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MM. Breton et Copé, responsables nominaux de l'élaboration budgétaire affichent ces derniers temps une satisfaction arithmétiquement compréhensible : le budget de l'État central français pour l'année 2007 va enfin permettre aux autorités européennes de suspendre un statut contentieux déplaisant assigné à la France en raison des déficits excessifs des années précédentes.
La progression de cette annonce par les deux compères laisse un peu rêveur.
Manifestement, en effet, la décision de communiquer sur ce sujet fut prise lors du Conseil des ministres du 17 janvier.
Le 18 janvier 2007 sur LCI M. Jean-François Copé se flattait d'un déficit budgétaire de la France proche de 36,5 milliards d'euros en 2006 : "ce qui veut dire que nous aurons en seulement cinq ans réduit de 13 milliards le déficit budgétaire, alors que nous avons une croissance inférieure à celle dont bénéficiaient les socialistes" (dépêche AFP au 18 janvier 10 h 01).
Un peu plus tard M. Thierry Breton, présentait ses vœux à la presse. Il passait alors aux pourcentages : "le déficit public de la France en 2006 pourrait être limité à 2,6 % du produit intérieur brut au lieu de 2,7 % initialement prévu" (dépêche AFP au 18 janvier à 13 h 01).
Enfin, quelques jours plus tard, "une page sera tournée", et le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Joaquin Almunia se félicitait de "la fin de la procédure contre la France" (dépêche en provenance du bureau AFP de Bruxelles le 30 janvier à 9 h 12).
Prudemment le ministre français avait cependant précisé, à propos de la dette des administrations publiques hexagonales : "le chiffre final devra encore intégrer la variation de l'endettement des collectivités locales et de la sécurité sociale".
L'affichage et l'exploitation de tous ces "bons chiffres" correspondent, assez manifestement, à une stratégie personnelle du chef de gouvernement. La plus récente manifestation de l'impayable Villepin, mettait ainsi en exergue la diminution apparente du taux officiel du chômage. Tout ceci afin de faire illusion, diront les méchantes langues, passionnées par la course à l'Élysée, et de se comporter comme si la clique chiraquienne pouvait encore revenir sur la candidature officielle du ministre de l'Intérieur. Fût-il plébiscité par les adhérents de l'UMP ? "Les pauvres gens n'ont pas eu le choix", ose-t-on encore murmurer dans les antichambres de l'Hôtel Matignon.Resterait tout de même à se demander comment l'opinion juge les fameux critères de Maastricht.
Les enquêtes d'opinion par sondages montrent, en fait, et de manière éloquente, le peu de compréhension et encore moins d'enthousiasme éprouvé par les Européens en face des critères convenus à Maastricht en vue de l'union monétaire européenne. Ainsi, selon la dernière en date (1) les 2/3 des Allemands regrettent manifestement le Deutsche Mark. Et d'autre part, plus des 2/3 des Français, Italiens et Espagnols tiennent pour négatifs les effets de la monnaie unique sur les économies de la zone euro.
Qu'en serait-il si les équilibres, prévus initialement pour 2002, avaient été atteints, au prix d'efforts fiscaux ruineux.
Cela n'empêche pas d'ailleurs l'euro de remporter un paradoxal succès auprès des marchés financiers. Par exemple ces jours-ci le franc suisse et le yen apparaissent comme complètement sous-évalués. Or l'écart tient au différentiel d'intérêt : la Suisse et le Japon servent, sur la base de leurs monnaies nationales, des taux beaucoup plus bas. La devise de Tokyo subit même depuis les années 1990 une désastreuse manipulation étatique, fixant le taux de base à un niveau dérisoire de 0,25 %. Une opération systématique porte les spéculateurs vers l'euro, réglementé en revanche, dans le sens d'une surévaluation, ceci sous l'influence par les adeptes de la "monnaie forte", à commencer par le gouverneur de la banque centrale de Francfort, M. Jean-Claude Trichet.
Il nous semblerait pour tout dire plus urgent de mettre un terme au dopage monétaire par le taux d'intérêt que de se préoccuper de la consommation des anabolisants par les coureurs cyclistes (2).
Mais manifestement de puissants conformismes, et probablement aussi d'importants intérêts militent pour une certaine illusion financière à court terme.
Ainsi très peu de pays dans le monde ont osé poser le principe que l'État, et encore moins les collectivités locales, ne devraient ne même pas avoir le droit de contracter des emprunts, au-delà de la valeur estimative marchande (3) leur patrimoine.
Jacques Rueff, dans ses écrits sur "l'Ordre social", soulignait quant lui, le caractère mensonger de cette politique à base d'endettement.On camoufle, tout simplement, sous forme d'impôts exigibles dans l'avenir, le degré de socialisme découlant des excès démagogiques de la dépense publique, créant de la sorte ce qu'il appelle à juste titre de faux droits.
