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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
MARDI 21 NOVEMBRE 2006
CRISE DES VALEURS DE GAUCHE
Le plus grand nombre des Français n'a aucune confiance dans le système politique actuel.
Le rapport de Marie-"Joe" Buffet au conseil national du parti communiste de ce 20 novembre suinte l'ennui. On croirait lire le discours d'un technocrate ânonnant péniblement son texte mécanique et artificiel. Et pourtant on y retrouve encore une ombre de fausse gouaille prolétarienne démodée. À lui seul ce décalage entre l'accent des faubourgs d'autrefois et la triste réalité des phrases syncopées de notre époque renvoit à la situation de la gauche.
Il faut donc analyser son message.
Les dirigeants du parti communiste, Marie-"Joe" en tête, – elle-même porté et plébiscitée par son propre parti – ont en vue l'échéance des 9 et 10 décembre. À Saint-Ouen, ce jour-là, une réunion des délégués des Collectifs antilibéraux a vocation à "construire une candidature à l'élection présidentielle".
Ne cherchons pas à pronostiquer les capacités d'union ni le porte-drapeau collectif que trouveraient alors Besancenot, Bové, Attac, une certaine frange des Verts unis à l'appareil stalino-cégétiste.
Ce qui est important, c'est de mesurer le discours commun, au-delà des nuances. (1)
Le discours de la camarade Marie-"Joe" le 20 novembre visait dans ce cadre une adversaire et une seule : Mme Ségolène Royal. Avec les chiraquiens, et même avec les amis de M. Sarkozy les passerelles discrètes et les compromis de son parti ont toujours existé. Mais aujourd'hui en revanche la grande préoccupation du PCF est de critiquer, de décortiquer, de stigmatiser le discours d'une candidate autrefois alliée, investie par 61 % des adhérents du parti socialiste.
Vue de droite, il est vrai, Mme Royal dit n'importe quoi. Dans le tas, on trouvera donc, au déballage, une marchandise presque acceptable, qu'on pourra tirer, et même recycler, avec des pincettes. Mme Royal peut d'ailleurs se révéler dangereuse. En 1956 son ancêtre politique M. Guy Mollet envoyait le contingent dans la guerre d'Algérie. Un demi-siècle plus tard, Mme Royal envisage d'envoyer l'armée dans les banlieues. Il n'y a plus d'appelés dans l'Armée française, mais le résultat pourrait être analogue.
Vu du parti communiste, elle trahit tout simplement les valeurs de la gauche. Une phrase de la candidate socialiste est inacceptable : "n'ayons pas peur des idées nouvelles". Qu'est-ce à dire Camarade ? Voila un propos qui, en Union Soviétique eût conduit son auteur directement au goulag. Compte tenu du caractère actuellement édenté de la mâchoire des cocos, la voici seulement condamnée à une mise au pilori de son programme lors des Assises pour l'emploi du 12 décembre.
Ah certes les actuelles "propositions" du PCF ne sauraient être qualifiées d'idées nouvelles.
Être de gauche, martèle Mme Buffet, c’est se prononcer pour une forte et immédiate augmentation des salaires - à commencer par le SMIC à 1 500 euros – l’augmentation des retraites et des minima sociaux ; une sécurité d’emploi et de formation ; une sécurité sociale universelle ; un véritable droit au logement ; le développement et la démocratisation du secteur et des services publics ; une VIe République citoyenne et participative ; une réforme fiscale et financière permettant d’aller chercher l’argent là où il est afin de le mettre au service des besoins sociaux et de la construction de l’avenir ; une lutte résolue pour l’égalité effective des femmes et des hommes, contre les inégalités et les discriminations qui gangrènent notre société ; une Europe agissant pour un monde de co-développement durable, de coopération et de paix. (2)
C'est certes là un discours en forme de tract d'avant-hier, ce ne sont pas des thèses nouvelles, mais c'est bien un programme de gauche. Et la gauche du "non", la gauche "antilibérale", la gauche "anticapitaliste" que veut rassembler Mme Buffet contre Mme Royal c'est la gauche tout court.
Il est vrai que la plupart des gens classés arbitrairement à droite aujourd'hui se moquent des programmes.
Il est vrai aussi que le plus grand nombre des Français n'a aucune confiance dans le système politique actuel. (3)
C'est plutôt une bonne nouvelle puisque ce système est issu d'idées qui, toutes, prennent racine dans les fausses valeurs de la gauche.
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) Car ces nuances existent : ainsi la lutte doit être dirigée "contre le capitalisme" (selon les termes de la LCR d'Olivier Besancenot) et "contre libéralisme" (ce qui n'est pas tout à fait pareil dans la dialectique du PCF et de Mme Buffet).
(2) Cf. Rapport de MJ Buffet au Conseil national du PCF le 20 novembre 2006.
(3) Même l'officieux Cevipof de l'ennuyeux Perrineau en convient : "La défiance des Français vis-à-vis du système politique reste extrêmement élevée" (cf. Le Monde en ligne le 20 novembre à 14 h 50)
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