étayée, très solide intellectuellement, me rappelle au contraire les Médecins de Molière, "Hippocrate dit…" En l'occurrence Hippocrate s'appelle Tocqueville.

Cher Jean-Gilles,
 
(en réponse à ton article ) "la démocratie peut-elle gagner la guerre ?"
 
Il y a dans "la démocratie en Amérique" un chapitre entier (dans mon souvenir) qui s'appelle "pourquoi les démocraties commencent-elles toujours par perdre les guerres et finissent-elles toujours par les gagner" ou quelque chose comme cela.
C'est bien ce qui s'est produit jusqu'à présent. Même si les victoires sont beaucoup trop tardives et si les souffrances intermédiaires sont beaucoup trop fortes, les démocraties libérales  ont toujours fini par l'emporter.
 
Les raisons avancées par Tocqueville (que je cite de mémoire) restent d'actualité.
 
A/ En négatif (retard à utiliser les forces : "pourquoi elles commencent toujours par perdre")

  1. Fondée sur la coopération entre les personnes sans autorité centrale, elles ne s'engagent que trop tard dans la lutte, seulement lorsque le soutien populaire a été obtenu, ce qui suppose d'avoir avalé beaucoup de couleuvres (Pearl Harbor et la déclaration de guerre de Hitler en 1941, ou le 9/11). La France qui a une idée "sacrificielle" (voir R. Girard et mon Post-scriptum) de l'autorité a besoin d'une "autorité centrale forte" pour cette fonction de déclaration de guerre. Un héritage de l'absolutisme.

  2. Bien pire, quand elle n'a pas cette autorité régulatrice, elle reste passive jusque trop tard (cf. remilitarisation de la rive gauche du Rhin), ou au contraire "va-t-en guerre" jusqu'à l'extrême, en phase avec l'autorité centrale belliciste (les radicaux socialistes francs maçons d'avant 14).

  3. Elle n'est pas surarmée et est toujours prise au dépourvu par des "gens qui ont préparé leur coup" (Israël en 1967).

  4. Elle comprend en son sein, une cinquième colonne (anti-mac carthyste par exemple),  prête à tendre une main pacifique avec ses pires ennemis, tant qu'ils ne se sont pas déclarés assez nettement (l'église de France et le communisme).

B/ En positif (lorsque la prise de conscience est faite, "pourquoi elles finissent toujours par les gagner")

  1. Le peuple a conscience, en se mobilisant, de collaborer à sa propre libération. Il est actif et inventif.

  2. Les démocraties trouvent des solutions techniques que les dictatures n'ont pas (Lyssenko, etc.)

  3. Ayant favorisé l'accumulation de richesse, elles disposent de moyens pour agir (conversion des usines Ford en usines à chars et don à Staline de ses moyens de défense, qui lui auraient manqué pour arrêter Hitler autrement).

  4. Enfin, soit séduction de la force et de la victoire (colonialisme européen) soit admiration du modèle social de coopération qui peut la donner (ère du Meiji ou ère post-coloniale), elles finissent par impressionner leurs propres adversaires.

J'ai tendance à penser que c'est parce que la démocratie libérale est fondée sur la coopération et non le rapport de force, comme le christianisme, qu'elle s'impose au monde. Un autre point commun avec le christianisme, c'est l'espérance irréductible de la victoire finale qui est nécessaire pour "tenir" entre-temps, le temps du martyre.
Amicalement.
Alain V.

Et cet amical correspondant ajoute en Post-scriptum :

Je te sais plus réservé que moi envers la démocratie, mais si je l'étais comme toi au départ, c'est bien la lecture de Tocqueville qui m'a amené à me résigner, [jusqu'à un certain point seulement !], au "pire des régimes à l'exception de tous les autres". Ce qui m'avait attiré dans le royalisme, c'était le caractère sacrificiel du pouvoir du roi et des élites. C'est René Girard qui m'a montré que ce que je croyais être une espèce d'avatar du martyre en politique, le caractère sacrificiel, n'était justement chez moi, qu'un reste de paganisme.
Évidemment, la démocratie n'est pas universelle comme l'expérimentent, trop lentement à mon goût, les Américains confrontés à l'Islam depuis maintenant 100 ans. L'implantation de la démocratie suppose d'avoir acquis ce que Philippe Nemo appelle "le logos".
L'absence de logos exclut de la possibilité d'un gouvernement démocratique "réel", non seulement l'Islam mais toutes les sociétés tribales qui devront se contenter, faute d'avoir recours à l'excellent statut colonial dont elles n'ont pas assez profité, d'un régime mixte, adapté à faire pénétrer, tout doucement, par essai et erreur, ce logos en leur sein. Je me demande même parfois si la Russie n'est pas aussi dans ce cas.
Quant à la méthode, je pense que, comme cela s'est fait en Europe sur des siècles, c'est l'efficacité du libéralisme économique qui, dans des pays (ou des banlieues) à barrière métaphysique au christianisme, l'imposera au long des siècles à venir. Évidemment, cela suppose que l'Occident renonce absolument et radicalement à "l'État de l'assistance" (Jean-Paul II dans Centesimus annus).
Ce qu'il y a de plus opposé au développement des peuples, c'est la conception "secours catholique" du monde, et son cortège de corruption des "grands frères" des banlieues (ou des "élites africaines", le problème est le même) par les dirigeants sociaux-démocrates des pays occidentaux qui s'acharnent, pour leur plus grand profit, à maintenir les pauvres de notre terre dans le chômage de masse et la famine, via l'assistance financière essentiellement captée par les "grands frères".
Autrefois, l'Église préférait l'homme debout à l'homme assisté. C'était aussi la même chose en Chine comme le montre le fameux proverbe "si tu veux aider un pauvre, ne lui donne pas le poisson, mais apprends-lui à le pêcher".
C'est cette préférence pour l'homme debout qui lui donne (à la Chine) une chance de développement dont nous nous acharnons à priver, par la social-démocratie, toutes nos anciennes colonies, que ce soit sur place ou lorsqu'elles ont débarqué.
D'ailleurs comme le dit, avec un peu d'exagération ; La Rochefoucauld "lorsque nous donnons à un pauvre, c'est pour soulager notre conscience". Je te joins un texte "terrible" contre la mendicité, qui ouvre "Citadelle" de Saint-Exupéry. En voilà un qui, même assez fasciste par son culte de la force et du silence devant la souffrance, avait bien compris les ravages futurs de la "social-démocratie".

En de nombreux points ce correspondant et ami a raison et je partage globalement son point de vue.

Mais l'assertion "elles finissent toujours par les gagner" ne me convainc pas entièrement. Au Vietnam et en Algérie, la France a perdu la première guerre et si elle a militairement gagné en Algérie (1), elle a politiquement renoncé à sa victoire. Encore au Vietnam, l'Amérique en 1974 a perdu. Je ne suis "pas tout à fait sûr encore" de la victoire américaine en Irak, bien que la coalition anglo-américaine soit démocratique et que Al Qaïda ne le soit guère. Mais je dois lire un peu trop Le Monde et le New York Times.

En fait, cher Alain, je ne suis pas "réservé sur la démocratie" : j'aspire à la victoire des libertés, par tous les moyens, même s'ils sont démocratiques.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) La référence la plus solide sur ce point est le livre, définitif, de Nicolas Kayanakis "Algérie 1960, la victoire trahie" Éditions Atlantis

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