Entretien avec Georges Lane publié par Marc Grunert
dans Le Québécois libre • No 151 Montréal,
15 février 2005
Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg
et anime le Cercle Hayek de Strasbourg, consacré à la réflexion
et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur
adjoint du QL pour la section européenne
Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de
Paris-dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France. J'ai demandé à Georges
Lane de donner son avis sur le projet de constitution européenne. Il
m'a semblé qu'un libéral de son envergure pouvait nous éclairer
sur ce projet que je considère comme un pas de plus vers une Europe
politique intégrée, liberticide, s'ingérant toujours plus
dans la vie quotidienne des gens. Il ne s'agit guère d'une constitution
mais d'une sorte de droit administratif à l'échelle européenne
posant non seulement des règles de décisions pour les États
membres, mais ouvrant aussi la porte à un pouvoir central qui imposera
des normes à tous, des normes qui ne seront plus limitées par
le principe hayékien selon lequel une règle constitutionnelle
doit avoir le caractère d'une prohibition, d'une limitation du pouvoir
politique dans le but de protéger les libertés individuelles
(voir aussi « La constitution européenne, c'est non! » ailleurs
dans ce numéro). La constitution européenne est celle d'un empire
et d'un cartel d'États, en aucun cas elle ne remplit la fonction de
protection des droits individuels. Comme le dit Georges Lane avec lucidité, « le
projet de constitution européenne est à coup sûr, après
le projet sur le principe de précaution, la dernière "peste
sociale" en date ».
Georges Lane, en quoi, selon vous, un libéral
peut-il être en
désaccord avec ce projet de constitution européenne ?
Il y a quelques années, Jacques Garello, président
de l'Aleps et professeur à l'Université d'Aix Marseille III,
avait produit une petite brochure qu'il avait intitulée « La
vérité sur
l'Europe » dans laquelle il avait indiqué une position que
je partage :« La pire solution serait de confier la préparation
d'une constitution européenne à un groupe d'experts. »
Cela a été malheureusement la solution retenue! Je ne rentrerai
pas dans la composition du groupe d'experts tant elle est hétéroclite.
Je rappellerai seulement que son président en a été Valéry
Giscard d'Estaing, qui a été président de la République
de 1974 à 1981 après avoir agi comme ministre des Finances, entre
autres en 1963 où il avait conçu et appliqué un « plan
de stabilisation », et qui s'enorgueillissait de faire du « libéralisme
avancé » avec les résultats qu'on sait.
La constitution européenne, telle qu'elle est proposée aujourd'hui
au vote des peuples des pays membres de l'Union européenne, vise à construire
une Europe politique, avec des institutions, des administrations, des relations
de celles-ci avec les gouvernants ou les parlements des pays européens.
Un libéral ne peut qu'être en désaccord avec ce produit
du constructivisme [concept forgé par Hayek. Le constructivisme consiste à régir
les comportements humains sur la base d'un plan en imposant aux individus des
fins communes. M.G.] d'un groupe d'experts. Le détail de certains articles,
aussi chatoyant lui paraisse-t-il, ne saurait déclencher son accord.
Pour cette raison, je ne rentrerai pas dans les détails de la constitution.
Néanmoins une remarque. Les députés français ont
achevé le 27 janvier 2005 l'examen en première lecture du projet
de révision constitutionnelle préalable au référendum
sur la constitution européenne. Le vote solennel sur cette dix-huitième
révision de la constitution de la Vè République (depuis
1958) avait lieu mardi le 1er février. Ce projet de révision
modifie le titre XV de la constitution et comprend quatre articles.
Les députés ont voté l'obligation de recourir à un
référendum pour autoriser l'adhésion de nouveaux États à l'Union
européenne. Ils ont voté aussi une nouvelle assise constitutionnelle
aux nouvelles prérogatives reconnues par le traité au Parlement
(compétence en matière de subsidiarité et de révision
simplifiée du traité). Elle pérennise la consultation
référendaire en cas de nouvelles adhésions. Ils ont adopté enfin
deux amendements identiques PS et UMP modifiant l'article 88-4 de la constitution,
qui prévoit la transmission au Parlement des projets ou propositions
d'actes de droit communautaire dérivé comportant des dispositions
de nature législative. Ces amendements rendent systématique la
transmission au Parlement de tous les projets d'actes législatifs européens.
En d'autres termes, le Parlement français adapte unilatéralement
la constitution française pour que le référendum soit
légal. À supposer que la constitution européenne soit
votée, qui peut affirmer que la constitution française sera en
harmonie avec cette dernière ? Et si ce n'est pas le cas, que se passera-t-il ?
Certains juristes diront que tout cela est précisé par les textes
et qu'il ne faut pas s'inquiéter! Vive l'omniscience.
Le désaccord du libéral ne peut qu'être d'autant plus important
que le texte constitutionnel écrit en je ne sais combien de langues
différentes, ne saurait être envisagé indépendamment
d'un système en vigueur depuis quelques années, autre produit
du constructivisme d'un groupe d'experts, à savoir la monnaie dénommée « euro ».
Nos deux produits vont se juxtaposer dans un premier temps, mais dans un second,
qui peut affirmer ce qui va arriver ? Une chose est certaine : la juxtaposition
ne restera pas en l'état.
Sauf à doter les experts d'une omniscience que certains d'entre eux
n'auront pas l'outrecuidance d'accepter, la constitution européenne
ne peut qu'avoir avec le système de l'« euro » des
relations d'une grande complexité dont l'avenir démontrera le
coût :
on parlera alors de « crises ». Une seule raison de cette
complexité :
tous les pays membres de l'Union européenne ne sont pas, chacun, un
pays de la zone « euro ». Quelle est la compatibilité du
respect de la constitution européenne avec l'appartenance au système
de l'euro ou avec la non appartenance à celui-ci ? L'indépendance
de la Banque centrale européenne vis-à-vis des autorités
européennes ou des autorités nationales n'est pas gravée
dans le marbre, mais écrite dans un texte que des politiques ont signés
dans le passé et que d'autres pourront effacer demain sur la base des
nouvelles règles qu'ils auront pondues.
Y a-t-il des constitutions qui pourraient convenir
aux libéraux ?
Quant à la méthode d'établissement de la constitution
européenne, je dirais en reprenant encore ce qu'a écrit Jacques
Garello qu'une constitution devrait d'abord procéder de l'expérience :
dans cette optique, la Commission devrait disparaître, les compétences
de la Cour de Justice, des Parlements (européen et nationaux) et du
Conseil des ministres soigneusement définies suivant le principe de
subsidiarité :« le moins à l'Europe politique, le
plus en dessous. » Établie, la constitution devrait être
le synonyme juridique de libéralisation.
Du point de vue économique, la libéralisation est un acte de
confiance dans les vertus du processus de marché. Le « laissez-faire » (libre
entreprise, libre établissement, libre prestation de service) et le « laissez-passer » (libre-échange)
sont les mots d'ordre libéraux depuis deux siècles et demi même
s'ils concrétisent surtout l'aspect offre du processus de marché :
•
ils sont la conséquence et la condition d'exercice de la propriété privée
et de l'initiative personnelle, elles-mêmes participent de la spécificité et
de la dignité de l'être humain; ces « droits de l'homme »,
souvent évoqués, sont en fait bien mal respectés;
•
ils permettent le progrès économique et la dynamique sociale
en faisant jouer la concurrence et l'innovation;
•
ils sont des occasions de rencontre et de complémentarité entre
les peuples et à ce titre favorisent la mutuelle compréhension
et la paix.
Et le processus de marché révèle à sa façon
l'état de droit, la concurrence. La façon dont il fonctionne
résulte des règles qui ne portent pas atteinte à la propriété privée.
Le marché et la concurrence débouchent sur l'harmonisation des
desiderata des êtres humains.
«
Du point de vue politique, la libéralisation tourne le dos aux interventions
de l'État. Le marché et la concurrence aboutissent à une
autre harmonisation, ils forcent chaque État à s'aligner sur
celui qui est le "mieux disant libéral" le moins d'impôts,
le moins de réglementations, le moins de charges sociales, etc. » Du
point de vue politique, la libéralisation tourne le dos aux interventions
de l'État. Le marché et la concurrence aboutissent à une
autre harmonisation, ils forcent chaque État à s'aligner sur
celui qui est le « mieux disant libéral » le moins d'impôts,
le moins de réglementations, le moins de charges sociales, etc. La seule
mutuelle reconnaissance des normes (comme l'avait prévu l'Acte unique)
rapproche des espaces européens très différents, mais
de façon progressive et toujours dans le sens du moins d'État.
En 1990, six cents universitaires de l'Europe entière (dont je faisais
partie) donnaient leur signature à un texte qui encore aujourd'hui résume
très exactement le point de vue libéral. Je me permets de vous
le joindre ci-dessous.
MANIFESTE POUR L'EUROPE DES EUROPÉENS (1991)
Au moment où les gouvernants se proposent de donner un nouveau visage
aux institutions et politiques de l'Europe, les signataires de ce manifeste
appellent les Européens de toutes nations à la vigilance. Les
gouvernants ne doivent pas accentuer la dérive vers une Europe dirigiste,
bureaucratique et fermée, et à oeuvrer pour une Europe des libertés.
Nous voulons une Europe pour les Européens, et non pas pour les États.
L'Europe ne doit pas être le prétexte à de nouvelles usurpations
des libertés individuelles par les gouvernants et les bureaucrates.
Elle est au contraire une occasion de remettre en cause les États, en
instaurant de libres choix institutionnels pour les Européens. Nous
voulons une Europe pour tous les Européens, et non pas seulement pour
quinze pays. Il faut prévoir les conditions d'accueil pour tous les
pays européens, au lieu de considérer l'Europe comme une forteresse
jalousement gardée par un pouvoir politique renforcé.