On peut donc soutenir, sur ce point, l'illégitimité profonde d'un tel prélèvement tranquille de la finance mondiale sur la prospérité des grands pays industriels. Rivalisant en valeur avec la dépense pourtant colossale de notre éducation nationale, la charge de la dette paraîtra de plus en plus insupportable à une nation en voie de paupérisation et à une opinion en cours de tiers-mondisation.
On pourrait alors, dans un tel contexte, méditer aussi cette forte parole de M. Mélenchon : "De toute manière, l'État ne rembourse jamais ses dettes".
Or, les critères de Maastricht ont été calculés, rappelons-le, en fonction de telles données : pas plus de 3 % de déficit des administrations publiques, pas plus de 60 % d'endettement, pourcentages rapportés aux produits intérieurs bruts annuels de chaque pays, c'est-à-dire à l'activité des citoyens, et pas plus de 3 % d'évolution des prix, cela peut sembler raisonnable, mais c'est déjà concéder gravement à de faux principes. Soulignons par exemple que le ministre allemand des Finances au cours des années 1990,
M. Théo Waigel énonçait non seulement la nécessité d'un euro "aussi solide que le mark", mais au bout du compte affirmait l'objectif de déficits prévisionnels limités à 1 % (4), et ceci en dépit du poids de l'absorption par l'économie ouest-allemande du poids de l'ancienne zone d'occupation communiste.
Présenter de la sorte comme une immense victoire le retour de la France à un niveau de déficit prévisionnel de l'ordre de 2,6 % pour l'année 2007 constitue donc une tromperie.
JG Malliarakis
©L'Insolent(1) Effectuée par l'institut britannique Harris et publiée à Londres le 29 janvier.
(2) Essayons de résumer brièvement ici l'absurdité des interventions étatistes en faveur d'une monnaie artificiellement "forte", qui se révèlent autant de tricheries contre-productives. Le paradoxe des rapports de change est, en effet trop, rarement souligné auprès de l'opinion : en pure théorie, fixer un taux nominal d'intérêt élevé suppose une anticipation pessimiste quant à la valeur future du pouvoir d'achat de la monnaie. Au contraire un taux bas exprime une confiance dans la stabilité de la devise. Or, sur le marché réel des changes, les financiers considèrent, au rebours de cette donnée théorique, plus favorablement telle monnaie dont la banque centrale fixera des taux nominaux élevés. La parité de pouvoir d'achat, par exemple, le rapport entre le niveau observable des prix intérieurs américains et européens se trouve ainsi contredite par le rapport monétaire actuel entre dollar et euro. Ainsi la surévaluation actuelle de la monnaie unique aujourd'hui en vigueur dans 13 pays européens sur 27 s'établit-elle au détriment d'un nombre élevé de producteurs soumis à forte concurrence dans les pays considérés.
(3) D'un particulier engagé auprès des banques à plus d'un certain pourcentage de son patrimoine négociable, on dira qu'il est surendetté. Or, nos chers inspecteurs des finances, beaucoup plus incompétents et imprévoyants que ne le croit le grand public, se sont toujours révélés incapables de fournir un chiffre crédible de la partie négociable des propriétés de l'État français, c'est-à-dire du domaine privé de l'État, ou encore des collectivité locale (l'édit de Villers-Cotterêts de 1539 toujours en vigueur ayant d'ailleurs établi l'inaliénabilité du domaine public). D'autre part, on rappellera aussi les déconvenues des tentatives de cessions partielles, objet de captations dont le Canard enchaîné devrait se montrer plus mordant à les dénoncer. L'équivalent des sûretés patrimoniales appliquées aux dettes dites publics portent sur l'activité des citoyens et contribuables. L'idée d'une fuite de la matière imposable et du cheptel corvéable apparaît alors comme inconcevable, et on n'hésitera pas à la dénoncer comme s'il s'agissait d'une trahison. Les sujets économiquement actifs du régime jacobin sont donc supposés, par les maîtres de celui-ci, se satisfaire d'un état juridique de serfs, attachés à la glèbe. La Russie a aboli le servage en 1861, l'Amérique, au prix d'une terrible guerre civile a détruit l'esclavage en 1865. Les dirigeants de l'Hexagone ne semblent pas encore tout à fait disposés à s'y résoudre au profit de leurs propres concitoyens régnicoles.
(4) c'est-à-dire à un niveau purement "technique", ce que l'on appelait autrefois "l'impasse budgétaire", supposant que la croissance effacerait le déficit des lois de finances rectificatives lors de la loi de règlement.