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Visiblement l'adversaire militaire envisagé par nos dirigeants politiques relève plus de l'excès de vitesse que de l'islamo-terrorisme.
La chose se produit assez rarement. Elle mérite donc une mention spéciale. Parmi les propos innombrables et incohérents de M. Chirac, ses clichés ennuyeux, ses peaux de bananes et ses assertions mirifiques, surviennent à l'occasion des considérations recevables. On distingue parfois même des propositions concrètement sauvables, au moins miroitent-elles agréablement à nos imaginations. N'en boudons pas le fugace plaisir.
Ainsi le 8 janvier, le chef de l'État présentait-il ses vœux aux forces armées. Il déclarait gravement :
"Dans un monde dangereux, la France ne saurait baisser sa garde ou s'en remettre à d'autres pour assurer sa défense. C'est un enjeu politique majeur. Il devra être au cœur du débat des mois qui viennent" (1)
Certes l'ancien ambassadeur de Corrèze se flattait, une fois de plus, d'avoir professionnalisé les armées françaises. Il aurait, à l'entendre, maintenu un outil de défense crédible. Et comme il a fait voter par les chambres une loi de programmation militaire, le président sortant souhaite que la prochaine loi "confirme cette orientation."
"C'est, affirme-t-il, un travail de longue haleine fruit d'une réflexion permanente et régulièrement ajustée, qui passe par un effort budgétaire constant".
Ne perdons pas de vue le contexte de politique intérieure de tels propos. Comme tous les autres discours présidentiels des dernières semaines, celui-ci vise indirectement le candidat officiel de l'UMP en vue de l'élection d'avril. Le but du jeu chiraquien consiste à le faire perdre. Car, on le sait, Chirac s'ingénie toujours à marquer contre son camp. Reconnaissons qu'il y excelle. Mais comme disait Kipling "ceci est une autre histoire".
À plusieurs reprises, par ailleurs, le même personnage s'est prononcé en faveur d'une Défense européenne ; hélas, celle-ci demeure encore dans les limbes. Mais nous pourrions, là aussi, nous trouver formellement en accord. L'intérêt français commande d'envisager une Europe capable de se défendre elle-même. Et la somme des efforts militaires nationaux peut et doit converger dans ce sens.
En revanche, si on peut, de la sorte adhérer, de ci, de là, à certaines des doctrines énoncées par le p. de la r., on demeure d'autant plus en droit de mesurer, dès lors, l'inadéquation totale des moyens concrètement mis en œuvre, par rapport aux objectifs déclarés.
Revenons donc sur l'effort budgétaire.
Le budget militaire français sera pour 2007, de 48 milliards d'euros, dont 24 milliards de traitements et pensions. Cela représente moins de 2,8 % du produit intérieur brut. En comparaison, le taux d'effort militaire américain sera porté cette année à plus de 4 %, indépendamment de la guerre d'Irak.
Or le PIB américain se situe proportionnellement au nombre d'habitants des Etats-Unis, à un niveau supérieur à celui de la France, et il connaît une croissance durablement plus rapide que la nôtre. Comme imaginer, alors, accéder à une plus grande autonomie en Europe, si nos efforts militaires sont constamment plus faibles, toujours éparpillés, et plutôt stagnants.
Discrètement, — car on a peur de l'opinion – certains efforts sont réalisés. Certes c'est une bonne chose que de voir une loi de programmation militaire supposée croître plus vite (+ 2 points entre 2003 et 2008) que le budget de l'État (+0,8%). Rappelons simplement que 13 milliards d'euros de crédits prévus par la loi de programmation militaire 1997-2003 n'ont finalement pas été exécutés.
Considérons les effectifs de la Défense. Ils reculent globalement de 440 000 à 436 000.
Mais si l'on compare les rares augmentations d'effectifs, on constate une progression de 950 postes dans la gendarmerie mais de seulement 15 à la DGSE.
Or, l'arme du Renseignement joue à l'évidence un rôle essentiel dans les conflits actuels. Conflits ? Vous avez dit : conflits ! L'idée scandalise ! Car nous avons formé en Europe un "cercle de paix", chantent les petits cochons roses ! Nous n'avons pas peur du grand méchant loup ! La défense nationale chiraquienne ne saurait en aucun cas envisager l'hypothèse d'une guerre !
Et, visiblement, à comparer les effectifs nouveaux l'adversaire envisagé par nos dirigeants ne saurait relever de l'islamo-terrorisme. Les gendarmes le verbaliseront pour excès de vitesse.
Car on a peur en France de désigner l'ennemi.
Certes nos stratèges se sont congratulés encore sur les succès du char Leclerc au Liban. L'arme blindée, l'emploi à GIAT-Industries, les ventes d'armes à l'Étranger voilà ce qui semble préoccuper nos dirigeants. L'effilochage de l'armée française ? L'évanescence de la défense européenne ? Éminemment secondaires à l'horizon électoral !
Ainsi en était-il, au XVIIIe siècle, du brillant et pacifique royaume de Pologne : "Les gens intelligents sont finalement assez nombreux, en Pologne par exemple, où la noblesse refuse de guerroyer, et où elle s'y astreint de moins en moins – si l'on exclut les querelles entre voisins – au fur et à mesure que s'affaiblit le pouvoir central. Au temps des rois saxons, le rapport numérique entre l'armée de la Rzeczpospolita et celle de ses voisins était le suivant : 1 à 11 pour l'armée prussienne, 1 à 17 pour l'autrichienne, 1 à 28 pour la russe. En d'autres termes, pays sans armée, la Pologne est vouée à périr " (2). Mais, dira-t-on, qui se soucie, en France, des leçons de l'Histoire de la Pologne ?
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) cf. Le Monde en date du 9 janvier.
(2) cf. Michel Heller Histoire de la Russie Plon 1997, pages 499-500 (livre disponible en collection Champs c/Flammarion).
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