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Nous devrions d'abord remettre en cause le mode étatiste et centraliste de gouvernement.
L'intronisation de Nicolas Sarkozy entraîne aujourd'hui de nombreux commentaires, tous assez prévisibles, et tous inspirés par les déchirures internes à la classe politicienne. N'en rajoutons pas inutilement. La quasi-unanimité (98 %), peut-être un peu factice, du parti gaulliste, venant après le ralliement des éléphants du PS à la candidature de Ségolène Royal (investie à 61 %), ouvre certes une nouvelle phase de la campagne présidentielle.
Avouons cependant ici notre peu d'enthousiasme pour ce débat étriqué, au-delà d'une éventuelle et froide certitude d'avoir à voter au second tour pour battre la gauche.
Plus intéressant, et pour tout dire préoccupant, se révèle le lent mais irrésistible désamour des Français pour leurs institutions. Nous les sentons gérées par des bureaucrates sans âme et sans charme, par une classe politique de nains, et sur la base de fausses espérances démagogiques, artificiellement agitées autour d'ambitions trop lisibles.
Avec Untel vous payerez moins d'impôts : espérons-le. Avec Tel Autre vous subirez moins d'inégalités : pourquoi pas. Avec Machin, encore, l'arrogance des voyous cessera de vous inquiéter dans le métro : avouons-en le désir. Ah ! Sous quels nobles drapeaux on cherche désormais à enrôler ce peuple, jadis inventeur de la Croisade !
Ne cherchons à démêler ici les mérites ni d'Untel, ni de Tel autre, ni de Machin : les personnes importent moins que le système.
Or, de ce point de vue, on découvre parallèlement combien le régime effectif d’un pays tient moins aux doctrines et aux théories constitutionnelles qu’aux modes de fonctionnement pratique du gouvernement. Voilà donc notre propos.
Les doctrines politiques françaises s'affadissent graduellement. Elles souffrent de la dérision grandissante de leurs défenseurs, et surtout elles demeurent toujours tributaires de catégories tirées de Montesquieu ou de Rousseau. La modernité laïque et obligatoire nous fait, aujourd'hui encore, obligation de nous cantonner aux idées des gens du XVIIIe siècle. On nous prie de continuer à raisonner indépendamment de l'expérience historique ultérieure. Or, la nation française, plus qu'aucune république sud-américaine, a pu expérimenter sur elle-même, et à son détriment, une vingtaine de constitutions en 200 ans : on lui interdit d'en tirer les conclusions !
Également d'ailleurs, on tient pour inconvenant de formuler une interrogation, géographique cette fois, sur les constitutions réelles des peuples environnant.
Rappelons le type de questionnements surannés dont on fait encore tant de cas : telle forme constitutionnelle, présidentielle ou parlementaire, se révélera-t-elle plus efficace dans sa prise de décision, ou plus respectueuse des droits ? Comment mieux faire piloter par l'État les grands problèmes ? Selon quelle grille de répartition convient-il de distribuer les subventions ? Dans quel sens va-t-on diriger l'assurance-maladie monopolistique ? Qui va donc défendre nos magnifiques moyens de communication ?
Or, dans chacune de ces questions on trouve un présupposé centraliste étatiste.
On ne remet jamais en cause l'aberration d'un chef et d'un État détenteur de pouvoirs exorbitants.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir étatique de décider, par le biais de l'assurance-maladie et de la retraite, de choix fondamentaux touchant à la vie des individus.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir étatique d'orienter les investissements, de spolier les propriétés.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir étatique de loger administrativement et arbitrairement des personnes, sous prétexte de les assister, dans des structures d'habitat collectif aux financements obscurs.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir étatique de soutenir des spectacles auxquels manquent les spectateurs.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir étatique de nous matraquer d'images et de slogans destructeurs de nos identités.
On se refuse à remettre en cause le pouvoir d'imposer aux régions françaises les poubelles de l'État central, les grimaces de ses saltimbanques et les bassesses de ses courtisans.
Une autre question n'est jamais posée. Pourtant, elle pourrait légitimement nous préoccuper. La voici, telle qu'elle me vient à l'esprit : les deux pays voisins du nôtre et dont les institutions semblent les plus séculairement solides, la Suisse et l'Angleterre, fonctionnent l'une sous le régime du fédéralisme, l'autre sous le régime de la monarchie constitutionnelle.
Pourrait-on s'inspirer de leurs réussites ?
Non, répondent catégoriquement les bons esprits : ni un système fédéral, ni le couronnement symbolique d'un prince arbitre ne peuvent s'envisager en France, nous assure-t-on, sans doute parce qu'on soupçonnerait l'un comme l'autre d'y limiter alors les pouvoirs étatistes.
Par sa nature même, l'élection d'un président au suffrage universel accentue cette tendance. Elle fait passer au second rang la désignation des législateurs issus de la représentation nationale. Les députés se voient transformés en simples relais, en godillots inconditionnels des réseaux élyséens. On peut remarquer combien irrésistible semble alors la pente du rétrécissement de l'horizon politique, du rapetissement des dirigeants, depuis De Gaulle et Pompidou, en Giscard, puis en Mitterrand puis en Chirac. Enrayer effectivement la marche vers l'abîme de cette courbe descendante n'entre pas dans le catalogue des perspectives réalistes.
Mieux vaut se préparer, certes à voter, l'espace d'un scrutin, mais surtout à se détacher du mode de gouvernement bureaucratique, étatiste et centraliste.
JG Malliarakis
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