RENOUER AVEC LA TRADITION EUROPÉENNE
Seules ces options fondamentales sont conformes à la tradition européenne,
qui est faite de valeurs communes et de diversités culturelles et institutionnelles.
Les valeurs communes de l'Europe sont le respect de la liberté et de
la dignité de la personne humaine, la propriété individuelle,
l'économie de marché et l'État de droit. L'Europe est
riche aussi de ses diversités, propices à la création
intellectuelle, artistique et économique, autorisant la recherche empirique
des chemins du progrès. Aujourd'hui l'Europe renoue avec sa tradition;
il faut garantir et renforcer les valeurs de la liberté dans les pays
de l'Est, il faut relever le défi de la mondialisation, et maintenir
durablement la prospérité générale. Plus que jamais,
il serait absurde d'adopter un projet jacobin qui construirait un pouvoir étatique
supplémentaire et un droit artificiel. Dans cet esprit, nous demandons
que l'on n'hésite pas accentuer les quatre libertés fondamentales
du traité de Rome, que les politiques contraires à la liberté et
au marché soient abandonnées, que les institutions communautaires
soient allégées et réorientées en vue d'une meilleure
pratique des droits individuels.
HARMONIE EUROPÉENNE
Les quatre libertés fondamentales sont celles du libre-échange
des biens, de la libre circulation des services, des capitaux et des hommes
(incluant la liberté d'établissement). Elles doivent aller au-delà des
douze pays de la CEE et bénéficier à tous les pays européens.
Ces libertés nous paraissent suffisantes pour aboutir à une véritable
harmonie européenne. Pour Jacques Delors et pour la plupart des partisans
de l'Europe de Bruxelles, l'harmonisation est l'uniformisation imposée
et artificielle. Pour nous l'harmonisation est l'union par la liberté et
la mise en concurrence. Voilà pourquoi, pour assurer la meilleure protection
sociale des Européens, nous refusons une Charte sociale irréaliste
et technocratique et nous préconisons le libre choix individuel des
systèmes d'assurances sociales et de retraites. Voilà pourquoi,
pour assurer l'allégement fiscal, nous sommes opposés à une
uniformisation fiscale et nous préférons la concurrence entre
droits et règlements fiscaux. Voilà pourquoi, pour assurer la
meilleure information du consommateur, nous ne croyons pas aux normes européennes
et nous approuvons le principe de la reconnaissance mutuelle des normes prévu
dans le projet de marché unique.
É LARGIR LA CONCURRENCE
Nous affirmons qu'il n'y a pas de raison pour que certains domaines d'activité échappent à ces
libertés fondamentales, et en conséquence les politiques communautaires
qui réduisent ces libertés doivent être abandonnées.
Nous rappelons notre opposition à la politique agricole commune, qui
a toujours pénalisé le pouvoir d'achat des Européens,
qui a entraîné des gaspillages scandaleux et créé des
privilèges exorbitants pour quelques-uns, sans apporter à la
masse des agriculteurs la moindre solution à leurs problèmes,
et qui aujourd'hui menace les pays de l'Est d'une exclusion économique.
Nous dénonçons de la même manière les grands programmes
industriels, qui n'ont d'autre effet que de stériliser l'innovation
et la créativité ni d'autre raison d'être que de fausser
la concurrence. Nous disons notre scepticisme à l'égard de toute
politique commune de l'environnement, parce que nous croyons, dans ce domaine
comme ailleurs, aux bienfaits de la décentralisation et du marché (dans
un cadre de droit rénové, où la propriété privée
jouerait enfin son rôle). Ainsi, à une Europe qui a été conçue
trop souvent par le passé comme un cartel d'États nous voulons
substituer une Europe de la concurrence. Nous voulons l'Europe de la compétition,
non l'Europe des privilèges. Nous voulons moins de cartels, moins de
monopoles créés, organisés ou soutenus par les États.
Nous voulons moins de nomenklaturas bureaucratiques, moins de castes politiques
dirigeantes. Nous voulons plus de secteur privé; le principe de la privatisation
du plus grand nombre des services dits publics doit être mis en application
dans les meilleurs délais. Ces aspirations à la concurrence et à la
privatisation sont aussi bien le fait des Européens récemment
libérés du joug communiste que de ceux qui subissent depuis cinquante
ans les méfaits du dirigisme. Elles sont de nature à éviter
le réveil des nationalismes agressifs et à ancrer durablement
les nations européennes dans la démocratie.
PLUS DE DROIT, MOINS DE LOIS
Nous approuvons sans réserve les efforts menés pour restaurer
une vraie démocratie européenne. Celle-ci ne peut se fonder sur
la multiplication et le renforcement d'institutions usurpatrices des libertés
individuelles. Le monopole d'un gouvernement, ou même d'un Parlement
européen n'ajoute rien à la démocratie, mais y soustrait.
Le vrai déficit démocratique n'est pas comblé par l'apparition
ou la réorganisation de pouvoirs politiques mais par la reconnaissance
et la protection des droits individuels des Européens. Dans cet esprit,
nous demandons que le traité de Rome soit enrichi par une Déclaration
des Droits des Européens, inspirée des principes de la Déclaration
Européenne des Droits de l'Homme. Dans la perspective d'un élargissement
de l'Europe, nous demandons encore que les moyens judiciaires dont disposent
les Européens pour faire valoir directement leurs droits individuels,
soient renforcés et simplifiés et que l'on envisage la fusion
des juridictions de Strasbourg et de Luxembourg. Le libre accès des
citoyens à ces juridictions doit être reconnu. Nous souhaitons
pour tous les Européens que l'Europe devienne ainsi un espace de droit,
un libre marché, où circulent en toute facilité des Européens
riches de leurs diversités et fiers de leur mutuelle compréhension.
Nous appelons de nos voeux une Europe qui évite les pièges du
socialisme et du nationalisme, et qui puisse trouver la route de la liberté.
Que ceux qui entendent cet appel se joignent à nous pour alerter l'opinion
publique, et persuader les Européens qu'ils ont une chance historique à saisir,
et qu'ils ne doivent pas remettre leur sort entre les mains de ceux qui par
intérêt, par idéologie ou par tradition ont réduit
les libertés et détruit l'espoir du progrès et de la paix.
L'union politique européenne a pris naissance après le seconde
guerre mondiale pour que la paix règne désormais en Europe. Elle
a commencé par un marché commun et se poursuit aujourd'hui par
une véritable politique intégrée. Je sais bien qu'il n'y
a pas de loi de l'histoire, mais n'y a-t-il pas une logique de fer qui conduit à la
centralisation du pouvoir politique en Europe ? Je pense ici tout particulièrement à la
logique du pouvoir politique décrite par de Jasay et Bertrand de Jouvenel.
Comment analysez-vous la nature du pouvoir politique ? Et qu'en déduisez-vous
s'agissant de la construction politique de l'Union européenne ?
D'après mes connaissances sur le sujet – j'ai eu l'occasion au
début de la décennie 1990, pendant trois années de faire
un cours en licence d'économie appliquée intitulé « Économie
européenne », à l'Université Paris Dauphine – :
au départ de l'Union européenne qu'on connaît aujourd'hui,
il y a eu un accord politique mais en matière économique pour
effectivement promouvoir la paix dans l'Europe – alors – des Six
(France, République Fédérale Allemande, Italie, Belgique,
Hollande et Luxembourg). La matière économique était restreinte
puisqu'il s'agissait des marchés du charbon et de l'acier et l'accord
du début de la décennie 1950 s'est concrétisé par
la création d'une Haute Autorité (homologue de la Commission
actuelle) et d'une Cour de justice chargée de veiller à la concurrence
en cette matière économique. L'ensemble dénommé « Communauté du
charbon et de l'acier » (CECA) n'avait pas d'objectif politique affiché et
je dirai que c'est pour cela qu'il a fonctionné pour déboucher à la
fin de la décennie 1950 sur le marché commun à quoi vous
faites allusion dans la question. À l'opposé, la Communauté de
défense (CED) que certains politiques avaient voulu créer dans
la foulée et qui, elle, aurait été très politique
puisque touchant à la défense nationale, n'a pas émergé.
En d'autres termes, le départ du processus européen n'a rien
de politique, à l'accord près, mais a été fondamentalement économique,
comme si ceux qui l'ont donné avaient voulu appliquer le principe, libéral
par excellence, « hayekien », selon lequel non seulement l'échange
libre améliore le sort des êtres humains mais encore il fait de
ceux qui échangent – et tout le monde échange – des
amis : donc plus de guerre. Selon moi, le zénith du processus a été atteint
au milieu de la décennie 1980 avec la signature de ce qu'on a dénommé l'« Acte
unique » qui disposait qu'à partir du 1er janvier 1993, les – désormais – douze
pays composant ce qu'on dénommait aussi désormais la « Communauté économique
européenne » (CEE), constitueraient un marché unique
sans entraves tarifaires ou non tarifaires.
Et c'est là que les socialo-communistes ont tout fait déraper.
Eux qui s'étaient agités pour faire survivre l'URSS – et
la mise en esclavage par celle-ci des pays dits « de l'Est » (sans
oublier les pays baltes) – ont fait le coup d'État, certes sans
effusion de sang, qui a consisté à utiliser sa disparition pour
dénaturer le processus, pour l'entraver par des considérations,
elles, purement politiques. Et cela a donné le traité de Maastricht
(en particulier, la « Communauté économique européenne » devient « Union
européenne »), le traité d'Amsterdam et tous les traités
qui ont suivi jusqu'à aujourd'hui inclus. Qu'est-ce que j'entends par « socialo-communistes » ?
