Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Le Courrier des libertés sociales du jourCHRONIQUE DE L'EUROPE LIBRE
LUNDI 2 JUIN 2003
UN FREIN A LEMERGENCE DUN VRAI POLE EUROPEEN
L'action de M. Chirac va exactement à lencontre des objectifs quelle prétend sassigner
On avait largement propagé lannonce des retrouvailles franco-américaines programmées pour la réunion du G8 à Evian. Et tout ce que l'Hexagone compte didéologues creux et dutopistes (1) fourbissaient déjà les armes dénonçant la dérive ultra-libérale, ultra fait toujours mieux, imputée au gouvernement actuel.
Et voilà que même les photos, soulignant les sourires crispés des présidents français et américain montrent, à lévidence, combien fraîches demeurent encore les relations entre Paris et Washington.
Sur la réalité de cette tension, le correspondant du Washington Post (2), Keith Richburg dresse un tableau très parlant des intentions néo-gaullistes de la diplomatie chiraquienne. Et pourtant le même journal avait souligné, le même jour, que les Nations Unies avaient accepté la mission de paix confiée à larmée française au Congo, avec lappui des troupes britanniques et, le 30 mai, le président Bush avait salué le rôle positif de la France dans la lutte contre le terrorisme.
Le G8 lui-même, ou plutôt le G7 avait été inventé par la France giscardienne. Il y a un quart de siècle, il s'agissait de réunir les pays économiquement les plus puissants. À lépoque, ni lUnion soviétique ni la Chine n'étaient invitées. Le G8 a changé complètement de nature à linitiative de la France chiraquienne. Sur 3 journées de réunions officielles, la première a été officiellement consacrée à lécoute de 12 pays désignés comme porte-parole des pauvres et la troisième journée sachèvera hors la présence du président américain.
Quand donc le Figaro titre : "Chirac impose les pauvres à la table des riches" (3), peut-être exagère-t-il, peut-être évoque-t-il des réminiscences de sermons progressistes quon croyait oubliés. Toujours est-il que pratiquement le G8 selon Chirac accorde autant dimportance à lAlgérie quaux États-Unis.
Or, ce que lon doit mesurer désormais cest dabord part que les Américains rendent bien la monnaie au président de notre république.
Chirac avait affirmé que le Sida et surtout lAfrique seraient la priorité et lon annonce fièrement que la France donnerait 150 millions deuros. Les États-Unis mettront eux 15 milliards de dollars sur la table.
Dautre part, on remarque combien, de plus en plus, notre diplomatie fait cavalier seul. Face à ses problèmes intérieurs, le chancelier Schroeder prend le virage de réformes quil vient de faire avaliser à son parti. Quant à Vladimir Poutine, il est parvenu à donner au 300e anniversaire de Saint-Pétersbourg et à la signature dun accord russo-américain ce 31 mai plus dimportance quau G8 dEvian.
Lidée dun monde effectivement multipolaire est évidemment plus sympathique que la sombre perspective du choc des civilisations, choc décrit par son théoricien universitaire M. Huntington. On peut même soutenir, et cest notre perspective préférentielle, que le choc noppose pas les civilisations entre elles mais les grandes civilisations dune part à la poussée et à la poussière des barbaries et des anarchies d'autre part
M. Chirac en tout état de cause devrait bien considérer que dans "multipolaire", il y a "pôle". Le seul pôle qui permettrait à nos pays de participer réellement au jeu mondial, et qui les affranchirait de leur complexe vis-à-vis des Américains, ce serait irrévocablement la fondation dun vrai pôle européen.
Non seulement, de ce point de vue, le néo-gaullisme de M. Chirac est un frein à lémergence dun vrai pôle européen, mais les conceptions technocratiques, sociales démocrates, étatistes et fiscalistes françaises entravent matériellement et même financièrement linvestissement de lEurope dans le rétablissement de sa puissance.
Quand 45 % du Budget européen est absorbé par la politique agricole commune, quand tous nos politiciens ne pensent quen termes de subventions, de redistribution et dassistanat, il reste peu de place pour la renaissance dune Europe libre.
Et cest donc à cela que nous devons nous attacher...
JG Malliarakis et Alice Borghèse
(1) Ils se qualifient désormais eux-mêmes "altermondialistes." Ils veulent une "autre" mondialisation, un "autre monde"
(2) En date du 31 mai : "Chirac demeure hostile".
(3) Titre de première page du 2 juin.
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