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Sceau personnel de JG Malliarakis

CHRONIQUE DE L'EUROPE LIBRE

MARDI 3 JUIN 2003

C’EST GISCARD D’ESTAING QUI NOUS LE DIT

Giscard président de la Convention pour l'avenir des institutions européennes

Malheur à l’Europe si elle reste divisée

Dans son allocution du 29 mai à Aix-La-Chapelle, M. Giscard d’Estaing, récipiendaire du Prix Charlemagne en tant que président de la Convention pour l’Avenir des institutions européennes, s’écriait : Malheur à l’Europe si elle reste divisée. Or, l’Europe des derniers temps n’est pas seulement divisée sur la question institutionnelle. Elle est divisée sur l’attitude vis-à-vis de l’islam. Le Monde (3 juin) met cette division sur le compte de l’Église romaine en disant que "Le Vatican accuse l’Europe de dérive laïciste". C’est une présentation déformée du débat. En réalité, la question véritable est de savoir quelle place l’Europe accorde aux religions étrangères et par conséquent à l’islam.

Au VI siècle de notre ère, un prédicateur prodigieux est apparu dans la péninsule arabique. Chassé de sa ville, alors en plein essor commercial et financier, il ne tarda pas à conquérir l’Arabie et à la convertir au monothéisme. Ses successeurs s’emparèrent de la Syrie, de l’Égypte, de la Palestine puis de la Perse. Maîtres de la Méditerranée orientale puis de l’Afrique du nord, ils poussèrent leur conquête jusqu’en Espagne et au Portugal et ne furent arrêtés, 100 ans après la mort de Mahomet que par un certain Charles Martel à Poitiers en 732.

L’historiographie actuelle, politiquement correcte, présente cet immense Empire musulman pour tolérant, acceptant que les gens du livre, chrétiens et juifs, monnayent leur protection par le paiement d’un impôt spécial. Ils étaient ainsi dispensés de porter les armes, de monter à cheval et de professer trop publiquement leur religion. Mais, nous dit-on, moyennant toutes ces protections et ces dispenses, ils avaient le droit de penser ce qu’ils voulaient, de faire honnêtement du commerce. S’ils devenaient trop riches, on pouvait les détrousser. S’ils étaient considérés comme des voleurs, on pouvait leur couper la main. S’ils commettaient l’adultère avec une femme musulmane, on leur tranchait la gorge. S’ils parlaient ou écrivaient publiquement contre la religion de Mahomet, sceau de la prophétie, on leur coupait la langue.

Cette aimable cohabitation dura en Espagne aussi longtemps que dura la domination arable. Car, très classiquement, le conquérant religieux se révéla très vite un occupant national. Il fut ressenti comme tel pendant plusieurs siècles. Ce fut ressenti comme tel pendant plusieurs siècles. Il fut combattu au nom de la foi et de la patrie par les chevaliers espagnols et portugais. Et finalement, au XV siècle, après 700 ans d’un joug laissant un très mauvais souvenir, l’Empire arabo-musulman fut chassé d’Espagne par les Rois catholiques, Isabelle la Catholique et Ferdinand d’Aragon. Dans la conscience nationale espagnole, cette Reconquête est la grande aventure, constitutive de l’identité du pays.

Corrélativement, on doit bien se représenter que l’Islam au temps de Mahomet se veut une prophétie nationale arable, constitutive d’une identité qui s’est étendue religieusement de l’Atlantique à l’Indonésie, mais dont le principe est nationaliste, éventuellement conquérant, mais non véritablement missionnaire. La communauté islamique a englobé d’autres peuples, indo-européens parfois, comme les Iraniens ou les Afghans ou les Kurdes, mais elle leur a imposé l’alphabet arabe et une prière en langue arabe.

L’Europe a repoussé l’islam au long du Moyen-Âge et elle a tenté de rétablir la liberté des pèlerinages en Orient au gré d’un mouvement d’expansion du dynamisme occidental qui s’est identifié à la Croisade. Pour les lieux saints de la chrétienté, mais aussi pour la maîtrise par les Francs, par les Européens du nord-ouest et même par les marchands de Venise, des comptoirs de la Méditerranée orientale.

En histoire, il n’existe guère de puissance innocente. Il existe des vainqueurs et des vaincus. Les peuples asservis ou conquis peuvent conserver leur identité et reconquérir leur liberté – ou bien ils se coulent entièrement dans la logique de leur conquérant. Le Maghreb est devenu musulman et se veut parfois passionnément arabe. L’Europe n’a voulu, elle, ni l’un ni l’autre. Elle perdrait son identité si elle en perdait la fierté.

JG Malliarakis
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