Tous ceux qui ont rendu possibles l'écriture et la ratification du traité instituant
l'Union européenne (en France, en particulier, autant le président
de la République en exercice que son prédécesseur, pour
ne pas parler de leurs partis respectifs qui se veulent opposés sur
l'échiquer politique, ni d'anciens présidents de la Commission
dite « de Bruxelles » ou du « Parlement européen » qui
ne méritent pas qu'on cite leur nom).
De ce coup d'État contre quoi les libéraux n'ont rien pu faire
malgré le manifeste des universitaires libéraux, je retiendrai
deux grandes conséquences. L'une est que le marché unique n'a
pas été réalisé le 1er janvier 931 comme il aurait
du l'être, mais d'une certaine façon il fallait s'y attendre.
L'autre est beaucoup plus grave car les politiques ou les hommes de l'État,
tant au niveau national qu'au niveau désormais de l'Europe (du fait
de ces traités signés), tirent parti de cette non réalisation.
Ils affirment vouloir y remédier et, dans ce but, ils cherchent à (se)
faire accorder des prérogatives dans ce sens. Mais de fait, ce qu'ils
obtiennent leur permet d'aller à l'encontre même du marché unique
et d'éloigner un peu plus chaque jour qui passe le moment de sa réalisation.
La constitution européenne est une concrétisation de ce que j'avance.
J'ai eu l'occasion d'écrire un article sur ce sujet dans Liberté économique
et progrès social, le bulletin de l'Aleps, il y a très exactement
un an, intitulé « L'Union européenne dans l'impasse » (no 107,
janvier-février 2004, pp. 17-36).
Où cela peut-il mener, me demandez-vous ? L'éventail des
possibilités à quoi
je pense est trop large pour en donner une ou deux. J'attendrai les résultats
des votes sur la constitution européenne pour me prononcer. À ce
moment-là, il sera amusant de faire des prédictions.
Que pensez-vous du texte de la constitution européenne soumis au référendum ?
Plutôt que de dire ma pensée, je préfèrerai donner
des éléments réflexions qui en sont le départ et éclairer
ainsi le lecteur sur l'état où se trouve actuellement l'Union
européenne, dont la France est un des vingt-cinq pays membres, et sur
la prochaine étape que certains voudraient lui voir franchir : je veux
parler de la ratification de la constitution européenne, véritable
usine à gaz toxiques.
Voici quelques éléments de réflexion.
«
Suivez-vous l'augmentation vertigineuse de tous les budgets européens? »,
question d'actualité par excellence. Mais qui ne l'est pas tant que
cela tant elle est lancinante. Il y a un peu plus d'un siècle, Vilfredo
Pareto la posait explicitement pour la préciser ainsi: « Elle
ne porte pas seulement sur les budgets des États, ceux des provinces,
départements et communes grossissent à l'envi. En Angleterre,
le budget de l'État grossit modérément, mais le socialisme
municipal est florissant et les communes s'endettent, augmentent les impôts
et détruisent la richesse en de grandes proportions. »
Actualité brûlante: que font, en particulier, les socialistes
en France depuis les dernières élections régionales ?
Et Vilfredo Pareto de répondre à la question: « Cela confirme
une opinion que j'ai souvent exprimée, c'est-à-dire que le socialisme
triomphera sous la forme du socialisme d'État. La bourgeoisie, au lieu
de s'opposer aux progrès de ce dernier, le favorise autant qu'il est
en son pouvoir. Chacun tâche de happer un morceau du budget, les citoyens
ne voient dans les administrations de l'État, des provinces et des communes
que des instruments pour se dépouiller les uns les autres. Quelqu'un
voudrait-il s'en abstenir qu'il ne pourrait pas. Toutes les fois que les citoyens
se sont réunis dans le simple but de résister à une spoliation
dont ils étaient les victimes, ils ont échoué. Quand,
au contraire, ils se réunissent pour obtenir leur part du gâteau,
le succès couronne assez généralement leurs efforts. C'est
la fable du chien qui portait le dîner de son maître. Croire qu'on
enrayera l'augmentation des dépenses en enlevant aux députés
l'initiative de les proposer est une illusion. Les députés en
seront quittes pour faire proposer ces dépenses par les ministres de
leur choix. Tous les palliatifs semblables ne servent de rien. Tant que subsistera
le sentiment qui porte les hommes à s'entre dépouiller au moyen
des administrations publiques, les budgets augmenteront, jusqu'à ce
qu'enfin, ils produisent la ruine des peuples et qu'un gros dogue prenne la
place de cette meute affamée. Il mangera pour quatre, mais il pourra
encore y avoir économie, s'il empêche de dévorer ceux qui
mangeaient pour huit. En tout cas, étant donné l'état
actuel des choses, je ne crois pas que les progrès du socialisme d'État
puissent s'arrêter. Si vous relisez Taine, vous serez frappé de
l'analogie entre l'état d'esprit des classes dirigeantes, à la
fin du XVIIIè siècle, et leur état d'esprit présent.
Ces classes sont en train de se suicider maintenant comme elles se suicidèrent
alors. C'est une immense veulerie de gens qui savent, à n'en point douter,
qu'on veut les dépouiller et qui, au lieu de résister, chantent
les louanges de la "solidarité", de la "morale sociale",
qui est à proprement parler l'injustice et l'iniquité. Tous ces
beaux discours ne les empêchent pas, d'ailleurs, de donner le mauvais
exemple et de tâcher de spolier ceux qui, un jour, les spolieront à leur
tour. »
C'est donc en ces termes que Vilfredo Pareto écrivait le 28 novembre
1899 au Journal des Économistes pour attirer l'attention des lecteurs
sur « le danger de cette peste sociale » qu'étaient les
progrès du socialisme d'État qu'il constatait et pour les « exciter à redoubler
d'efforts pour propager nos doctrines anti-pesteuses ».
Selon moi, son propos n'a pas une ride en ce début de XXIè siècle:
le socialisme d'État a progressé pas à pas dans le sens
qu'il avait illustré (si on laisse de côté les deux parenthèses
terrifiantes, périodes de temps limitées où il a été réalisé politiquement
et a fait apparaître son fond qu'est le totalitarisme: ce furent le socialisme
national en Allemagne et le socialisme soviétique dans l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques).
Le projet de la constitution européenne fait même apparaître
l'acuité du propos de Pareto : la constitution ne serait-elle pas qu'une
espèce d'étape de la progression ? ne serait-elle pas simplement
le socialisme d'État à l'échelle des vingt-cinq pays membres
de l'Union européenne, voire des 25+x autres qui pourraient entrer...?
Le projet de constitution européenne est à coup sûr, après
le projet sur le principe de précaution, la dernière « peste
sociale » en date.
par MICHEL DE PONCINS, LE FLASH DE TOCQUEVILLE MAGAZINE, 11
AVRIL 2005
Les partisans du « oui » au referendum du 29 mai continuent à égrener
les mensonges et à s'y empêtrer. Il n'est pas possible de les énumérer
tous.
L'un des mensonges les plus en vogue a trait à la signification du vote.
Le pouvoir, qui commence à avoir la tremblote, nous dit sans cesse qu'il
ne faut pas mélanger les problèmes et que le vote concerne uniquement
la constitution européenne. Sous-entendez : "de grâce, ne
nous sanctionnez pas pour les terribles désastres que nous infligeons
aux Français.
Cet appel serait acceptable à la rigueur si la France était un
pays démocratique et non une sorte de ploutocratie totalitaire. Tout
le monde sait que la pratique courante des élus viole chaque jour la
constitution française et que la France est tout à fait le contraire
d'un état de droit.
Les citoyens n'ont jamais l'occasion de s'exprimer, les prétendues élections étant
formidablement truquées comme la presse internationale l'observe régulièrement.
La pratique référendaire est nulle et quand elle se produit c'est
sous étroite surveillance. En Suisse, les citoyens prennent la parole
quand ils veulent, comme ils veulent et sur les sujets qu'ils veulent.
Il est donc parfaitement légitime de s'exprimer par son vote sur le
gouvernement, c'est-à-dire, en clair, de dire non au pouvoir abusif
qui ruine la France.
Notre « non » est un « non » au pouvoir abusif en place.
Autre mensonge parmi d'autres : "l'Europe c'est le plein emploi".
Or c'est tout le contraire : l'Europe c'est le chômage ainsi que les
statistiques le montrent quotidiennement. Rappelons que s'il n'y avait pas
eu l'euro les marchés internationaux n'auraient pas toléré les
35 heures qui ont démoli l'économie française, allant
jusqu'à détruire les urgences dans les hôpitaux et, éventuellement,
provoquer des catastrophes personnelles comme cela s'observe ces jours-ci.
Encore un mensonge : l'Europe libéraliserait l'économie. Les
arguments dans ce sens citent certains domaines où l'Europe a facilité des
privatisations comme dans le transport aérien.
Cela ne veut rien dire : il n'y a nul besoin de l'Europe pour libérer
l'économie. Il faut et suffit d'avoir des hommes de droite au pouvoir.
A contrario, en produisant à jet continu des règlements, l'Europe
fait tomber une chape de plomb de nature socialiste sur tout le continent et
augmente les impôts d'une façon dramatique en particulier par
ses multiples subventions.
Borloo, dont les tendances socialisantes sont connues, vient de dire : « Ce
traité est tout sauf libéral », voulant se défendre
d'ailleurs avec horreur d'être accusé de libéralisme.
Il se glorifie de ce que pour la première fois, le terme de « cohésion
sociale » se trouve dans un traité international. Il doit être
très malin, ce Monsieur, pour savoir ce qu'est la cohésion sociale
: est-ce le fait que 500 banlieues sont des zones de non droit ? Il glorifie
aussi la reconnaissance d'un « modèle social européen. » En
fait c'est glorifier la paupérisation croissante du continent européen.
