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CHRONIQUE DE L'EUROPE LIBRE
MARDI 10 JUIN 2003
POUR SALUER LA VICTOIRE EUROPEENNE DE VARSOVIE
En dépit des personnages gris et falots de nos technocraties
La victoire écrasante du oui, à plus de 77 % au référendum polonais dadhésion à lUnion européenne, déjoue une fois de plus les pronostics sordides de leuropessimisme.
Les peuples sy trompent beaucoup moins que les communicateurs : ce qui importe pour les Européens, cest le sentiment de liberté associé à lidée européenne, en dépit de tous les nuages noirs et de tous les personnages gris et falots de la technocratie et du politiquement correct ambiant.
M. Romano Prodi, qui nest pourtant pas une réincarnation dAlexandre le Grand, a eu raison de le dire : cest un jour historique pour lEurope. Il ne croit pas si bien dire.
La Pologne aura été, depuis 1939, lune des principales victimes du communisme et du système de Yalta. Ses frontières ont été charcutées, ses populations ont été déplacées, ses villes ont été martyrisées et son histoire a même été bafouée puisqu'on l'a systématiquement occultée depuis Katyn.
Ce 9 juin, Madame Lenoir, secrétaire dÉtat chargée des affaires européennes, S'est contentée d'une petite déclaration misérablement conventionnelle. Son propos continue dailleurs dans le registre de cette offense, certainement inconsciente, à la Mémoire sociale de cette nation amie. Il ny est question que des relations bilatérales franco-polonaises, allant des 12 % dhabitants de la région Nord-Pas-de-Calais dascendance polonaise, aux lanciers polonais de la Grande Armée ; le supplément d'âme culturel était constitué d'une allusion aux amours de George Sand et de Frédéric Chopin.
La vérité cest que la Pologne est une affaire européenne. C'est tout lespace européen qui sélargit durablement vers lEst. Sur 10 nouveaux États-Membres amenant lUnion européenne à 25 pays et 450 millions d'hommes et de femmes, les Polonais représentent à eux seuls la moitié de 75 millions de nouveaux citoyens. Varsovie sera désormais, à égalité avec Madrid, lune des six grandes capitales de l'Europe.
Limportance de cette évolution est considérable.
Notre cher président français, M. Jacques Chirac, est passé sérieusement à côté dune occasion de se taire en ronchonnant à plusieurs reprises ces derniers mois contre la Pologne et les Polonais. Il ne comprend manifestement ni le rôle, le poids ni les préoccupations de lEurope centrale dans les années à venir. De la Lituanie à la Slovénie, c'est par exemple un groupe de six pays de culture catholique à l'est de l'espace de l'Union européenne, dont Varsovie, Prague et Budapest seront les villes phares.
Il faut navoir jamais mis les pieds dans aucune de ces capitales pour ignorer que même à lépoque noire du communisme, elles ont toujours été de hauts lieux de la civilisation européenne.
Au xvie siècle, par exemple, foyer de la Renaissance, le royaume de Pologne rayonna sur la Lituanie, la Biélorussie, et jusqu'en Moldavie.
À laube du xviie ce pays pouvait envisager de conquérir et de convertir la Russie du Temps des Troubles. Ce nest quà partir du milieu du xviie , du fait de la décomposition du pouvoir royal à Varsovie (1), que l'idée dun découpage de la brillante civilisation polonaise commença à voir le jour d'abord entre Suédois, Hongrois et Cosaques avant de se réaliser 130 ans plus tard entre Prussiens, Autrichiens et Russes.
Peuple puissant et rayonnant de la Renaissance à l'âge Baroque, emblématique de la cause des nationalités du siècle Romantique, indomptablement opposé au communisme tout au long du xxe siècle, ce pays est aujourd'hui, certes, bien loin de diluer sa personnalité dans un simple espace de consommation.
Ladhésion de la Pologne à lEurope est pour les Polonais, comme pour dautres pays dailleurs, citons à lévidence lIrlande, la Finlande ou la Slovénie, une forme de consolidation et de lindépendance et de lidentité de la nation en tant que telle.
Les technocrates français commettent donc une profonde erreur en méconnaissant toute la force conjointe du sentiment national et continental dans les pays dEurope centrale. En prétendant "faire la leçon" à ces nouveaux membres de lOTAN, les technocrates néo-gaullistes français montrent également combien ils ignorent les conséquences de la libération de 1991, et combien ils sont soupçonnés de navoir strictement jamais mesuré les crimes du communisme jusqu'en 1991.
Il est par ailleurs fort dommage que, dans la patrie dÉlysée Reclus et de Vidal de la Blache, on ignore à ce point la géographie et lhistoire, nayant aucun souci de ce qua représenté la ligne Oder-Neisse.
Ladhésion de la Pologne est donc une victoire pour lEurope. Seul laveuglement de nos dirigeants empêche quelle soit fêtée à Paris comme elle mérite de l'être.
JG Malliarakis et Alice Borghèse
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(1) La date caractéristique est celle de 1652, qui vit l'instauration du liberum veto, c'est-à-dire de la règle de l'unanimité à la Diète polonaise. Dès 1654, commence "le Déluge" des invasions étrangères
(2) Il est significatif que le liberum veto qui bloqua toute réforme à la Diète polonaise pendant tout le XVIIIe siècle demeure la règle de l'Europe à 25.
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