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Jamais, je l'avoue humblement, je n'aurais imaginé d'avoir à prendre ma plume pour défendre la liberté d'expression et les droits de journaliste d'un Alain Duhamel, et plus précisément de cet Alain Duhamel-là. Je commencerai en me souvenant de l'époque, où, jeune marié, travaillant moi-même dans la petite frange indépendante, non-conformiste et par conséquent pestiférée de la presse française, gagnant donc assez mal ma vie, je suivais sa conférence autosatisfaite pour passer, en fin d'études, le diplôme de la rue Saint-Guillaume où il enseignait. J'en ai gardé le souvenir d'un personnage pontifiant malgré son jeune âge et sa courte science. Je le trouvais fort représentatif de ce que Salvador Dali appelait "l'entreprise de crétinisation universelle". Il me semblait assez content du néant programmé de la pensée dont les technocrates gavent les élites contemporaines.
Certes jovial, comme savent l'être les Méridionaux, quoiqu'il soit Normand, il me paraissait bien indifférent aux tragédies de l'époque, celles du goulag en URSS, du maoïsme en Chine, de la guerre au Vietnam et du déclin de l'Europe.
Pour tout dire, j'exécrais sa politologie factice, décalquée sur The Civic Culture, ridicule manuel social-démocrate nord-américain.
Jamais on n'aurait pu imaginer qu'un tel personnage puisse un jour se trouver privé du droit de s'exprimer par l'effet des oukases administratifs à France-Télévisions et même à RTL, radio privée.
Et pourtant, mécaniquement, pour avoir simplement dit, à l'automne dernier, exactement le 27 novembre, dans une réunion restreinte et inoffensive, chez les "jeunes UDF" de l'Institut d'études politiques que, personnellement, il s'apprêtait à voter Bayrou, le voilà écarté d'antennes décidément frileuses, scandaleusement conformistes, bien aseptisées, bien nulles, bien bipolarisées.
La liberté d'expression se trouve de plus en plus menacée en France. Comme elle ne se divise pas, ceux qui l'ont entamée portent une part tragique de responsabilité et ce devrait être inéluctablement à eux de relever le gant et de manifester leur confraternité. Chaque jour la liberté d'expression est bafouée, non pas par l'assassinat physique et sanglant, comme dans le tiers-monde, mais par l'étouffement, le conformisme et la platitude.
Vous êtes libres de choisir, nous dit-on, mais seulement entre Bouvard et Pécuchet, entre Versailles et la Commune, et, finalement, entre Coca-Cola et Pepsi-Cola.
Affaire ridicule penseront certains. Oui, mais cette dérision atteint précisément, non seulement le robinet d'eau tiède Arlette Chabot, mais tout l'appareillage de médiocrités que les maîtres véritables des médiats, notamment les centrales d'achat d'espaces, mettent en branle pour imposer hypocritement leurs mots d'ordre.
Tant pis pour Bayrou, murmurent les autres. Pas sûr ! Cela donne en tout cas du grain à moudre à Mme de Sarnez sa directrice de campagne, dont la propagande repose précisément sur l'impression de malaise attachée à la bipolarisation forcée. On se demande même si le candidat centriste n'en sort pas essentiellement bénéficiaire, apparaissant comme un martyr, à peu de rsqiue et aux frais d'un autre, victime d'un système qui ne lui a pas été jusqu'ici bien cruel.
L'important n'est pas de supputer les mésaventures des arroseurs arrosés.
L'important, l'urgent, l'honneur est de se lever pour dire : assez de censures hypocrites, assez de politiquement correct et de lois mémorielles répressives, assez de mainmise et de menaces, – ça se passe en France, pas au Turkménistan – sur l'espace de liberté des journalistes.
JG Malliarakis
©L'Insolent