"
L'Europe sera transparente".
De qui se moque-t-on ?
Martha Anreasen avait été recrutée en 2002 pour faire
un audit de la Commission ; elle n'a tenu que 5 mois, tant la Commission avait
peur de son travail. Le budget est de 150 milliards d'euros et les experts
estiment que 20 % de cette somme immense fait l'objet de fraudes diverses/.
"La Turquie n'est pas en jeu".
Quelle blague. Le 29 octobre 2004, les photos montrent Raffarin, Chirac et
Barnier signant pour la France et, tout de suite après, Erdogan, premier
ministre turc, signant pour la Turquie. De qui se moque-t-on ? Certainement
pas des turcs, donc des électeurs français.
Abreuvé de mensonges divers par les politiques depuis des décennies,
le peuple français reste encore lucide dans ses profondeurs. Espérons
qu'il se réveillera.
Chers collègues et amis
Après six mois de réflexion intense, se cristallise une argumentation autour du "traité constitutionnel", à partir de lui mais au-delà de lui, une argumentation qui n’est ni de droite ni de gauche, et qui montre un danger historique pour nous tous, au-dessus de la politique. Pour ces raisons, cette courte argumentation devrait intéresser les citoyens de tout bord.
Il y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe, "pour avancer", même si je savais bien que les institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que l’immense majorité des européens, au-delà des clivages gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie, plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix, consensuel, très majoritaire.
Je n’avais pas lu le texte et je n’avais absolument pas le temps : trop de travail… Et puis l’Europe c’est loin, et puis avec tous ces hommes politiques, je me sentais protégé par le nombre : en cas de dérive, il allait bien y en avoir quelques uns pour nous défendre… et je me dispensais de "faire de la politique", c’est-à-dire que je me dispensais de m’occuper de mes propres affaires.
Déjà des appels s’élevaient contre le traité,
mais ils venaient des extrêmes de l’échiquier politique
et pour cette simple raison, je ne commençais même pas à lire
leurs arguments, restant en confiance dans le flot de l’avis du plus
grand nombre sans vérifier par moi-même la force des idées
en présence.
Et puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes d’être
antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels, sans souci des étiquettes,
et j’ai trouvé les arguments très forts. Je me suis mis à lire,
beaucoup, des livres entiers, de tout bord, Fabius, Stauss-Khann, Giscard,
Jennar, Fitoussi, Généreux, etc. et beaucoup plus d’articles
des partisans du traité parce que je voulais être sûr de
ne pas me tromper. Et plus je lis, plus je suis inquiet. Finalement, aujourd’hui,
je ne pense plus qu’à ça, je ne dors presque plus, j’ai
peur, simplement, de perdre l’essentiel : la protection contre l’arbitraire.
Je
continue aujourd’hui à lire toutes les interventions, ceux
qui sont pour, ceux qui sont contre, je continue à chercher où est
la faille dans mon raisonnement et le présent texte est un appel à réfléchir
et à progresser : si vous sentez une faille, parlons-en, s’il
vous plaît, tranquillement, honnêtement, c’est très
important. Je peux me tromper, je cherche sincèrement à l’éviter,
réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien.
Je sens que c’est ma mission de professeur de droit d’en parler
un peu plus que les autres, d’en parler avec mes collègues, mais
aussi à mes élèves, aussi aux journalistes. Je serais
complice si je restais coi.
J’ai ainsi trouvé plus de dix raisons graves de s’opposer à ce
texte extrêmement dangereux, et encore dix autres raisons de rejeter
un texte désagréable, pas fraternel du tout en réalité.
Mais les cinq raisons les plus fortes, les plus convaincantes, celles qui traversent
toutes les opinions politiques parce qu’elles remettent en cause carrément
la possibilité d’avoir une réflexion politique, me sont
apparues tardivement car il faut beaucoup y réfléchir pour les
mettre en évidence. Ce sont ces raisons-là, les cinq plus importantes,
sur lesquelles je voudrais attirer votre attention et solliciter votre avis
pour que nous en parlions ensemble, puisque les journalistes nous privent de
débats publics.
Dans cette affaire d'État, les fondements du droit constitutionnel sont
bafoués, ce qui rappelle au premier plan cinq principes transmis par
nos aïeux. Les principes 4 et 5 sont les plus importants.
1. Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire
: ce texte-là est illisible.
2. Une Constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là est
partisan.
3. Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par
une exigence de double unanimité.
4. Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation
des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là organise
un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et
largement irresponsable. 5. Une Constitution n’est pas octroyée
par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément
pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers
une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça
et révoquée après : ce texte-là entérine
des institutions européennes qui ont été écrites
depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.
Premier principe de droit constitutionnel : une Constitution est un texte lisible.
Le "traité constitutionnel" est beaucoup trop long (1) : 852
pages A4, une ramette et demie. Cette longueur est unique au monde pour une
Constitution, ce qui la rend simplement illisible.
Cette longueur interdit la critique. C’est tout sauf un détail.
Les 70% d’espagnols votants qui ont approuvé ce texte, comme les
60% qui se sont abstenus, ne l'ont pas lu : ni les ministres, ni les parlementaires,
ni les professeurs, ni les journalistes, ni les citoyens, qui ont tous autre
chose à faire : qui a le temps matériel de lire 850 pages A4
? Il suffit de se poser la question pour soi-même : ce n’est pas
différent pour les autres.
Ces citoyens prennent ainsi le risque majeur, pour eux, mais aussi pour leurs
enfants et leurs petits enfants, de découvrir trop tard ce qu'ils ne
pourront plus changer.
Il faut évidemment lire et comprendre ce que l'on signe. Ou bien, on
refuse de signer.
Même s'il était simple (et il ne l'est pas), un texte aussi long
ne permet pas de le juger avec discernement.
Et pourtant, il faut bien avoir un avis. Comment faire pour avoir un avis sur
un texte qu'on ne peut pas lire ? En s’alignant sur "les autres",
on se rassure, comme les moutons de Panurge.
Cette longueur extravagante est, par elle-même, non démocratique
: on éloigne ainsi les curieux. On observe ces temps-ci comme cette
vieille technique obscurantiste marche bien : l’unanimisme ambiant repose
sur des malentendus rendus possibles par un texte illisible.
Une Constitution est la loi fondamentale, elle doit pouvoir être lue
par tous, pour être approuvée ou rejetée en connaissance
de cause.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? Deuxième principe de
droit constitutionnel : une Constitution est un texte neutre, elle permet le
débat politique sans en imposer l'issue Une Constitution démocratique
n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas socialiste ou libérale,
une Constitution n'est pas partisane : elle rend possible le débat politique,
elle est au-dessus du débat politique.
À
l’inverse, ce "traité constitutionnel", en plus de fixer
la règle du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même ! En
imposant dans toutes ses parties (2) (I, II et surtout III) des contraintes,
ce texte n'est pas neutre politiquement, il impose pour toujours des choix
de politique économique qui doivent évidemment dépendre
du débat politique quotidien, variable selon la conjoncture.
Notamment, ce texte confirme pour toujours que l’Europe se prive elle-même
des trois principaux leviers économiques qui permettent à tous
les États du monde de gouverner : pas de politique monétaire
(banque centrale indépendante, n’ayant comme seule mission, constitutionnelle,
intangible, que la lutte contre l’inflation et aucunement l’emploi
ou la croissance (3), pas de politique budgétaire (pacte de stabilité (4)
et pas de politique industrielle (interdiction de toute entrave à la
concurrence (5), donc interdiction d’aider certains acteurs nationaux).
C’est une politique de l’impuissance économique (6) qui
est ainsi institutionnalisée, imposée pour longtemps.
Ce texte infantilise les citoyens d'Europe : il nous prive tous de l'intérêt
de réfléchir à des alternatives. À quoi bon continuer
le débat politique, en effet, puisque toute alternative réelle
est expressément interdite dans le texte suprême ? Mise à part
la constitution soviétique (qui imposait, elle aussi, une politique,
le collectivisme), cette constitution partisane serait un cas unique au monde.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? Troisième principe de
droit constitutionnel : >une Constitution démocratique est révisable
Le "traité constitutionnel" est beaucoup trop difficilement
révisable (7) : pour changer une virgule à ce texte, il faut
d'abord l'unanimité des gouvernements pour tomber d'accord sur un projet
de révision, puis il faut l'unanimité des peuples (parlements
ou référendums) pour le ratifier.
Avec 25 États, cette procédure de double unanimité est
une vraie garantie d'intangibilité pour les partisans de l'immobilisme.
Ce texte est pétrifié dès sa naissance.
C'est inacceptable pour une Constitution (8) et ce serait, là encore,
un cas unique au monde.
Mettre en avant le mot "traité" pour prétendre que
l'unanimité est normale (ce qui est vrai en matière de traités)
est malhonnête : cette supercherie de l'oxymore "Traité constitutionnel" (assemblage
de mots contradictoires) permet ainsi, en jouant sur les mots, de créer
une nouvelle norme suprême en s'affranchissant de la lourde procédure
constituante.
Le traité de Nice est temporaire (horizon 2009). Le "traité constitutionnel",
lui, est exécutoire sans limitation de durée (9), et sa force
juridique est supérieure à toutes nos normes nationales (règlements,
lois, Constitution), et même à tous nos traités (10). Ce
texte n'est évidemment pas un simple traité comme ceux qui l’ont
précédé. C'est une tromperie de le prétendre.
