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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ    JEUDI 15 JANVIER 2007

LA VRAIE BATAILLE DES FAUX CHIFFRAGES

Affiches électorales

Le débat sur les limites de l'assistanat, est beaucoup plus important que celui des chiffres.

L'événement du jour, si fugace pourra-t-elle paraître dans une semaine, me semble de façon évidente, la démission de M. Éric Besson. Le secrétaire national du Parti socialiste à l'économie et à la fiscalité quitte le navire Ségolène, à la veille d'un naufrage désormais annoncé. On doit certes tenir toute prévision pour dangereuse, car bien des choses peuvent encore perturber les beaux pronostics. Mais actuellement, sur le terrain économique, la démagogie sociale fait la preuve de son irréalisme, car on ne voit pas la moindre retombée positive des 100 propositions de Villepinte.

Raison de plus pour s'interroger, quant au fond de l'affaire, sur de tels chiffrages électoraux. Tout d'abord personne ne sait vraiment sur quel échéancier l'interlocuteur raisonne et calcule. Les uns disent 5 ans, les autres pensent en termes de budget annuel. Par ailleurs, on ne répète jamais assez la nécessité d'envisager la globalité de la dépense publique annuelle, soit actuellement en France 590 milliards d'euros.

La petite différence entre dépenses et recettes, qui s'appelle déficit, non seulement pose problème dans le cadre de l'union monétaire, non seulement se retrouve dans la charge de la dette, mais constitue un appauvrissement net de la nation.

Une de ses dimensions se trouve presque toujours occultée dans le débat : ce que l'État emprunte chaque année, y compris pour couvrir ses échéances, assèche la capacité d'investir du pays. La partie déficitaire des budgets publics se révèle la plus ruineuse de toutes pour l'avenir puisqu'elle se répercute doublement, à la fois sur les obligations imposées aux générations futures et sur les besoins de financement de l'activité productive.

Deuxième aberration du débat sur le chiffrage des programmes politiques. On agrège les promesses de dépenses, essentiellement de redistribution sociale et les diminutions d'impôts et de charges. Ainsi l'évaluation, par Nicolas Sarkozy lui-même, à hauteur 30 milliards d'euros, sur 5 ans, des mesures annoncées dans sa propre plateforme comprend deux parties bien distinctes : 15 milliards de dépenses nouvelles, et 15 milliards d'allégements de prélèvements sociaux et fiscaux. Le parti socialiste ergote à propos du montant de la somme, qu'il évalue à 77 milliards. Le débat n'est pas interdit et il est de bonne guerre.

Il souligne aussi, par son existence même, la faiblesse et la relativité de toutes les comptabilités politisées.

Mais il faut commencer par dire que la question doit pouvoir être posée autrement.

En particulier, on devrait cesser de considérer seulement le seul point de vue étatiste et fiscaliste, celui du coût et du rapport, "pour l'État".

La balance strictement arithmétique a quelque chose de statique et toute évaluation des politiques économiques doit tenir compte de l'effet sur la société, sur ce qu'on appelle la croissance, mais aussi sur l'encouragement à l'esprit d'entreprise et d'innovation, et aujourd'hui plus que jamais sur la compétition internationale incluant la concurrence administrative.

Le phénomène des délocalisations, des migrations de capitaux, de bras et de cerveaux n'a commencé d'être, massivement, perçu du grand public que par l'exil fiscal, en ce sens salutaire, de Johnny Halliday. Il vient hélas de beaucoup plus loin et il inclut des départs beaucoup plus dommageables (encore) pour la science, pour la technologie, pour la médecine, pour l'économie et pour les arts, sans même évoquer les vedettes sportives, de notre pays.

On se préoccupe aujourd'hui, par ailleurs, de la crédibilité et de l'indépendance de l'Insee : faut-il donc rappeler ici que notre veille bête noire remonte à un recul méthodologique, en 1946, sous l'influence du marxisme, par rapport aux statistiques mises en place par le ministère de l'Industrie dans les circonstances historiquement dramatiques, et techniquement mouvementées, de l'occupation ? Même la promotion de son indépendance peut alors faire frémir, s'il s'agit de permettre à la CGT d'y développer son influence, contestatrice certes des thèses du gouvernement, mais moins pertinente encore.

On devrait s'inquiéter plus globalement encore de la pensée unique, et des courbettes incroyables auxquelles se livrent nos technocrates sans même s'en rendre compte. C'est dans les petits détails négligés qu'ils se révèlent le plus cocassement.

Ainsi le porte parole du PS, M. Stéphane Le Foll, expliquant le départ de M. Besson, "pour des raisons personnelles" (comme toujours) a cru intelligent et rassurant de dire : "Tout le monde est d'accord sur le chiffrage" (2) et de minimiser tout "débat interne". Autrement dit, tous les dirigeants socialistes appartiennent à la même école de pensée, aboutissent aux mêmes mots d'ordre, refusent de réfléchir et ne s'en cachent pas.

Nous préférons pourtant recourir à un jugement, pour une fois clair et sans périphrases inutiles, a exprimé par M. Artus, redoutable économiste keynésien à la sauce "Caisses des dépôts" habituellement confit dans ses conformismes sociaux-démocrates et qui formule l'analyse suivante : "Le Smic à 1 500 euros va alourdir de 25 % le coût du travail peu qualifié. Les entreprises préféreront licencier, et nous aurons plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires en deux ans. Plus d'une centaine d'études microéconomiques ont établi que la hausse du smic détruit des emplois non qualifiés. Les ignorer est scandaleux. Quant à l'idée d'une conférence annuelle sur les salaires, qui date des années 1960, c'est précisément ce qu'il ne faut pas faire." (3)

En lecteur de l'Action Humaine de Von Mises (4), et adepte de la praxéologie, on eût certes préféré écrire que les micro-études ont "confirmé", plus que "établi", l'incidence de la hausse du SMIC sur la baisse du niveau de l'emploi, mais à ce détail près on ne peut qu'applaudir à cette exécution.

On remarque par exemple aussi la place de notre affreux "modèle social" dans les préjugés indécrottables comme dans l'exercice obligé des promesses redistributives. Sur les 100 propositions de Ségolène, 16 avancent de nouvelles dépenses de protection sociale, aucune des suppressions de gaspillages monopolistes. Le public, en apparence, trouve de bon aloi, des idées d'ailleurs puisées dans la très riche invention des suggestions "participatives". En particulier 87 % des "sondés" d'applaudir à l'augmentation de 5 % des "petites retraites". Mais au juste les questions : "qu'entendez-vous par petites retraites" ? Et "qui payera", demeurent sans réponses.

Aujourd'hui le boulet de la protection sociale monopoliste, auquel les Français sont si attachés, nous dit-on se trouve financé à 35 % par l'impôt, et tout le monde s'accorde à dire que les cotisations sociales ne peuvent plus augmenter. Par conséquent, toute nouvelle dépense sociale aggravera la part budgétaire, déresponsabilisant les bénéficiaires.

Ce débat, qui est celui de la responsabilité, de l'initiative et des limites de l'assistanat, est beaucoup plus important que celui des chiffres. La droite, ou ce qui en tient lieu, doit avoir le courage de le dire.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) cf. son entretien paru dans les Échos du 14 février
(2) Reuters du 14 février.
(3) Le Monde daté du 15 février.
(4) l'Action Humaine de Von Mises, l'un des plus grands Traités d'économie doit être recommandée de préférence dans sa version française intégrale (traduite par l'admirable et discret Raoul Audoin et publiée en 1985 aux PUF dans la collection Libre-échange). Pour les paresseux, une estimable version abrégée est disponible aux Belles-lettres.

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