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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 16 NOVEMBRE 2006

À LA GRÂCE DES TECHNOCRATES

chirac et borloole parlementde strasbourg

Jusqu'au jour où l'on chantera "tous les technocrates à la lanterne".

En deux jours, ces 14 et 15 novembre, deux nouvelles sont tombées, révélatrices des conditions dans lesquelles se dessine l'avenir de nos métiers.

Tout d'abord M. Chirac, flanqué de MM. Borloo et Robien lors d'une rencontre avec des chefs d'entreprise de la zone franche d'Amiens, s'est lancé dans une nouvelle promesse. À ce sujet, le mot priorité n'a pas été prononcé : voilà donc une variante inattendue.

Mais il va, nous assure-t-on "donner un coup de pouce aux micro-entreprises". La réforme miracle visera à calculer les cotisations des premières années au prorata du chiffre d'affaires réalisé. "Désormais, clame le chef de l'État, chacun aura l'assurance que pour chaque euro gagné et déclaré, il n'y aura pas plus de 14 centimes d'euro de cotisation sociale pour les commerces et pas plus de 24 centimes pour les services". Le président de la république se flatte donc d'avoir "demandé au gouvernement d'agir sans délai pour ces très petites activités qui naissent et sont destinées à se développer".

Dramatiquement, personne n'en comprendra l'enjeu au sein d'une opinion si largement conditionnée par le paradigme d'activités obligatoirement salariées, de préférence dans les grandes entreprises, et idéalement dans la fonction publique.

Rappelons au besoin aux profanes la perversité des aides factices du système social. Elles piègent tous les créateurs d'entreprises. La générosité porte sur les années 1, 2 et 3 de leur activité. Disparaissant aux années 4 et 5, les exonérations et franchises se révèlent alors, mais trop tard, la cause essentielle de la mortalité des entreprises à faible valeur ajoutée. Or ce sont précisément celles-ci qui doivent être considérées comme génératrices d'activités en concurrence avec le chômage indemnisé. Ajoutons enfin que tous les raisonnements technocratiques et toutes les mesures complexes privilégiant telle ou telle forme ou taille d'entreprises produira des effets pervers analogues.

Quelques connaisseurs, quand même, savoureront ici la démarche fiscaliste. Et ils en mesureront la menace à la déclaration suivante : "Il y aura maintenant une déclaration fiscale et sociale unique", dixit Chirac, qualifiant cette mesure de "bouclier social".

Le lendemain 15 novembre, le parlement européen réuni à Strasbourg, "a mis fin à un débat de trois ans sur une directive qui a suscité beaucoup de passions dans l'Union européenne", selon la litote de son président Josep Borrell : il a adopté définitivement la directive sur les service", connue jusqu'ici sous le nom de Frits Bolkestein, et à peine retouchée.

Ainsi donc la logique européenne, telle un rouleau compresseur, va prendre un peu plus en tenailles tous les petits entrepreneurs tributaires des charges franco-françaises imposées par notre étatisme malfaisant et stérile, d'une part, et confrontés, d'autre part, à la concurrence de confrères européens généralement beaucoup plus libres.

Sans doute serai-je incompris une fois de plus de certains lecteurs (1) en disant que l'échange européen des services est bien évidemment nécessaire, souhaitable et incontournable.

Ce secteur de l'économie, considéré comme marginal par les technocrates (2) représente aujourd'hui 70 % de l'activité européenne, 96 % des emplois créés, 40 % des exportations françaises mais seulement 20 % des échanges intracommunautaires. On remarquera d'ailleurs que la France est globalement, et structurellement, gagnante pour les services à haute valeur ajoutée. Elle a donc vocation et le plus haut intérêt à encourager les échanges.
Le libre choix de la protection sociale, qui aurait dû découler des directives de 1992, reviendra donc à l'ordre du jour.

Sinon le désespoir des travailleurs indépendants et de petits entrepreneurs spoliés par le système, se transformera mathématiquement à nouveau en révolte comme en 1955 avec Poujade, en 1968 avec Nicoud, en 1985 avec Poucet.Pour des raisons dont l'historique serait intéressant à dresser (3) toutes ces jacqueries spontanées ont été brisées jusqu'ici.

La dernière sera celle où l'on chantera dans les rues "tous les technocrates à la lanterne".

J'espère seulement qu'on ne mettra pas au bout d'une pique, comme l'a fait hélas la révolution de 1789 la tête innocente des plus inoffensifs et des plus inconscients.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Que je renvoie gentiment à Frédéric Bastiat.
(2) Qui, généralement sans le savoir, demeurent tributaires des évaluations périmées de Colin Clark remontant aux années 1930-1940.
(3) Et la lecture Beau de Loménie est à cet égard d'un grand secours.

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