Au sujet de la révision liée à l’entrée de
la Turquie, la mention dans notre Constitution nationale du référendum
obligatoire pour l'entrée d’un État dans l'UE est un attrape-nigaud
: en effet, avec le "traité constitutionnel", notre Constitution
nationale devient un texte de rang inférieur au moindre règlement
européen10 et ne nous protège donc plus de rien dans tous les
domaines où l'Europe prend le pouvoir, c’est-à-dire presque
partout (11).
D'autre part, ceux qui sont rassurés par l'unanimité requise
par le traité pour l'entrée d'un nouvel État dans l'UE
oublient que ce n'est pas l'unanimité des peuples consultés par
référendum : c'est la simple unanimité des 25 représentants
des gouvernements (12) (dont beaucoup ne sont pas élus, et dont aucun
ne l'est avec le mandat de décider sur ce point essentiel), ce qui est
très différent.
Donc, avec ce "traité constitutionnel", rien ne peut garantir
que les peuples seront directement consultés dans cette affaire turque,
ni dans les suivantes. Tout indique au contraire que la volonté des
peuples compte de moins en moins pour ceux qui les gouvernent.
Le lancement récent des négociations avec la Turquie, alors que
de nombreux sondages révèlent une opposition massive à cette
intégration, montre bien le peu de cas que font les hommes au pouvoir
de leur opinion publique quand ils n'ont pas de compte à rendre. Hors
la garantie des textes supérieurs, point de garantie.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? Quatrième principe de
droit constitutionnel : une Constitution démocratique garantit contre
l'arbitraire en assurant à la fois >la séparation des pouvoirs
et le contrôle des pouvoirs L'esprit des lois décrit par Montesquieu
est sans doute la meilleure idée de toute l'histoire de l'Humanité :
tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement, à l'abus
de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger les humains contre
la tyrannie, d'abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d'organiser
le contrôle des pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs, et pas de pouvoir
sans contre-pouvoirs.
Ainsi le peuple dit : « Toi, tu fais les lois, mais tu ne les exécutes
pas. Et toi, tu exécutes les lois, mais tu ne peux pas les écrire
toi-même. » Ainsi, aucun pouvoir n’a, à lui seul,
les moyens de devenir un tyran. « D’autre part, si l’un des
pouvoirs estime que l’autre a un comportement inacceptable, il peut le
révoquer : l’assemblée peut renverser le gouvernement,
et le gouvernement peut dissoudre l’assemblée. Dans les deux cas,
on en appelle alors à l’arbitrage (élection) du peuple
qui doit rester la source unique de tous les pouvoirs. » C’est ça,
la meilleure idée du monde, la source profonde de notre quiétude
quotidienne.
Foulant aux pieds ces principes fondateurs de la démocratie, le "traité constitutionnel" entérine
au contraire l'attribution de tous les pouvoirs au couple exécutif Conseil
des ministres + Commission : c’est ainsi que le pouvoir législatif
(l’exécutif européen a l’exclusivité de l'initiative
des lois ! (13)), le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire (c'est
l’exécutif qui intente, ou pas, les actions en justice aux fins
de respect de la Constitution (14)) sont dans les mêmes mains ! Avec
la confusion des pouvoirs, c’est un premier rempart essentiel contre
la tyrannie qui nous échappe ! Avec une certaine cohérence, ce
texte prive aussi le Parlement européen des pouvoirs élémentaires
et essentiels que lui confère pourtant traditionnellement son élection
au suffrage universel direct : le parlement européen n'a pas l'initiative
des lois.
Ceci est un vice rédhibitoire, absolument pas négociable. Si
on laisse passer ça, on est fous.
Le Parlement européen n'a également aucun moyen sérieux
de contrôler et d'infléchir la politique menée par l'exécutif.
Dans le meilleur des cas, il légifère en codécision (15).
Il y a même une série de sujets qui lui échappent totalement
! (16).
Nombreux sont les "responsables" de l'exécutif européen, à commencer
par les commissaires (17), mais surtout le Conseil des ministres, qui créent
des normes contraignantes et n'ont pourtant de comptes à rendre à personne
au Parlement. Un pouvoir immense sans contre-pouvoirs.
Le Parlement européen ne peut pas mettre en cause un commissaire, il
ne peut que révoquer en bloc la commission et seulement pour un usage
pénal, pas pour sanctionner la politique de la commission, ce qui limite
considérablement son influence. Le Parlement européen ne peut
pas renverser le Conseil des Ministres qui est donc absolument irresponsable.
Exemple de la toute puissance des commissaires : le commissaire chargé du
commerce international est le représentant unique de l’Union dans
toutes les négociations internationales (OMC et autres). À lui
seul, cet homme concentre donc un pouvoir vertigineux. C’est à ce
titre qu’il négocie l’AGCS (Accord général
sur les services, version mondiale de la directive Bolkestein) au nom de tous
les européens, mais dans le plus grand secret : il ne rend aucun compte
au Parlement des négociations qu’il mène sur un accord
qui va pourtant profondément changer la vie de tous les européens,
et le Parlement ne peut pas lui imposer de rendre des comptes (18). On peut
donc déjà observer des signes tangibles d’une dérive
de type tyrannique. Et le "traité constitutionnel" verrouille
pour longtemps un déséquilibre institutionnel qui le permet.
L’affaiblissement du contrôle parlementaire, c’est un deuxième
rempart essentiel contre la tyrannie qui disparaît.
C'est ce que, depuis vingt ans, les manuels scolaires des étudiants
en sciences politiques appellent pudiquement le "déficit démocratique" de
l'UE. Un terme bien anodin pour désigner en fait une trahison des peuples,
trop confiants en ceux qu'ils ont désignés pour les défendre.
Toutes les conversations des citoyens devraient analyser ce recul historique,
ce cancer de la démocratie : dans les institutions européennes,
le Parlement, seule instance porteuse de la souveraineté populaire par
le jeu du suffrage universel direct, est privé à la fois de son
pouvoir normatif et de son pouvoir de contrôle, pendant que la confusion
des pouvoirs la plus dangereuse est réalisée dans les mains d'un
exécutif largement irresponsable.
C'est la porte grande ouverte à l'arbitraire.
Comment les analystes et commentateurs peuvent-ils glisser là-dessus
comme si c'était secondaire ? C'est l'Europe à tout prix ? N'importe
quelle Europe ? Même non démocratique ?! On n'a pas le droit d'en
parler sans être qualifié d’antieuropéen ? On nous
dit : « ce texte est meilleur qu’avant, il faudrait être
idiot pour refuser de progresser ». C’est masquer qu’avec
ce texte, on ne ferait pas que progresser : on figerait, on bloquerait, on
entérinerait, on renforcerait, on donnerait pour la première
fois une caution populaire aux auteurs du texte qui s’en sont dispensés
jusque-là, on voit pour quel résultat.
Même mieux qu’avant, le texte proposé est absolument inacceptable,
très dangereux.
Montesquieu doit se retourner dans sa tombe.
Les partisans du traité présentent comme une avancée majeure
le fait que désormais, avec ce texte, le Parlement votera le budget
(19). Est-ce qu'on se rend compte de la gravité de la situation ? Aujourd'hui,
le Parlement européen ne vote même pas le budget ! Il faut garder à l’esprit
que, si le Parlement est faible, ce sont les citoyens qui sont faibles.
L'avancée (réelle) sur le budget est une manœuvre qui ne
doit pas masquer l'inacceptable faiblesse : si les citoyens valident eux-mêmes
que leur Parlement n'ait définitivement pas l'initiative des lois, ils
se font politiquement hara-kiri.
Triste paradoxe que ces peuples, mal informés, qui accepteraient eux-mêmes
le recul du contrôle parlementaire, c’est-à-dire du principal
rempart qui les protège de l’injuste loi du plus fort.
Il deviendrait alors inutile, pour les citoyens, d'avoir une réflexion
et une opinion politique dès lors que disparaîtrait la courroie
de transmission du Parlement (la seule qui transforme nos opinions politiques
individuelles en décisions et en normes juridiques générales).
Ceux qui claironnent la naissance d'un référendum d'initiative
populaire à l'initiative d'un million de citoyens (20) sont des menteurs
ou ne savent pas lire : le traité ne définit qu'un misérable
droit de pétition sans aucune force contraignante pour la Commission
qui n'est qu'invitée à réfléchir et qui peut parfaitement
jeter la proposition à la poubelle sans se justifier (21).
De la même façon, les beaux principes généraux et
généreux, claironnés partout, privés de leurs modalités
pratiques d'application, n'ont pas de force contraignante et font ainsi illusion.
Partout, ce texte est en trompe-l'œil pour masquer une maladie mortelle
pour la démocratie : progressivement et subrepticement, en affirmant
le contraire sans vergogne, les exécutifs nationaux, de droite comme
de gauche, à l'occasion de la naissance de l'Europe, sont en train,
en cinquante ans, de s'affranchir du contrôle parlementaire.
Les hommes politiques au pouvoir ne sont pourtant pas propriétaires
de la souveraineté populaire qu'ils n’incarnent que temporairement
: ni le gouvernement ni le parlement ne peuvent l'abdiquer (ou la confisquer)
; seul le peuple, lui-même, directement et en connaissance de cause,
le peut.
De ce point de vue, les nombreux gouvernements qui ont fait ratifier ce texte
par leur Parlement national (22), plutôt que par leur peuple (référendum),
signent une véritable forfaiture : les peuples de ces pays sont ainsi
privés à la fois du débat et de l’expression directe
qui leur aurait permis de résister au recul du contrôle parlementaire
qui les expose immanquablement aux tyrans à venir.
C’est une juste cause d’émeute (23).
Ce mépris des peuples et de leurs choix réels est très
révélateur du danger qui grandit dans la plus grande discrétion
: nos élites, de droite comme de gauche, se méfient de la démocratie
et nous en privent délibérément, progressivement et insidieusement.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? Cinquième principe de
droit constitutionnel : une Constitution démocratique est forcément établie
par une assemblée indépendante des pouvoirs en place Une Constitution
n’est pas octroyée au peuple par les puissants. Elle est définie
par le peuple lui-même, précisément pour se protéger
de l’arbitraire des puissants.
À
l’inverse, les institutions européennes ont été écrites
(depuis cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui sont donc évidemment
juges et parties : de droite comme de gauche, en fixant eux-mêmes les
contraintes qui allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été conduits,
c'est humain mais c'est aussi prévisible, à une dangereuse partialité.
C'est, là encore, un cas unique au monde, pour une démocratie.
Et on observe les résultats comme une caricature de ce qu'il faut éviter
: un exécutif tout puissant et un Parlement fantoche, une apparence
de démocratie avec des trompe-l'œil partout, mais un recul réel
et profond du contrôle parlementaire, de la souveraineté des peuples
et de la garantie contre l'arbitraire.
La seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré et
protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs
en place, élue pour élaborer une Constitution, rien que pour ça,
et révoquée après.
C'est aux citoyens d'imposer cette procédure si les responsables politiques
tentent de s'en affranchir.
La composition assez variée de la Convention Giscard n'est pas un argument
satisfaisant : cette convention est une mauvaise parodie, on est à mille
lieues d'une assemblée Constituante : ses membres n'ont pas été élus
avec ce mandat, ses membres n'étaient pas tous indépendants des
pouvoirs en place, ils n'avaient pas les pouvoirs pour écrire un texte équilibré et
démocratique : ils ont simplement validé, compilé (et
légèrement modifié) les textes antérieurs écrits
par des acteurs à la fois partisans et partiaux.
La réécriture du texte par les gouvernants au pouvoir, pendant
encore une année après que la Convention ait rendu sa proposition,
est une énormité de plus, sous l’angle constitutionnel
(24).
Tous les vices antidémocratiques du "traité constitutionnel" viennent
sans doute de cette erreur centrale, commise depuis l'origine, sur la source
du droit fondamental, qui ne peut être qu'une assemblée constituante
indépendante, élue sur ce seul mandat.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? Conclusion Finalement, ce "traité constitutionnel" est
un détonateur, un révélateur, qui met en lumière
ce qui se trame discrètement depuis longtemps.
D'une certaine façon, le loup est sorti du bois et les citoyens peuvent
enfin voir le grand danger, et résister.
Une des grandes erreurs, c’est de faire passer l’économique
avant le politique, c’est de confier la barre aux économistes
alors qu’ils devraient rester dans les soutes pour faire tourner le moteur.
En prônant la liberté comme une valeur supérieure, au lieu
de la fraternité, en détruisant la régulation par l’État,
gardien de l’intérêt général, pour instaurer
la régulation par le marché, somme d’intérêts
particuliers, les économistes libéraux s’en prennent aux
fondements de la démocratie pour affranchir les principaux décideurs économiques
de tout contrôle.
La dérégulation systématique menée en Europe (institutions,
politique et verrou de la Constitution), et plus généralement
sur la terre entière (OMC, AGCS, ADPIC) est un recul de la civilisation,
un retour vers la barbarie de la loi du plus fort (25).
Par optimisme, par crédulité, par indifférence, les peuples
modernes laissent s'affaiblir leur bien le plus précieux, très
rare sur cette planète, celui qui conditionne leur sérénité quotidienne
: les différentes protections contre l'arbitraire des hommes forts,
depuis le cœur des entreprises (droits sociaux) jusqu'à la patrie
(institutions démocratiques contrôlées et révocables).
La démocratie n'est pas éternelle, elle est même extrêmement
fragile. En la croyant invulnérable, nous sommes en train de la laisser
perdre. Même après le refus de ce texte-là, il faudra se
battre pour la garder, et continuer à militer pour imposer à nos
représentants de construire une autre Europe, simplement démocratique.
Mais ce texte fondateur en trompe-l'œil est présenté aux
citoyens à travers un débat lui aussi en trompe-l'œil (26).
De nombreux journalistes, en assimilant les opposants au texte à des
opposants à l'Europe, font un amalgame malhonnête : la double égalité "Oui
au traité=Oui à l'Europe, Non au traité=Non à l'Europe" est
un mensonge insultant, une inversion de la réalité, un slogan
trompeur jamais démontré, fait pour séduire ceux qui n'ont
pas lu le traité et qui n'ont pas étudié les arguments,
pourtant très forts, de ceux qui s’opposent à ce traité précisément
pour protéger la perspective d’une Europe démocratique.
La responsabilité des journalistes est ici historique : n'y aura-t-il
en France aucun journaliste honnête pour faire écho de façon équitable
aux deux positions proeuropéennes, oui et non ? N'y aura-t-il en France
aucun journal, aucune émission, pour organiser les débats contradictoires
indispensables pour se forger une opinion éclairée ? C'est, pour
l'instant, l'Internet qui est le média le plus démocratique,
non censuré, le meilleur outil pour résister. Si ce message vous
semble utile, diffusez-le vite dans vos propres réseaux et au-delà de
l’Internet, sur papier.
On ne naît pas citoyen : on le devient.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes,
de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ? À l’heure de choix
aussi essentiels, difficiles et dangereux que ceux qui fondent une Constitution, à quoi
servent donc les journalistes ? À quoi servent les professeurs de droit
? Étienne Chouard, Marseille.
http://etienne.chouard.free.fr BIBLIOGRAPHIE Parmi les livres et articles que
j’ai lu depuis six mois, tous profondément proeuropéens,
certains aident particulièrement à se forger une opinion construite
et solidement argumentée contre ce texte dangereux, et plus généralement
sur la construction européenne et la dérégulation mondiale
: Raoul Marc Jennar, « Europe, la trahison des élites »,
280 pages, décembre 2004, Fayard : pour un réquisitoire rigoureux
et passionnant. Une étude consternante des rouages européens
et des dérives foncièrement antidémocratiques de cette
Europe qui ment tout le temps. Comment la défense des intérêts
privés des grands groupes a d’ores et déjà pris
la place de celle de l’intérêt général. Les
chapitres sur l’OMC, l’AGCS et l’ADPIC sont absolument é-di-fiants.
Un livre essentiel, à lire d’urgence.
Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, a écrit dans le
Monde, le 11 mars 2005, un article très puissant qui résume parfaitement
l’essentiel de l’essentiel : « Qui veut de la post-démocratie
? » : http://www.lemonde.fr/web/imprimer_article/0,1-0@2-3232,36 -401231,0.html.
Un article court (une page) et très dense : important, percutant, à lire
absolument.
Raoul Marc Jennar, « Quand l’Union Européenne tue l’Europe »,
40 pages, janvier 2005 : brochure résumant un argumentaire serré contre
le "traité constitutionnel". Également un DVD où Jennar
présente lui-même, de façon pédagogique, très
posée, trois exposés sur l’AGCS, la directive Bolkestein
et le traité constitutionnel. On y sent très fortement la terrifiante
cohérence qui relie ces textes. Documents importants disponibles sur
www.urfig.org.
Jean-Claude Fitoussi, économiste, « La politique de l’impuissance »,
160 pages, janvier 2005, Arléa : un passionnant petit livre d’entretiens
avec Jean-Claude Guillebaud pour comprendre comment l’Europe abandonne
sciemment la démocratie et renonce à l’intervention économique
des États.
Jacques Généreux, économiste, « Manuel critique
du parfait européen – Les bonnes raisons de dire "non" à la
constitution », 165 pages, février 2005, Seuil : encore un excellent
petit livre, très clair, vivant, incisif, très argumenté,
avec une tonalité à la fois économique et très
humaine. Encore un enthousiasmant plaidoyer pour une vraie Europe ! Yves Salesse,
membre du Conseil d’État, « Manifeste pour une autre Europe »,
120 page, janvier 2005, Le Félin : un argumentaire précis, rigoureux,
constructif. Agréable à lire et très instructif.
Yves Salesse a également rédigé, lui aussi, un article
plus court qui résume en 10 pages son analyse : « Dire non à la "constitution" européenne
pour construire l’Europe » : http://www.fondation-copernic.org/Flash-septembre2004.pdf.
Ces temps-ci, une source majeure d’information non censurée, très
orientée politiquement (à gauche), mais absolument foisonnante,
est le site portail www.rezo.net. J’y trouve chaque jour au moins un
document intéressant.
Bernard Maris, « Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie »,
novembre 1999, Albin Michel : pour une démonstration de l’imposture
de "l’indispensable guerre économique", avec un parallèle
très convaincant avec la guerre de 1914 : comme d’habitude, la
guerre n'est pas inévitable, et ceux qui poussent à faire la
guerre ne sont pas ceux qui se battent et qui souffrent. Un bel appel à la
désertion. À mettre en parallèle avec la religion de la
concurrence (compétition) sans entrave, rabachée par le "traité constitutionnel" qui,
finalement, monte les États et les peuples les uns contre les autres, à coups
de dumping social, fiscal, et environnemental.
Joseph E. Stiglitz, « La grande désillusion », 324 pages,
sept. 2003, Fayard : un pavé dans la mare : un grand économiste
libéral, patron de la banque mondiale, qui a travaillé avec les
plus grands hommes de ce monde, et qui décrit en détail le dogmatisme
aveugle et criminel des technocrates libéraux du FMI et ses conséquences
sur les économies et les peuples. Un style soigné, 0% de matière
grasse. Un grand bouquin, une référence. À lire.
Agnès Bertrand et Laurence Kalafatides, « OMC, le pouvoir invisible »,
325 pages, juillet 2003, Fayard : un livre palpitant et éclairant pour
comprendre les objectifs et les moyens de cette énorme machine à déréguler
que sont le GATT puis l’OMC, outils de contrainte pour les États
mais jamais pour les entreprises. Ce livre permet de ressentir fortement la
parfaite cohérence qui existe entre les objectifs et les influences
de l’OMC et ceux de la construction européenne actuelle.
Pour comprendre la logique d’ensemble de ce qui prend forme au niveau
planétaire, il faut lire l’article à la fois terrifiant
et lumineux de Lori M. Wallach, « Le nouveau manifeste du capitalisme
mondial », dans Le Monde Diplomatique de février 1998, à propos
de l’Accord Multilatéral sur l’investissement (AMI), (une
de ces « décisions Dracula », appelées ainsi parce
qu’elles ne supportent pas la lumière, tellement elles sont évidemment
inacceptables) : http://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/WALLACH/10055. On
y perçoit clairement, comme grâce à une caricature, la
logique qui sous-tend de nombreux textes et accords essentiels en préparation
aujourd’hui : AGCS, Construction européenne libérale, OMC,
ADPIC, directive Bolkestein, etc. La parenté de tous ces textes devient évidente
: un redoutable « air de famille ».
NOTES 1. Constitution européenne : Comment se procurer le texte intégral
? http://www.constitution-europeenne.fr À lire avant de voter : a/ Le
traité établissant une Constitution pour l’Europe - 349
pages.
b/ Les protocoles et annexes I et II - 382 pages. Document nommé "Addendum
1 au document CIG 87/04 REV 1.
c/ Les déclarations à annexer à l’acte final de
la CIG et l’acte final - 121 pages. Doc. Nommé "Addendum
2 au document CIG 87/04 REV 2.
Total : 349 + 382 + 121 = 852 pages.
Pourtant, tout n’y figure pas : des définitions aussi essentielles
que celle des SIEG, services d’intérêt économique
général, (cités aux art. II-96, III-122, III-166), à ne
surtout pas confondre avec les services publics, ne figurent pas dans les 852
pages : il faut, dans cet exemple, consulter le "livre blanc" de
la Commission pour apprendre que les SIG et SIEG n’ont rien à voir
avec les services publics.
Rappel : à titre de comparaison, les Constitutions françaises
et américaines font chacune environ 20 pages.
2. Les instructions impératives de type politique sont trop nombreuses
pour les citer toutes. Entre autres, plus de trois cents articles de la partie
III fixent en détail les politiques économiques de l’Union.
3. Indépendance et missions de la banque centrale : art. I-30 : « §1
(…) La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales
des États membres dont la monnaie est l'euro, qui constituent l'Eurosystème,
conduisent la politique monétaire de l'Union. §2. Le Système
européen de banques centrales est dirigé par les organes de décision
de la Banque centrale européenne. L'objectif principal du Système
européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des
prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques
générales dans l'Union pour contribuer à la réalisation
des objectifs de celle-ci. Il conduit toute autre mission de banque centrale
conformément à la partie III et au statut du Système européen
de banques centrales et de la Banque centrale européenne. §3. La
Banque centrale européenne est une institution. Elle a la personnalité juridique.
Elle est seule habilitée à autoriser l'émission de l'euro.
Elle est indépendante dans l'exercice de ses pouvoirs et dans la gestion
de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l'Union ainsi que
les gouvernements des États membres respectent cette indépendance. » et
art. III-188 : « ni la Banque centrale européenne, ni une banque
centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision
ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes
ou organismes de l'Union, des gouvernements des États membres ou de
tout autre organisme. » 4. Pacte de stabilité : art. III-184 (2
pages) et art. 1 du protocole n°10 sur la procédure concernant les
déficits excessifs « Les valeurs de référence visées à l'article
III-184, paragraphe 2, de la Constitution sont les suivantes : a) 3 % pour
le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit
intérieur brut aux prix du marché; b) 60 % pour le rapport entre
la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché. » 5
Interdiction de fausser la concurrence : cette interdiction est partout dans
le texte, elle est formelle et contraignante, également à l’encontre
des services publics : Art. III-166 : « §1. Les États membres,
en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles
ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni
ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l'article
I-4, paragraphe 2 [non discrimination], et aux articles III-161 à III-169
[règles de concurrence]. §2. Les entreprises chargées de
la gestion de services d'intérêt économique général
ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises
aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence,
dans la mesure où l'application de ces dispositions ne fait pas échec à l'accomplissement
en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.
Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans
une mesure contraire à l'intérêt de l'Union. §3. La
Commission veille à l'application du présent article et adopte,
en tant que de besoin, les règlements ou décisions européens
appropriés. » 6 « La politique de l’impuissance » :
voir le petit livre lumineux de Jean-Claude Fitoussi qui démontre cette
dépossession progressive des responsables politiques par méfiance
de la démocratie. Voir surtout le livre enthousiasmant de Jacques Généreux, « Manuel
critique du parfait européen » qui proteste, lui aussi, contre
le sabordage des outils européens d’intervention économique,
et contre le dogmatisme aveugle qui soutient cette folie unique au monde.
7. Procédure de révision : art. IV-443.3 : « Une Conférence
des représentants des gouvernements des États membres est convoquée
par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord
les modifications à apporter au présent traité. Les modifications
entrent en vigueur après avoir été ratifiées par
tous les États membres conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives. » 8. Rappel : l’article 28 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’an
I de la République française (1793) précisait : « Un
peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution.
Une génération ne peut pas assujettir à ses lois les générations
futures. » 9. Durée d’application du texte : Art. IV-446
: « Le présent traité est conclu pour une durée
illimitée. » 10 Force supérieure des normes européennes
sur toutes les autres normes, nationales et internationales : Art. I-6 : « La
Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans
l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci,
priment le droit des États membres. » Art. I-12 : « §1.
Lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence exclusive
dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer
et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres
ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par
l'Union, ou pour mettre en oeuvre les actes de l'Union. ». Parmi les
compétences exclusives, voir l’art.I-13, §1 : « e)
la politique commerciale commune. »… Les parlements nationaux sont
ainsi totalement dépouillés, par exemple, de la moindre capacité d’influencer
les accords commerciaux internationaux (AGCS, ADPIC et autres avatars de l’OMC),
alors que la vie des citoyens est promise à des bouleversements majeurs à l’occa¹sion
de ces accords qui se préparent dans la plus grande discrétion.
Art. I-33 : « Les actes juridiques de l'Union : Les institutions, pour
exercer les compétences de l'Union, utilisent comme instruments juridiques,
conformément à la partie III, la loi européenne, la loi-cadre
européenne, le règlement européen, la décision
européenne, les recommandations et les avis. La loi européenne
est un acte législatif de portée générale. Elle
est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable
dans tout État membre. La loi-cadre européenne est un acte législatif
qui lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre,
tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix
de la forme et des moyens. Le règlement européen est un acte
non législatif de portée générale pour la mise
en oeuvre des actes législatifs et de certaines dispositions de la Constitution.
Il peut soit être obligatoire dans tous ses éléments et
directement applicable dans tout État membre, soit lier tout État
membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant
aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et
des moyens. La décision européenne est un acte non législatif
obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne
des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Les recommandations
et les avis n'ont pas d'effet contraignant. » 11. Liste des domaines
où l’Europe est compétente : Article I-13 : « Les
domaines de compétence exclusive : ¨1. L'Union dispose d'une compétence
exclusive dans les domaines suivants : a) l'union douanière; b)
l'établissement
des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur;
c) la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie
est l'euro; d) la conservation des ressources biologiques de la mer dans le
cadre de la politique commune de la pêche; e) la politique commerciale
commune. ¨2. L'Union dispose également d'une compétence exclusive
pour la conclusion d'un accord international lorsque cette conclusion est prévue
dans un acte législatif de l'Union, ou est nécessaire pour lui
permettre d'exercer sa compétence interne, ou dans la mesure où elle
est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer
la portée. » Article I-14 : « Les domaines de compétence
partagée : (…) ¨2. Les compétences partagées
entre l'Union et les États membres s'appliquent aux principaux domaines
suivants : a) le marché intérieur; b) la politique sociale,
pour les aspects définis dans la partie III; c) la cohésion économique,
sociale et territoriale; d) l'agriculture et la pêche, à l'exclusion
de la conservation des ressources biologiques de la mer; e) l'environnement;
f) la protection des consommateurs; g) les transports; h) les réseaux
transeuropéens; i) l'énergie; j) l'espace de liberté,
de sécurité et de justice; k) les enjeux communs de sécurité en
matière de santé publique, pour les aspects définis dans
la partie III. (…)».
12 Procédure de ratification pour l’entrée d’un nouvel État
dans l’UE : Article I-58 : « Critères d'éligibilité et
procédure d'adhésion à l'Union : (…) ¨2. Tout État
européen qui souhaite devenir membre de l'Union adresse sa demande au
Conseil. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés
de cette demande. Le Conseil statue à l'unanimité après
avoir consulté la Commission et après approbation du Parlement
européen, qui se prononce à la majorité des membres qui
le composent. Les conditions et les modalités de l'admission font l'objet
d'un accord entre les États membres et l'État candidat. Cet accord
est soumis par tous les États contractants à ratification, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives. » 13 Exclusivité de
l’initiative des lois pour l’exécutif : article I-26 : « (…) ¨2.
Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur
proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en
dispose autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de
la Commission lorsque la Constitution le prévoit. » 14. Pouvoir
de lancer les procédures judiciaires ou pas : Article I-26 : « La
Commission européenne : ¨1. La Commission promeut l'intérêt
général de l'Union et prend les initiatives appropriées à cette
fin. Elle veille à l'application de la Constitution ainsi que des mesures
adoptées par les institutions en vertu de celle-ci. Elle surveille l'application
du droit de l'Union sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union
européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes.
Elle exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion
conformément aux conditions prévues par la Constitution. À l'exception
de la politique étrangère et de sécurité commune
et des autres cas prévus par la Constitution, elle assure la représentation
extérieure de l'Union. Elle prend les initiatives de la programmation
annuelle et pluriannuelle de l'Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. » 15.
Domaines où le Parlement est habilité à légiférer
en codécision ("procédure législative ordinaire" de
l’art. III-396) : Art. I-34, §1 : « Les lois et lois-cadres
européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission,
conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément à la
procédure législative ordinaire visée à l'article
III-396. Si les deux institutions ne parviennent pas à un accord, l'acte
en question n'est pas adopté. » Pas de liste des domaines de codécision,
donc, apparemment : il faut partir à la pêche dans les 850 pages
pour trouver les articles qui prévoient la procédure législative
ordinaire, et donc la codécision. Voir la note suivante.
16. Domaines exclusifs, où l’exécutif peut légiférer
seul : art. I-34, §2 : « Dans les cas spécifiques prévus
par la Constitution, les lois et lois-cadres européennes sont adoptées
par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci
avec la participation du Parlement européen, conformément à des
procédures législatives spéciales.» ici non plus,
apparemment, pas de liste des "domaines réservés à l’exécutif-législateur" (Montesquieu
souffre sans doute dans sa tombe que cet oxymore ose exister), donc : il faut
partir à la pêche dans les 850 pages pour trouver les articles
qui prévoient une procédure législative spéciale… Ces
domaines étant en quelque sorte une zone franche de contrôle parlementaire,
on aimerait pourtant savoir simplement quelles sont les matières concernées.
Ne trouvant pas ce que je cherchais dans mes 852 pages du texte original, j’ai
trouvé les explications suivantes sur le site http://www.assemblee-nationale.fr/12/europe/rap-info/i1710.asp
: « 2) La généralisation de la "procédure législative
européenne" : La Constitution étend sensiblement le champ
d'application de la procédure de codécision, désormais
nommée « procédure législative ordinaire »,
qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec
le Conseil de l'Union.
Cette extension conduit à un net renforcement des pouvoirs du Parlement
européen puisque 27 domaines d'action de l'Union passent à la
procédure législative, et concernent principalement : - le marché intérieur
(art III-24, III-29, III-32, et III-46-2) ; - la gouvernance économique
et l'Union économique et monétaire (art. III-71-6 et III-79-5)
; - la justice et les affaires intérieures (art. III-163, III-166-2,
III-167, III-171, III-172, III-173, III-177) ; - la Cour de justice (art. III-264,
III-269, III-289) ; - le budget européen (art. III-318, III-319) ; -
les accords commerciaux (art III-217-2) ; - l'agriculture (art. III-126-1,
III-127-2).
Les nouvelles compétences reconnues à l'Union sont toutes soumises à la
procédure législative ordinaire, ajoutant ainsi huit nouveaux
domaines dans lesquels le Parlement européen légifère
sur un pied d'égalité avec le Conseil : - le sport (article III-182)
; - la protection civile (article III-184) ; - la propriété intellectuelle
(article III-68) ; - l'espace (article III-150) ; - la coopération administrative
(article III-185) ; - les mesures nécessaires à l'usage de l'euro
(article III-83) ; - les sanctions financières contre des personnes
ou des groupes criminels (article III-49) ; - l'énergie (article III-157).
Dans les domaines qui restent soumis à une procédure législative
spéciale, le Parlement européen obtient néanmoins un renforcement
de ses pouvoirs : - pouvoir d'initiative et dernier mot sur la loi définissant
les modalités d'exercice de son droit d'enquête (article III-235);
- procédure d'approbation sur les modalités des « ressources
propres » (article I-53 § 4) au lieu d'une simple consultation;
- procédure d'approbation sur l'extension des droits liés à la
citoyenneté (article III-13) ; - pouvoir de consultation dans plusieurs
domaines où il n'avait aucun droit de regard telles que les mesures
nécessaires pour faciliter la protection diplomatique et consulaire
des citoyens de l'Union (article III-11).
Par ailleurs, le Parlement européen devra être consulté en
ce qui concerne : - la décision du Conseil d'utiliser la « clause
passerelle » (article IV-7 bis) ; - les mesures concernant les passeports,
cartes d'identité, titres de séjour, protection et sécurité sociale
(article III-9); - le régime linguistique des titres de propriété intellectuelle
(article III-68).
Enfin, en matière d'accords internationaux, l'extension de la procédure
législative entraînera la procédure d'approbation pour
les accords portant sur ces domaines (article III-226). » On reste sur
l’impression qu’il y a encore des domaines où le Parlement
n’a « aucun droit de regard » (ça fait froid dans
le dos), mais que personne n’insiste là-dessus… Quels sont
ces domaines ? Ce traité est illisible. Lu sur http ://www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=2157
: « Les 21 domaines dont le Parlement est exclu et où le Conseil
des ministres décide seul sont d’une importance décisive
: le marché intérieur, l’essentiel de la Politique Agricole
Commune, le Tarif Douanier Commun, la Politique Étrangère et
de Sécurité Commune, la politique économique, la politique
sociale, la fiscalité... », mais l'auteur JJ Chavigné ne
donne pas de n° d’articles précis. Il faut donc continuer à chercher
dans le texte… Inquiétante opacité du texte suprême.
17. Seule la Commission peut être renversée par le Parlement,
en bloc : Article I-26, §8 : « La Commission, en tant que collège,
est responsable devant le Parlement européen. Le Parlement européen
peut adopter une motion de censure de la Commission conformément à l'article
III-340. Si une telle motion est adoptée, les membres de la Commission
doivent démissionner collectivement de leurs fonctions et le ministre
des Affaires étrangères de l'Union doit démissionner des
fonctions qu'il exerce au sein de la Commission. », un commissaire peut être « démissionné » par
le président de la Commission (lui-même élu par le Parlement)
: art. 1-27, dernier § : « Un membre de la Commission présente
sa démission si le président le lui demande. », mais ni
le Conseil des ministres, ni le Conseil européen, ne sont responsables
devant personne. Le Conseil nomme les membres de la Commission (art.1-27 §2),
seul le président de la Commission est élu par le Parlement (art.
1-27 §1). La Commission, qui est ainsi l’émanation du Conseil,
sa « chose », sert donc de « fusible » politique face
au Parlement, faisant écran aux Conseils qui ne risquent rien.
18. Voir le détail de l’humiliation infligée par Pascal
Lamy aux parlementaires qui voulaient consulter les documents préparatoires
pour l’AGCS dans le livre passionnant de Raoul Marc Jennar, « Europe,
la trahison des élites », pages 64 et s., et notamment 70 et 71.
Voir aussi un passionnant article de Jennar intitulé « Combien
de temps encore Pascal Lamy ? », à propos des deux accords AGCS
et ADPIC : http://politique.eu.org/archives/2004/04/11.html.
19. Soi-disant "avancées" pour le Parlement : il va voter
le budget et il y aura davantage de matières où il y aura codécision
: le Parlement ne sera donc plus exclu de presque tout comme avant… On
croit rêver.
20. Noëlle Lenoir, alors ministre française déléguée
aux affaires européennes du gouvernement Raffarin, a déclaré : « il
suffira de rassembler un million de signatures en Europe pour obliger la Commission à engager
une procédure législative » (Le Monde, 30 octobre 2003).
21. Droit de pétition : art. I-47, §4 : « Des citoyens de
l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif
d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission,
dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée
sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte
juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la
Constitution. La loi européenne arrête les dispositions relatives
aux procédures et conditions requises pour la présentation d'une
telle initiative citoyenne, y compris le nombre minimum d'États membres
dont les citoyens qui la présentent doivent provenir. » On est à mille
lieues du référendum d’initiative populaire suisse qu’on
fait miroiter aux électeurs.
22 Pays qui ne soumettent pas le "traité" à leur peuple
: Italie, Allemagne, Belgique, Suède, Chypre, Grèce, Estonie.
Pays qui ont opté pour le référendum : France, Royaume-Uni,
Espagne, République tchèque, Portugal, Pays-Bas… 23. RM
Jennar à raison : il faut réaffirmer nos fondamentaux et rappeler
ce que proclamait, le 26 juin 1793, l’article 35 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de l’an I : « Quand le
gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple
et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus
indispensable des devoirs ». (« Europe, la trahison… »,
p. 218).
24. Lire à ce propos la position de Pervenche Berès, membre de
la convention Giscard, coauteur du texte donc, qui renie pourtant le résultat
final tant il a été défiguré par les gouvernements
dans l’année qui a suivi, et qui appelle finalement à « Dire "non" pour
sauver l'Europe » : http://www.ouisocialiste.net/IMG/pdf/beresMonde290904.pdf..
25.. Selon la célèbre formule de Lacordaire : " Entre le
fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le
serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit".
Chacun peut prévoir ce qu’il adviendra avec des renards libres
dans un poulailler libre. Les charmes de la liberté débridée
sont une chimère, une fable, une imposture.
26. Lire les analyses du site Acrimed sur la partialité des médias
sur cette affaire : http://www.acrimed.org/article1950.html.
Lire aussi l’article de Bernard Cassen dans Le Monde Diplomatique : « Débat
truqué sur le traité constitutionnel » : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/02/CASSEN/11908.